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Mobilité: de nouvelles pistes pour foncer

Enjeu central dans le développement économique, social et urbain, les transports stimulent la recherche. En Suisse comme à l’étranger, les projets novateurs se multiplient.

«Je ne voyage pas pour atteindre un endroit précis mais par plaisir de voyager», disait Robert Louis Stevenson. Loin des envolées lyriques de l’écrivain écossais, qui a traversé les Cévennes avec pour seul compagnon une ânesse, la mobilité est aujourd’hui un facteur de croissance faisant l’objet de nombreuses recherches. Optimisés en permanence, les moyens de transports permettent en effet de soutenir et accompagner le développement social, urbain et économique.

Au fil du temps, les coûts de la mobilité n’ont d’ailleurs cessé de diminuer, permettant ainsi d’étendre les infrastructures et technologies du déplacement à très large échelle. Les chiffres publiés par le Forum international des transports de l’OCDE illustrent ces liens entre mobilité et croissance. Le coût d’un kilomètre de chemin de fer est en effet passé de 20 à 5 centimes entre 1882 et 2002. En parallèle, le PIB par habitant a été multiplié par dix. Un phénomène qui s’observe également dans l’aviation.

Les moyens de transports de demain permettront d’aller encore plus loin, plus vite et plus fréquemment. En même temps, de nouveaux défis accompagnent le futur du déplacement, notamment en matière de développement durable. Dans ce sens, les acteurs du transport élaborent des solutions avec pour maîtres mots optimisation et rationalisation.

L’Hyperloop prend de la vitesse en Suisse

Lancé en 2013 par l’entrepreneur sud-africain Elon Musk, le projet Hyperloop stimule l’imagination des chercheurs aux quatre coins du monde. Le principe de cette technologie? De longs tubes surélevés mis sous vide, au sein desquels des capsules transportant des passagers ou des marchandises filent à plus de 1000 km/h. La Suisse s’avère plutôt bien positionnée dans la course. Soutenue par différentes universités et hautes écoles du pays, dont l’ETH Zurich, l’équipe Swissloop a présenté cet été son dernier prototype en date durant la Hyperloop Pod Competition. Organisé par la société SpaceX, l’événement offre aux ingénieurs du monde entier l’opportunité de tester les avancées de leurs travaux et d’échanger entre eux.

L’an dernier, le prototype de capsule élaboré par Swissloop – surnommé Escher – avait remporté la troisième place lors de la compétition, face à plus de 1200 concurrents. Cette année, l’équipe helvétique, qui compte 20 collaborateurs, sont revenus à la charge avec Mujinga, leur nouveau prototype de capsule, baptisé ainsi en référence à la sprinteuse bernoise Mujinga Kambundji. Fin juillet, en terre californienne, les Suisses ont affronté les autres équipes de la compétition internationale sur un critère unique: la vitesse maximum. En raison d’un ennui technique survenu vers la fin des dernières épreuves, l’équipe helvétique a manqué de peu le trio de tête.

«Avec notre navette Escher, nous avions élaboré un mode de propulsion qui fonctionnait au gaz, un peu comme une fusée, explique Cassandra Hänggi, responsable de la communication et membre du Project Leader Team de Swissloop. Cette année nous avons développé des moteurs électriques pour Mujinga. Cette approche se révèle plus pertinente dans le sens où la technologie de l’Hyperloop évolue globalement vers ce type de moteurs.»

L’avenir du fret en tube

Si le concept Hyperloop évoque un moyen futuriste pour le transport de personnes, il pourrait également jouer un rôle central pour la livraison de marchandises. Swissloop a d’ailleurs imaginé un réseau permettant de couvrir la Suisse. Objectif: acheminer des biens matériels depuis un noyau central jusqu’à des centres de livraison situés dans les principales villes du pays en moins de 15 minutes.

Prochainement, des essais grandeur nature pourraient également avoir lieu dans le Chablais. La commune de Collombey-Muraz intéresse en effet la société EuroTube pour y implanter une infrastructure sous vide qui permettrait le transport de navettes à très haute vitesse. Déployé sur 3 km, l’ouvrage métallique pourrait ainsi servir de laboratoire géant pour tester les avancées technologiques menées par les différentes entreprises et universités actives dans ce domaine en Europe.

