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Les sulfateuses de Schengen

La nouvelle loi sur les armes, censée adapter la législation suisse aux directives européennes, est présentée comme un méchant cheval de Troie par les uns et un toilettage insignifiant par les autres. Elle résume donc à elle seule la schizophrénie confédérale face au projet européen.

Ah! Schengen! Simple petit mot qui suffit à faire s’étouffer d’effroi les europhobes de tout poil. Même quand il ne s’agit que de pétoires, de sulfateuses, et autres espingoles. Autrement dit d’armes à feu. Voilà que les maudits accords signés dans cette aimable commune viticole du Luxembourg – ah les vins de Moselle! – mettraient en péril notre goût jamais démenti pour le noble jeu de cible, ou encore ce symbole de tous les symboles: l’arme conservée à la maison par l’inoxydable citoyen soldat. Sans parler de ce sympathique loisir en vigueur depuis au moins le paléolithique: la chasse.

La nouvelle loi sur les armes soumises au peuple le 19 mai prochain entend en effet, Schengen oblige, aligner la Suisse sur les législations européennes en la matière, forcément plus tatillonnes – sinon à quoi servirait l’Europe?

Comme souvent face à une directive européenne et comme dans un réflexe désormais quasi automatique, la gauche trouve que ça ne va pas assez loin, l’UDC beaucoup trop, et la droite traditionnelle que bon, ce n’est pas terrible mais on fera avec, ne nous énervons pas pour si peu. Au final, comme souvent aussi, seule l’UDC ferraille contre.

Les partisans font valoir qu’en regard du gain – ne pas ouvrir une énième crise avec l’Europe au risque, air connu, de mettre à bas Schengen et les bilatérales en leur entier -, les contraintes sont minimes: seuls les tireurs sportifs à l’arme semi-automatique seraient soumis à des obligations d’annonce. La vie quotidienne de nos valeureux chasseurs et soldats n’en serait, elle, aucunement affectée. Pour les opposants c’est encore trop. Ils y voient un nouveau «diktat de l’UE», une législation «inique, liberticide, inutile et dangereuse» derrière laquelle se cacherait un complot XXL: affaiblir la Suisse, pas moins.

Chez ces gens-là l’argument de prévention des actes terroristes ferait, pour une fois, plutôt sourire. Ce que l’ancienne sondagière et toujours chroniqueuse Marie-Hélène Miauton résume à sa façon habituelle, tout en douces rafales: «L’objectif de mieux combattre le terrorisme n’est pas atteint puisque la révision touche quelques utilisateurs lambda auxquels elle pose des encoubles, supportables mais inutiles, sans atteindre en quoi que ce soit les malfrats de tout acabit.»

À quoi la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter rétorque que «ce qui protège le mieux la Suisse, c’est d’être membre de l’espace Schengen-Dublin. Cette coopération entre les Etats européens représente une grande mesure de prévention contre le terrorisme. En cas de non, nous risquons de devoir en sortir.»

Notons malgré tout que cette morne campagne a déjà accouché d’une vraie nouveauté: l’UDC, parti encore très imprégné du fameux KKK (Kinder, Küche. Kirche) et pas spécialement connu pour son féminisme échevelé, met en avant, sur ses affiches, dans ses débats et conférences de presse, des femmes jeunes, accortes, modernes et… armées jusqu’aux gencives. Preuve que même les machos nationalistes ont fini par le comprendre: en matière de communication et de propagande le féminin est, par les temps qui courent, même ventre à terre, indice de vérité.

Reste qu’avec d’un côté des arguments présentant la nouvelle loi comme insignifiante et ne changeant pratiquement rien à la situation actuelle et de l’autre des menaces fantasmées peintes sur des murailles imaginaires, un risque sérieux plane désormais sur ce scrutin: le vote à blanc.