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30 ans de mobilité: métamorphose totale

Pour absorber la poussée démographique qu’a connue la Suisse en 30 ans et répondre à de nouveaux usages en matière de travail ou de loisirs, la mobilité a dû se réinventer, à petite comme à grande échelle.

Une version de cet article réalisé par LargeNetwork est parue dans PME Magazine.

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Les trois dernières décennies évoquent un paradoxe certain en matière de mobilité. D’un côté, l’aviation de loisirs, devenue très accessible, permet aujourd’hui de traverser l’Europe pour quelques centaines de francs. De l’autre, la prise de conscience des impacts négatifs de nos déplacements invite à la mise en place de mesures pour lutter contre cet essor.

1. L’essor de l’aviation civile

On compte aujourd’hui plus de quatre milliards de voyageurs qui prennent l’avion chaque année dans le monde. Ils étaient moins d’un milliard en 1989. En Suisse, les trois dernières décennies ont été marquées par la faillite de la compagnie nationale Swissair en octobre 2001. La défunte est rapidement remplacée par Swiss, qui aura cependant de la peine à prendre son envol, et sera revendue à Lufthansa en 2005.

Témoin de la démocratisation de l’avion, la compagnie de vols bons marchés EasyJet fait son apparition en Suisse en 1998. Sa filiale helvétique détient à ce jour une part de marché de 45% à l’aéroport de Genève. «Il y a eu une libéralisation du système aérien en Europe à la fin des années 1980, rappelle Giuseppe Pini, professeur honoraire en géographie des transports à l’Université de Lausanne. De nouveaux acteurs sont arrivés sur le marché avec un fonctionnement différent de celui des compagnies nationales. Cela a créé une concurrence sur les prix. L’effet de cette offre bon marché, c’est la génération d’une demande induite: on ne se déplace plus seulement par nécessité, mais aussi parce que les prix le permettent.»

2. Développement de la mobilité douce

Dans les agglomérations, les taux de particules fines dans l’air augmentent, notamment à cause des émissions dues au transport. La congestion des axes routiers devient un casse-tête. Des mesures sont mises en place pour limiter le trafic: péages urbains, encouragement au covoiturage, promotion de modes «doux» à l’instar du vélo ou de la marche. «La marche reste le principal mode de transport en ville, mais elle a longtemps été oubliée par les planificateurs», remarque l’historien genevois Gérard Duc. Dans la métropole lémanique, l’ASPIC – ancêtre de Pro Vélo – a été créée en 1980. Avant, il n’existait pas de ‘lobby’ pour des usagers de la route autre qu’automobilistes.» A l’instar des Vélib’ parisiens, on voit apparaître dans les grandes villes suisses des dispositifs de vélos en libre-service, gérés essentiellement par PubliBike, une filiale de CarPostal. Dès les années 2000, le vélo électrique fait son apparition, devenant un objet tendance, voire luxueux. «Le vélo lui-même a augmenté de valeur ces dernières années, note Liam O’Brien, directeur du fabricant suisse Voltitude. Les consommateurs sont prêts à mettre les moyens nécessaires pour se sentir en cohérence avec leurs valeurs et leur style de vie.»

3. Des transports publics ambitieux

Dans le même esprit, on s’attèle à développer les réseaux de transports publics pour limiter le nombre de véhicules motorisés individuels. Plusieurs projets novateurs voient le jour: le M2 à Lausanne, premier métro automatique de Suisse, constitue un défi technique de par les dénivelés qu’il permet de parcourir (plus de 12%). La ligne CEVA (Cornavin-Eaux-Vives-Annemasse) à Genève, liaison ferroviaire transfrontalière franco-suisse et reliée à d’autres lignes dans le cadre du projet Léman Express, sera mise en fonction à la fin de cette année.

Les liaisons ferroviaires principales subissent en tous temps de multiples travaux afin d’être élargies et de permettre un trafic accru. «Sur la ligne Lausanne-Genève, une troisième voie entre Genève et Coppet a été inaugurée en décembre 2004. Dix ans après, en 2015 les chantiers pour une quatrième voie commençaient entre Renens et Lausanne», témoigne Frédéric Revaz, porte-parole des CFF.

4. Nouveaux usages de la voiture

Avec toutes ces solutions, qu’en est-il des automobiles? La Suisse compte près de 5 millions de voitures individuelles, ce qui en fait l’un des plus forts taux de motorisation d’Europe. Mais ces véhicules connaissent de nouveaux usages, partagés ou en libre-service, mais aussi de nouvelles technologies: «La première voiture hybride de grande série a été commercialisée en Suisse en 2000», se rappelle Rudolf Blessing, ingénieur chez Auto-suisse, l’association regroupant les importateurs officiels en Suisse. En 2009, le marché automobile alternatif représentait 2,1% du marché total. Ce ratio est de 7,2% aujourd’hui. A mentionner, la start-up vaudoise Greenmotion développe des bornes de recharge pour véhicules électriques. Ses solutions convainquent jusqu’en en Inde et en Chine notamment.

Grand défi pour l’avenir, le véhicule motorisé autonome pointe le bout de son nez dès l’été 2016, avec un essai sur de petits bus dans le centre-ville de Sion. Ces derniers sont pilotés par Bestmile. La technologie de la prometteuse PME lausannoise suscite aujourd’hui l’intérêt ailleurs en Suisse et dans le monde.

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Les transports suisses en 2049…

La mobilité du futur a souvent donné lieu à de nombreux fantasmes. Verra-t-on des drones transportant des passagers à l’aube de 2050? Un nouveau Swissmetro? Une généralisation de véhicules autonomes? «Ce qui se dessine, c’est surtout le renforcement de la multimodalité, estime Giuseppe Pini, professeur honoraire en géographie des transports à l’Université de Lausanne. L’individu mobile, lorsqu’il est confronté à un déplacement, va mélanger les moyens de transports, mais pas de manière régulière: il peut changer de combinaisons d’un jour à l’autre pour un même trajet.» Selon l’expert, une logique de mobility pricing apparaîtra également dans un futur proche: le fait que l’on paie en fonction de la distance parcourue, tous moyens de transports confondus, en internalisant les coûts externes, comme la pollution générée.

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4 milliards
Le nombre de voyageurs ont pris l’avion dans le monde en 2018, quatre fois plus qu’il y a trente ans.

25 millions
Le nombre de passagers qui utilisaient la ligne CFF Genève-Lausanne en 2000. Ils sont 60 millions aujourd’hui et pourraient atteindre les 100 millions d’ici à 2030.

3,2 millions
Le nombre de vélos électriques pourraient être vendu sur le marché européen en 2025, contre 1,6 millions aujourd’hui.