Y a-t-il un chauffeur dans le bus?

La ville de Sion fait office de précurseur en matière de transports publics autonomes. Depuis plus de deux ans, des navettes sans conducteur se déplacent dans la capitale valaisanne plusieurs jours par semaine, circulant dans des zones piétonnes et de trafic mixte ainsi que sur différents axes routiers ouverts à la circulation à 50 km/h. Desservant 13 arrêts et pouvant embarquer 11 passagers, ces «bus intelligents» ont pour objectif d’accomplir le dernier kilomètre pour les usagers des transports publics. Avant ou après leur trajet en train, plutôt que de prendre leur voiture ou de devoir marcher trop longtemps, ils peuvent profiter de ces navettes pour rejoindre leur quartier. Un atout certain en matière de mobilité urbaine, en particulier pour les personnes âgées.

«Ces bus autonomes circulent grâce à un système de carte 3D intégré dans le programme de navigation, explique Jürg Michel, responsable du projet chez CarPostal. Contrairement aux véhicules autonomes individuels développés par les fabricants automobiles, ces navettes circulent en fait sur des parcours prédéfinis. Reliant la gare à certains quartiers environnants, notamment situés en vieille ville, ces bus sont déjà capables de parcourir des circuits de plus de trois kilomètres.»

Financé par la municipalité et lancé en partenariat avec le Mobility Lab Sion, le projet a déjà permis de véhiculer plus de 44’000 passagers. Et durant ces prochaines années, des lignes supplémentaires pourraient être ajoutées. Dans le reste du pays, d’autres projets du même type sont en cours ou en préparation, notamment à Genève avec les Transports publics genevois, à Cossonay avec la ligne des Transports de la Région Morges Bière Cossonay, ainsi qu’à Schaffhouse et Zoug avec les CFF.

Des taxis volants sur le lac Léman

Sur l’eau, les transports évoluent également à toute allure. Avec ses nombreux lacs et cours d’eau, le territoire helvétique s’avère propice au développement des nouvelles technologies navales. Le marché suisse intéresse ainsi de près la start-up SeaBubbles. Fondée il y a deux ans par le Français Alain Thebault, double recordman du monde de vitesse à la voile, et le Suédois Anders Bringdal, quatre fois champion du monde de planche à voile, l’entreprise développe un bateau-taxi à propulsion électrique. Le prototype de ce mode de transport d’un nouveau genre a par ailleurs été fabriqué en Suisse par Decision, la société vaudoise qui a également réalisé l’avion de Solar Impulse. Dès 7 noeuds (environ 14 km/h), l’engin s’élève au-dessus de l’eau et ne génère ainsi pas de vagues. Une astuce technologique qui permet également de réduire de 30% à 40% le frein dû au frottement dans l’eau et donc d’aller plus vite tout en économisant l’énergie nécessaire à la propulsion. Les prototypes fabriqués à ce jour peuvent transporter jusqu’à quatre personnes en plus du pilote. A l’avenir, la start-up compte développer une version autonome, sans navigateur, et connectée à une application pour offrir au grand public la possibilité d’utiliser le plus facilement possible ses engins.

«La production industrielle de nos appareils va démarrer au printemps 2019, indique Anders Bringdal. Et des échanges avec trois opérateurs de transports publics sont en cours pour intégrer nos bateaux-taxis dans différentes villes européennes. En Suisse, surtout autour du Léman, ces engins permettraient de répondre à une forte demande.»

Des tests ont d’ailleurs été effectués cet été aux abords de Genève. Malgré des algues présentes en nombre, le prototype de SeaBubbles a pu naviguer comme prévu. Ces premiers essais confirment les avancées de la start-up et l’intérêt des autorités genevoises à intégrer ces taxis d’une nouvelle ère dans la région. Mais aucune date officielle de mise en service n’a cependant été confirmée pour l’instant. La ville de Zurich, très intéressée par la technologie, pourrait également l’accueillir dans un avenir proche.

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Une version de cet article réalisé par LargeNetwork est parue dans Entreprise Romande.