Les Genevoises Marina et Milena Buckel perpétuent la tradition familiale en fabriquant des prothèses oculaires en verre. Rencontre.
Des dizaines de bouquets d’yeux dévisagent le visiteur de cet atelier situé à Perly. C’est que les propriétaires des lieux s’y consacrent à une activité unique en Suisse romande: fabriquer des prothèses oculaires en verre. Une spécialité familiale depuis quatre générations, transmise aujourd’hui par Matthias Buckel à ses filles Marina et Milena, 33 et 35 ans.
La cadette s’est intéressée la première au métier: «Après l’obtention de mon diplôme en communication visuelle, j’ai eu envie de combiner mes envies artistiques avec une activité manuelle qui me permettrait d’avoir un contact humain», explique Marina. «J’apprécie particulièrement les liens créés avec nos patients, remarque pour sa part Milena. Passer au port d’une telle prothèse est une étape cruciale dans une vie, que nous pouvons adoucir par nos mots et notre art.»
Souffler le verre, manier les tubes de couleur permettant de créer les nombreuses teintes de l’iris ou donner la bonne forme à l’oeil: autant de tâches qui exigent un travail méticuleux. «Il faut faire preuve de patience, indique Marina, qui se forme à ce métier depuis maintenant cinq ans. Car il s’agit d’une matière fragile lorsqu’elle est travaillée. Il est aussi essentiel de donner un aspect «vivant» à la prothèse.»
Les deux jeunes femmes peuvent s’appuyer sur un héritage séculaire. La famille Buckel est originaire de Lauscha, une ville allemande de Thuringe, où le soufflage de verre est une véritable spécialité. En 1896, Ernst Greiner, grand-oncle de Matthias Buckel, quitte l’Allemagne pour venir s’installer à Genève. Il démarre avec succès son activité d’oculariste et transmet son art à son fils Werner, qui le transmettra lui-même à Matthias Buckel. Pour créer une prothèse, il faut entre une ou deux heures, selon les demandes et la morphologie du globe oculaire.
Nous voyons entre 200 et 300 patients à l’année», précise Milena. Les assurances couvrant les frais, les yeux artificiels peuvent être changés tous les ans. La prothèse se glisse alors sur le globe comme une lentille de contact, avec un léger prolongement sur un côté afin de maintenir une bonne mobilité. «Idéalement, elle accompagnera jusqu’à 80% des mouvements de l’œil qu’elle remplace.»
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Une version de cet article réalisé par LargeNetwork est parue dans la Tribune de Genève.