- Largeur.com - https://largeur.com -

Pépites d’architecture contemporaine

Avec un nouveau Musée des Beaux-Arts, un nouveau Parlement cantonal ou un nouvel Opéra, Lausanne a été un terreau d’innovation architecturale. Deux heures de promenade à la découverte des plus belles constructions récentes.

Héloïse Gailing est architecte et spécialiste en médiation de l’architecture. C’est elle qui nous a guidé sur les pentes lausannoises pour nous faire découvrir les exemples les plus réussis de construction contemporaine sur sol lausannois. Car malgré un bâti déjà dense, la ville ne cesse de se parer de nouveaux atours. Plusieurs réalisations récentes s’inspirent des bâtiments historiques et industriels existants. Elles sont le fruit des concours d’architecture dont l’usage s’est généralisé dans la ville depuis la fin des années 1990 et utilisent avec finesse des matériaux bruts comme la brique ou la tôle. Héloïse Gailing s’attarde à défendre tout particulièrement les rénovations respectueuses de l’essence de leur quartier, qui offrent une continuité dans l’espace urbain.

C’est devant un ensemble harmonieux que démarre la visite. À l’avenue de la gare 39, au pied de la Tour Edipresse, deux bâtiments administratifs sont sortis de terre entre 2011 et 2016. Ils rappellent leur grande sœur adjacente par les éléments verticaux de leurs façades. Le premier, qui accueille une banque, constitue un «petit objet luxueux», selon Héloïse Gailing. «La création du bureau neuchâtelois GD architectes épouse la pente comme si ses grands panneaux de verre et sa structure métallique étaient simplement posés sur le sol», explique-t-elle. Quant au second immeuble des Lausannois RDR architectes, il se situe sur le trottoir d’en face et abrite le siège de la Fédération internationale de gymnastique.

Comme on ne tarde jamais à grimper à Lausanne, nous empruntons la rue Charles-Monnard jusqu’à l’Opéra. Ce cube miroitant de 30 mètres de haut où se reflètent tour à tour ciel, montagnes et bâtiments selon le point de vue, «fait désormais partie de la ligne d’horizon de Lausanne», relève Héloïse Gailing. Pour l’anecdote, sa créatrice, la Genevoise Inès Lamunière, est la fille de Jean-Marc Lamunière, concepteur de la Tour Edipresse aperçue plus tôt. Grâce à cette extension de 2012, l’Opéra construit en 1871 peut désormais accueillir et préparer de grandes productions.

Les plus passionnés profiteront de ce passage à Georgette pour faire un crochet au Forum d’architectures Lausanne, qui se situe à l’avenue Villamont. Le lieu accueille régulièrement des expositions. À quelques pas de là, au numéro 6 de l’avenue de Rumine, le bureau vaudois de la Société suisse des ingénieurs et des architectes SIA permet lui aussi d’en apprendre davantage.

À la cité, au-delà de la cathédrale

Plus sportive, la deuxième ascension nous amène jusqu’au Pont Bessières, que nous franchissons pour rejoindre le quartier historique de La Cité. Sur la place de la Cathédrale, la façade du Musée historique Lausanne (MHL) dont la rénovation s’est achevée l’année dernière, accroche le regard par sa finesse. Elle présente un mur ocre recouvert d’un motif végétal.

«Ce feuillage fait référence à un motif mis à jour dans une des salles du musée, nous renseigne notre guide. Il rappelle une technique traditionnelle de revêtement de façade, le sgraffite, utilisée à la Renaissance.» Le bureau lausannois Brauen Wälchli Architectes à l’origine du projet, ne s’est pas contenté de l’extérieur; il a repensé l’ensemble des salles d’exposition. «Les objets de la collection sont mis en valeur par des murs noirs et éclairages ponctuels, tandis que des percées sur l’extérieur donnent à voir un exceptionnel panorama sur la ville et le Léman.»

Après une halte méritée au délicieux jardin à la française du café du MHL, nous reprenons notre promenade en direction du Parlement vaudois, centre du pouvoir législatif, qui avait brûlé en 2002. Sa toiture massive de 15 mètres de haut marque les esprits. Selon le projet initial, elle devait être encore plus haute, de forme irrégulière et en inox étamé pour héberger une installation énergétique high-tech! Elle ressemble finalement à une pyramide tronquée recouverte de tuiles. Il s’agit d’un exploit technique puisque ce toit n’est pas soutenu par des poutres mais uniquement par sa base. Un tour de force rendu possible grâce à une technique développée à l’EPFL. Terminé en 2017, le nouveau bâtiment a été imaginé par le bureau espagnol Bonell & Gil associé à l’atelier lausannois Cube. À travers les vitres, à la rue Cité-Devant 13, on aperçoit un grand hall où les parois de béton se mêlent aux pierres historiques de l’édifice de 1803, date de l’entrée du canton de Vaud dans la Confédération helvétique. «À côté de ces éléments minéraux, un grand escalier sculptural habille l’espace. Il mène à la salle où siègent les députés du Grand Conseil.»

Petit Manhattan

 Nous dévalons ensuite la pente par l’avenue de l’Université avant de traverser la place de la Riponne et la rue Haldimand pour rejoindre la Tour Bel-Air, le «gratte-ciel» lausannois. «Tous les architectes étrangers de passage à Lausanne la remarquent, s’enthousiasme Héloïse Gailing. C’est un petit bout de Manhattan en Suisse !» Les bureaux et appartements qu’elle renferme ont été rénovés en 2017 sous l’égide du cabinet CCHE. Sa façade a également retrouvé son éclat d’antan. Nous dépassons la dame de 78 mètres conçue en 1931, pour continuer sur la rue des Terreaux et tourner à gauche sur le Pont Chauderon.

Nous empruntons l’ascenseur à l’autre extrémité du pont et descendons le chemin piétonnier jusqu’au Théâtre de l’Arsenic. «L’édifice a été emballé en 2013 d’une résille métallique noire à la manière d’une dentelle, explique Héloïse Gailing. Il est le résultat d’un travail étroit entre la Ville, les architectes de Pont12, basés à Renens, et l’équipe du théâtre.» De style industriel, il s’intègre parfaitement dans ce quartier d’entrepôts en reconversion. Sa cafétéria régale les voisins comme les spectateurs.

Ce sera notre dernière étape avant d’arriver à la gare, où le nouveau Musée cantonal des Beaux-Arts (mcb-a), conçu par Fabrizio Barozzi et Alberto Veiga sera inauguré en octobre. Il préfigure les formidables transformations du quartier de la gare, sur lequel de nombreux architectes vont plancher ces prochaines années.

_______

Une version de cet article réalisé par LargeNetwork est parue dans le magazine The Lausanner (no3).