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Ces secteurs qui recrutent

Une version de cet article réalisé par LargeNetwork est parue dans PME Magazine.

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Ingénieurs, techniciens, informaticiens ou spécialistes fiduciaires: autant de métiers pour lesquels la demande ne faiblit pas. «Dans ces professions, les entreprises ont actuellement du mal à trouver un personnel adéquat en nombre et en qualification», explique Nicole Burth, directrice d’Adecco Suisse, en introduction de l’enquête annuelle que l’entreprise réalise en collaboration avec le Moniteur du marché de l’emploi de l’Université de Zurich (lire encadré). Le manque de main d’œuvre qualifiée, qui touche aussi particulièrement les domaines de la médecine humaine et de la pharmacie, a même augmenté en 2018 selon cette étude.

Un constat confirmé par les cabinets de recrutement. «Nous manquons clairement de main d’œuvre dans ces métiers-là, indique Julien Gibert, directeur exécutif du cabinet Page Personnel & Michael Page Genève. Cela nous force à aller chercher des candidats dans d’autres secteurs, avec la complication de devoir les ‘convertir’.» Une aubaine pour les personnes déjà en emploi: les chasseurs de tête approchant aussi des candidats non-déclarés, certains spécialistes peuvent se voir proposer une opportunité pour migrer dans une entreprise concurrente avec des conditions de travail plus intéressantes. Un phénomène qui entraîne une mise en concurrence nouvelle des employeurs. Les entreprises ont donc tout intérêt à choyer leurs employés.

La pénurie de main d’œuvre constatée dans certains domaines est liée à la transformation digitale démarrée par la plupart des entreprises, souligne Pierre Verchere, de l’agence de placement genevoise Approach People Recruitment: «Même les PME à taille plus réduite intègrent désormais un programme de gestion automatisée, pour optimiser et intégrer toutes les données, par exemple dans la logistique.» La grande distribution, le domaine médical et les particuliers recourent aussi de plus en plus aux objets connectés, qui demandent beaucoup de travail en amont, et donc des développeurs qualifiés.

Démarchés avant le diplôme

Les jeunes en quête d’un emploi sûr ont-ils donc intérêt à se tourner vers l’informatique ou l’ingénierie? «Nos étudiants de niveau bachelor trouvent très rapidement du travail, ce sont même les entreprises qui viennent les chercher, témoigne Fariba Moghaddam, professeure de mécatronique et instrumentation à la Haute Ecole d’Ingénierie de la HES-SO Valais. Souvent ils commencent à travailler en septembre, alors que la remise des diplômes a lieu deux mois plus tard.» Les filières «systèmes industriels» et «énergie et techniques environnementales» sont celles où le phénomène est le plus marqué. Selon la professeure, l’école «aurait la capacité de former 50% plus d’étudiants, mais les inscriptions ne suivent pas».

Avant de parler des employeurs, ce sont donc les instituts académiques qui recrutent… des candidats aux études. «Nous incitons les jeunes à embrasser davantage les professions techniques, qui sont souvent perçues comme difficiles, ce qui est vrai», remarque Philippe Ory, directeur du Centre de carrière à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL). En contrepartie, les salaires à l’embauche se révèlent attractifs: un diplômé master de l’EPFL peut espérer débuter sa carrière avec un salaire 78’000 francs par an, contre 98’500 pour un médecin généraliste. Un stage en entreprise, qui n’intervient pas avant la 4ème année, augmente par ailleurs l’employabilité d’un alumni de l’école polytechnique lausannoise.

D’apprenti à directeur

En ce qui concerne la pénurie de de spécialistes fiduciaires et réviseurs, elle s’explique par le fait que «les banques sont confrontées à une augmentation des règlements à respecter et à appliquer plus strictement ces dernières années», indique Anna von Ow, qui a travaillé aux côtés d’Helen Buchs sur l’étude menée par l’Université de Zurich pour Adecco. Les réviseurs et comptables doivent par ailleurs maîtriser de plus en plus la comptabilité et le droit international.

