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Temps d’essai: guide à l’usage des employeurs

À l’embauche d’un nouveau collaborateur, la période probatoire prévue dans la loi offre des avantages non négligeables aux entreprises. Son importance ne doit toutefois pas être exagérée. Décryptage.

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Licencier un employé malade ou une collaboratrice enceinte durant le temps d’essai? C’est possible, à condition de bien respecter les règles en vigueur. Dans la législation suisse, comme dans la plupart des pays européens, cette période constitue un incontournable. Fixée à un mois dans le Code des obligations, elle démarre à l’embauche d’un nouvel employé pour un contrat à durée indéterminée. Son objectif? Préparer les rapports de travail entre l’employeur et sa nouvelle recrue, et d’éprouver leurs relations de confiance.

Pour les entreprises, ce temps d’essai se révèle intéressant pour plusieurs raisons. La résiliation du contrat de travail y est facilitée et l’obligation de rémunérer l’employé en cas de maladie, d’accident ou d’accomplissement d’une obligation légale (service militaire, notamment) ne s’applique pas. Plutôt rares, les ruptures des relations durant la phase probatoire existent tout de même, comme le rappelle un certain nombre d’affaires judiciaires récentes.

Prolongation du temps d’essai

 Le temps d’essai commence dès le premier jour effectif de travail, selon l’article 335b du Code des obligations. Il peut cependant être modifié par les parties, moyennant un accord écrit, un contrat-type ou une convention collective. Il est aussi possible de le supprimer totalement, d’en réduire la durée à moins d’un mois ou de le prolonger pour une période maximale de trois mois. «De manière générale, il est plus avantageux pour un employeur de prévoir d’emblée une période d’essai de trois mois, sauf dans les secteurs où il y a très peu d’employés compétents sur le marché», souligne Jean-Philippe Dunand, spécialiste du droit du travail à l’Université de Neuchâtel (UniNE) et coéditeur d’un ouvrage de référence sur la question (Commentaire du contrat de travail, Editions Stämpfli, Berne, 2013). Dans un domaine où il y a beaucoup de chômage, le travailleur aura en effet tendance à se contenter de son poste, même s’il n’est pas entièrement satisfait durant la période probatoire.

Seules quelques exceptions permettent de prolonger le temps d’essai au-delà de trois mois. En cas de maladie, d’accident ou d’accomplissement d’une obligation légale de l’employé, la période d’essai peut être prolongée pour une durée équivalente à celle de l’absence, et ce indépendamment du nombre de jour de travail effectivement manqués. Pour une incapacité de travail de 50% pendant deux jours, par exemple, le temps d’essai serait allongé d’un seul jour. La justice fribourgeoise a récemment eu à traiter le licenciement d’un nouvel ouvrier, tombé malade à plusieurs reprises durant son temps d’essai de deux mois, qui était prolongé d’une durée correspondante. Son congé, prononcé deux mois après son entrée en fonction, a été jugé valable, puisqu’il se trouvait toujours dans la période d’essai.

Les complications d’une grossesse ne rentrent pas, en elles-mêmes, dans les critères de prolongation prévus par la loi. Cependant, «en cas d’incapacité de travail d’une femme enceinte, on partirait sur un cas de maladie qui permettrait de prolonger le temps d’essai», informe le Service de l’emploi du canton de Vaud.

D’après le Centre Patronal, les parties peuvent également prévoir contractuellement et par écrit d’autres absences pouvant prolonger le temps d’essai au-delà de trois mois. Il pourrait s’agir par exemple d’un congé non-payé, de vacances, d’un congé pour des activités de jeunesses extrascolaires, ou l’absence d’un parent pour se consacrer à la garde d’un enfant malade jusqu’à concurrence de trois jours par cas de maladie (art. 36 LTr). Dans le cas d’un apprentissage, le temps d’essai peut être exceptionnellement porté à 6 mois avec l’accord de l’autorité cantonale compétente.

En l’absence d’accord, la prise de vacances ou d’un congé non rémunéré n’ont cependant aucune influence sur la durée du temps d’essai. Le Tribunal Fédéral a ainsi jugé comme nul le licenciement d’une jeune serveuse intervenu quatre mois après son entrée en service, alors que celle-ci avait pris un congé non payé de cinq semaines durant son temps d’essai de trois mois.

