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Abba et Pet Shop Boys caramélisés en comédie musicale

C’est fou ce que c’est culpabilisant d’aimer les musiques faciles. Celles qui se collent derrière votre tête pendant des heures et rythment à coups de morceaux de sucre vos tâches ingrates de la journée. Le disco carnavalesque d’Abba et les ballades effarouchées des Pet Shop Boys font partie de mes péchés mignons, comme des sucettes pleines d’interdits diététiques qu’on se paie de temps en temps, la conscience nouée, parce que ça fait tellement de bien au moral.

Que l’univers de la comédie musicale rencontre ce genre de musiques n’a rien d’étonnant: kitsch pour kitsch, ils sont faits pour s’entendre. J’ai décidé d’assumer mes petits plaisirs, le monde est si triste ces temps-ci… Je me suis donc offert coup sur coup «Closer to Heaven», la toute nouvelle comédie des Pet Shop Boys qui cartonne sur West End depuis mai dernier, et «Mamma Mia», le show légendaire brodant les chansons d’Abba qui amuse les foules depuis deux ans à Londres et qui va être joué à Broadway dès octobre.

J’ai aimé l’une et l’autre, avec une préférence pour la comédie des garçons anglais. D’abord pour son scénario pas trop idiot, c’est rare pour une comédie musicale: Dave, jeune Irlandais sexy et plein d’ambition, débarque à Londres et découvre la vie du nightclubbing. Il en pince à la fois pour Shell (jolie fille, wonderwoman à souhait) et Billie, l’employé junky de la boîte de nuit, tout aussi musclé et attirant. C’est un roman en rose fluo et vert pétant, entre homo et hétéro, sexe et drogue, honnêteté et coups vachards.

Une parodie réussie du monde nocturne londonien, avec décors et costumes trendy, lumières néons et scènes brûlantes (le strip tease des garçons, en fin de première partie, c’est mieux que le Moulin Rouge version Kidman). Un tableau visuel qui moule parfaitement la musique de Neil Tennant et Chris Lowe. Vingt ans de leurs tubes sont interprétés en live par des acteurs-chanteurs-danseurs qui cachent derrière leur corps de Chippendales une cage thoracique tout aussi avantageuse.

Chez Abba, le public est plus nombreux, plus varié et conquis d’avance par ses souvenirs disco. Comme «Closer to Heaven», «Mamma Mia» se moque de la nostalgie qui fait son succès. Une mère célibataire, ancienne star du disco, prépare le mariage de sa fille. La mariée rêve sous la lune («I have a dream») de rencontrer son père et de l’inviter à la fête. Arrivent sur l’île grecque, la veille du mariage, trois prétendants de la mère d’il y a vingt ans. Lequel est le père? «Take chance on me!».

C’est vrai, l’amalgame du mariage et de la nostalgie d’Abba a déjà été expérimenté dans «Muriel’s Wedding», le film drôlissime de P.J. Hogan. C’est vrai, les images récurrentes d’une Grèce stéréotypée (femme en noire, maison blanche à volets bleus) ne projetteront pas le décorateur à une cérémonie des Awards. Mais qu’est-ce qu’on s’est amusé à chanter «Super Trooper» à tue-tête dans ce théatre edwardien!

On voulait du kitsch, n’en jetez plus: le costumier avait ressorti les tenues de cirque de Agnetha, Anni-Frijd, Benny et Björn, ces uniformes de cosmonautes disco avec collerettes, paillettes partout et bottes interminables. Le triomphe.

Après le bide de «Chess» à Broadway en 1988, Benny Andersson et Björn Ulvaeus, les deux barbus du groupe suédois, compositeurs du spectacle, avaient bien droit eux aussi de profiter de la renaissance d’Abba.

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«Closer to Heaven», musique des Pet Shop Boys, livret de Jonathan Harvey. Arts Theatre, 6-7 Great Newport Street. Box office ouvert dès 10.30. Réservations: + 44 20 7836 3334 ou www.closertoheaven.co.uk.

Le théâtre annonce complet jusqu’en janvier 2002, mais il est toujours possible d’avoir des billets sur place. La comédie sera jouée encore l’an prochain à Londres. Le disque du spectacle vient de sortir.

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«Mamma Mia!», musique de Benny Andersson et Björn Ulvaeus, livret de Catherine Johnson. Prince Edward Theatre, Old Compton Street. Réservations: + 44 20 7447 5400 ou www.mamma-mia.com. Il y a encore des places. Le spectacle entame une tournée mondiale.

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Et encore, à Londres :

«Katharina Fritsch», une rétrospective de l’une des artistes actuelles les plus cotées sur la scène allemande. Un art à la fois ludique et réfléchi. Avec l’expo sur le surréalisme qui vient de s’ouvrir, la Tate Modern est un musée à visiter de toute urgence. Tate Modern, jusqu’au 9 décembre.
Téléphone: + 44 20 7887 8000