«Nous recrutons des personnalités aux origines les plus diverses», explique Alain Steinauer, responsable RH pour la Suisse romande de l’UBS. Nous travaillons dans toutes les langues mais, comme groupe actif au plan mondial, l’anglais est prédominant. Dans l’informatique par exemple ce n’est pas un problème et nous recrutons aussi au plan international, même si cela implique une gestion des permis de travail.» L’institut bancaire favorise cependant aussi l’intégration de personnes aussi diverses que des juristes, des géologues ou des diplômés d’école hôtelière, grâce au développement d’offres de perfectionnement à l’interne. «Nous soutenons avec constance la formation continue. En promouvant, par exemple, la mise à niveau de compétences pour tous nos collaborateurs grâce à des programmes spécifiques ou en favorisant le retour en emploi de femmes après une pause maternité.» Ainsi, plus de la moitié des CEO du groupe UBS – dont les deux derniers – ont commencé par une formation d’apprenti avant de gravir les échelons pour arriver jusqu’au sommet.

« Upskilling » et « employer branding »

L’évolution en interne, par l’acquisition de nouvelles compétences, porte le nom d’upskilling. Une pratique devenue essentielle dans le monde du travail d’aujourd’hui. «Il faut se former continument, y compris pour les femmes qui font une pause maternité, explique Corinne Scheiber, en charge des solutions professionnelles chez Adecco Suisse. Il est important que les entreprises, les autorités et les employés eux-mêmes investissent dans la formation continue jusqu’au dernier jour avant la retraite.» L’experte estime par ailleurs essentiel que les offres de cours s’adaptent plus vite aux besoins de l’économie et des entreprises. «Nous ne trouvons pas toujours les qualifications pertinentes sur le marché du travail, car les formations, surtout concernant les nouvelles technologies, ne sont pas forcément à jour.»

Au sujet de l’intégration des femmes sue le marché du travail, Corinne Scheiber estime qu’il est indispensable d’encourager ces dernières à travailler dans les professions MINT (mathématique, informatique, science naturelles, techniques) tout en rendant ces professions plus intéressantes pour elles. Selon la spécialiste, la pénurie de main d’œuvre dans ces secteurs s’explique notamment du fait de «modèles et structures de travail obsolètes – pas de temps partiel, structures organisationnelles rigides et hiérarchiques – qui mènent les jeunes professionnels comme les ingénieurs formés à s’orienter vers les secteurs et entreprises plus attractives». Anna von Ow rappelle pour sa part qu’un sixième seulement des diplômes MINT est décerné à des femmes, selon l’édition 2018 du rapport sur l’éducation: «Il y a donc lieu de renforcer l’attrait de ces professions pour les femmes afin d’atténuer la pénurie de main-d’œuvre.» Une adaptation qui doit se concrétiser par des mesures comme le temps partiel, une flexibilité renforcée ou le job sharing.

Pour pallier la pénurie de main d’œuvre, Luca Semeraro, responsable du recrutement professionnel chez Adecco Suisse, invite aussi les entreprises à travailler leur «employer branding». Ce concept désigne l’image de marque qu’une entreprise peut développer pour attirer de nouveaux talents. L’«employer branding» se base sur l’histoire de la marque et la manière dont les employés actuels ou potentiels perçoivent les valeurs de l’entreprise. Start-up feeling, dynamisme et digitalisation, font partie des autres points à manier pour rendre son entreprise plus attractive aux yeux des candidats. L’expert pense aussi qu’il faut donner plus tôt aux fiduciaires des possibilités de développement, par exemple en proposant de devenir partenaire ou associé. Et enfin, «créer plus de flexibilité dans le travail au quotidien pour permettre d’augmenter le nombre de personnes employables».

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Pas tous logés à la même enseigne

Comparer les annonces publiées au nombre de demandeurs d’emploi enregistrés: c’est la méthodologie utilisée pour établir l’indice de pénurie d’emploi dans l’enquête annuelle menée par Adecco Suisse et l’Université de Zurich. Pour les professions informatiques, l’indice a ainsi affiché une hausse de 8%. Les chercheurs notent par ailleurs que 13% de tous les postes à pourvoir sont dévolus aux secteurs professionnels de la technique et des sciences naturelles, alors que seuls 3% des demandeurs d’emploi cherchent un poste dans ces branches. Les spécialistes estiment qu’un demi-million de personnes pourraient manquer d’ici à 2030 pour couvrir les besoins de l’économie suisse en personnel qualifié.

A l’opposé, ce sont les branches de la restauration et des services à la personne qui présentent à l’heure actuelle un excédent particulièrement élevé de main-d’œuvre.

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Top 5 des professions les plus recherchées en Suisse

1. Ingénieurs

2. Fiduciaire

3. Techniciens/Techniciennes

4. Professions de l’informatique

5. Médecine humaine et de la pharmacie

Source: Adecco Suisse