Licenciement et rémunération

Pendant le temps d’essai, le délai de congé est de seulement 7 jours calendaires. Les samedis, dimanche et éventuels jours fériés sont pris en compte dans ce délai. Une fois cette période terminée, il est d’un mois durant la première année de service, de deux mois de la deuxième à la neuvième année, puis de trois mois ultérieurement. «En droit suisse, il est très facile pour les privés de licencier un travailleur, donc finalement la différence de temporalité de licenciement entre la période d’essai et l’embauche définitive n’est pas fondamentale», remarque Jean-Philippe Dunand. Chose à retenir, cependant: les périodes de protection contre les licenciements ou les démissions prévues aux articles 336c et 336d du Code des obligations ne s’appliquent qu’après le temps d’essai, quelle que soit la durée de celui-ci. «L’employeur peut donc licencier pendant le temps d’essai un travailleur en tout temps, peu importe qu’il soit malade, accidenté, au service militaire ou qu’une travailleuse soit enceinte ou ait accouché», confirmait en 2012 le Centre patronal vaudois dans sa documentation.

L’employeur doit en revanche veiller à ne pas mettre fin aux rapports de travail pour des motifs abusifs tels que définis à l’article 336: opinion politique, activité syndicale, religion, orientation sexuelle, etc. Dans ce contexte, la grossesse peut être jugée de manière spécifique. Selon Aurélien Witzig, chargé d’enseignement à la faculté de droit de l’Université de Neuchâtel: «Un juge pourrait considérer, en fonction de toutes les circonstances du cas particulier, que le licenciement d’une femme enceinte pendant le temps d’essai est abusif. Dans ce cas, l’employeur pourrait être condamné à verser une indemnité financière à la femme enceinte ainsi évincée.»

Dans le cadre d’un CDI, l’employeur n’a pas l’obligation de rémunérer le travailleur en cas de maladie, d’accident ou d’accomplissement d’une obligation légale survenant durant les trois mois de temps d’essai. En revanche, si l’un de ces empêchements vient à prolonger la période probatoire au-delà de trois mois, un salaire doit être versé dès le quatrième mois. Le contrat de travail ou une convention collective peuvent cependant prévoir de dispositions plus favorables pour l’employé.

CDD, mandat et travail intérimaire

Le temps d’essai ne s’applique qu’aux nouvelles relations contractuelles. La seule exception concerne l’engagement d’un travailleur intérimaire ayant déjà travaillé dans l’entreprise au préalable. Dans ce cas précis, la relation qui existait alors entre les parties se faisait par le biais d’une entreprise tierce (l’agence de placement). Il est donc considéré que l’embauche du travailleur intérimaire implique un changement important de statut qui légitime une période d’essai. En revanche, aucun temps d’essai n’est prévu lors d’un changement de fonction au sein d’une même entreprise. En cas de lien préalable par contrat de mandat, la durée du mandat doit être déduite du temps d’essai.

La loi ne prévoit pas de phase probatoire pour un contrat à durée déterminée (CDD), mais les parties sont libres d’en prévoir une par écrit dans le contrat, pour une durée maximum de trois mois. Cela peut être intéressant lors d’un CDD de longue durée (plusieurs années), par exemple.

Cas particuliers

Dans un de ses arrêts, le Tribunal fédéral a prohibé le fait de résilier un contrat de travail après le temps d’essai, pour en recommencer directement un autre avec le même employé incluant à nouveau une phase probatoire. «Quant à la conclusion successive de contrats de durée déterminée (contrats dits à la chaîne), elle peut conduire à contourner la réglementation du temps d’essai et sera par conséquent prohibée», indique le Centre patronal. Par contre, si un travailleur quitte son emploi pour une longue durée (une ou plusieurs années), et revient ensuite dans la même entreprise, un nouveau temps d’essai pourrait être prévu. Les techniques de travail et les compétences de l’employé peuvent en effet avoir évolué durant la période d’absence. Cela ne s’applique a priori pas à des congés de courte durée, soit quelques semaines ou mois.

Le temps d’essai peut-il poser problèmes au niveau des syndicats? A priori pas. Unia indique par exemple que «le temps d’essai n’est pas un thème très proéminent» de son action. «C’est une pratique relativement bien réglée, qui fait partie des us et coutumes au sein des entreprises, remarque Lucas Dubuis, son porte-parole. Le véritable problème concerne le travail temporaire, surtout lorsqu’il s’agit d’une stratégie d’entreprise pour précariser les salariés.»