KAPITAL

Les douze travaux de l’horlogerie

De la conception à la mise en vente, en passant par la pré-production, coup de projecteur sur les étapes essentielles à la création des plus belles pièces.

Seules stars, les horlogers? La profession est bel et bien au centre névralgique de la conception d’une montre mais elle n’est pas la seule, loin de là. Revue en détail des différentes phases menant à la commercialisation d’une nouvelle pièce horlogère.

1. L’idée
L’idée originelle d’une nouvelle montre est la seule étape qui ne relève pas d’un seul poste. Elle peut éma­ner d’une demande d’un client, d’une tendance obser­vée sur le marché horloger, voire directement de la direction d’une marque. En interne, deux départements peuvent également prendre l’initiative: le marketing ou la branche Mouvement. Si ce dernier travaille par exemple à la création d’une complication originale, il suscitera le déve­loppement d’un nouveau modèle pour la présenter.

2. Etude de faisabilité et de détails
La première relève du Bureau technique (BT), parfois appelé Bureau d’études (BE). Certaines manufactures les scindent en BT Mouvement et BT Habillage, bien que la tendance soit à leur rapprochement. Une étude de fai­sabilité peut durer d’une semaine à six mois, selon la com­plexité du projet. Cette durée varie aussi en fonction de la confiance que la marque possède en son nouveau projet: s’il se révèle particulièrement prometteur, la durée et les investis­sements pourront être étendus pour qu’il puisse voir le jour.

Une fois la faisabilité du projet validée par le Bureau technique, l’équipe chargée de l’Étude de détails prend le relais. Ce processus peut s’étendre de trois à vingt-quatre mois. Les manufactures les confient au même BT interne, d’autres marques les sous-traitent. En interne, les mouvements et boîtes sont modélisés en 3D par concep­tion assistée par ordinateur (CAO). Les ingénieurs procèdent aux calculs, parfois complexes, du rouage et autres ressorts composant les mécanismes. C’est une étape essentielle de la modélisation de la future montre.

3. Industrialisation
Le projet validé en détail est examiné à la lumière de ses coûts, de ses processus de fabrication et d’assemblage. C’est la mission du Bureau des méthodes. Il est chargé de convertir les études jusque-là théoriques en une réa­lité industrielle chiffrée et assortie de délais. Un pool de dessi­nateurs réalise alors les plans qui seront transmis aux fabri­cants des composants internes et externes. La Logistique gère les appels d’offres, les commandes, la création de la nomenclature, etc. Le directeur artistique (ou directeur de la création) valide, quant à lui, les futures finitions. C’est l’exa­men final du projet avant que ne soient lancés les fameux «Ordres de fabrication» (OF).

4. Fabrication
C’est la phase de réalisation des composants validés. L’objectif est de parvenir à l’équilibre le plus juste (en termes de budget et de délais de livraison) entre ce qui est réalisé en interne et les tâches confiées à des parte­naires externes.

5. Contrôle
Les composants produits sont examinés individuelle­ment par un département qui en atteste la conformité envers les plans définis à l’industrialisation. Les cri­tères dimensionnels et esthétiques sont examinés avec le plus grand soin.

6. Assemblage
Une fois livrés, les composants sont tous ordonnés au sein d’un «kit». C’est là que l’horloger entre en scène pour assembler le prototype, baptisé «Numéro Zéro» ou «#0» du nouveau modèle. Il s’agit d’un véritable test de mise au point. Des allers-retours avec le BT et le Laboratoire sont parfois nécessaires pour des ajustements lorsque la théorie est ici confrontée, pour la première fois, à la réalité mécanique.

7. Caractérisation
Les propriétés du Numéro Zéro sont minutieusement contrôlées pour garantir le respect de son cahier des charges initial. Sont alors vérifiées sa performance chronométrique, sa réserve de marche, etc.

8. Lancement de la présérie
La validation d’un prototype finalisé, fiabilisé et conforme au cahier des charges lance officiellement les OF («Ordres de fabrication») pour une Série Zéro qui donnera naissance aux premiers exemplaires du nou­veau modèle. Contrairement aux prototypes, les modèles de la Série Zéro seront commercialisés.

9. Décoration, habillage, emboîtage
Jusqu’à présent, les modèles n’étaient pas «terminés»: seul le mouvement, sans boîte, sans finition, sans bracelet, était examiné. Avec la présérie, les métiers de décoration, d’habillage et d’emboîtage entrent en scène. Les finitions horlogères sont réalisées. Elles expliquent la différence de coût entre un calibre entrée de gamme et des pièces de Haute Horlogerie. Anglage, perlage, soleillage, Côtes de Genève, etc., sont toutes réalisées dans le plus pur respect de la tradition horlogère.

10. Tests de fiabilité
Les premiers exemplaires de la présérie sont testés pour attester leur performance individuelle. Les mou­vements sont d’abord examinés nus, puis montés en boîte. Ces tests durent au minimum une semaine pour chaque pièce et assurent une parfaite conformité du garde-temps par rapport aux critères fixés.

11. Mise en écrin, expédition
Ce sont les dernières étapes de la préparation de la montre. En interne, le service marketing a développé la narration qui accompagne la pièce depuis que la pré­série existe, au même titre qu’il s’est attelé à l’écriture et la traduction du mode d’emploi.

12. Marketing et vente
Une fois la pièce terminée, le service Marketing contacte les ambassadeurs qui vont éventuellement la porter au-devant des détaillants, notamment lors des grands rendez-vous horlogers. Le département des ventes sera le dernier maillon à choisir minutieusement chaque pièce avec chacun de ses détaillants pour ensuite les proposer aux clients finaux.

_______

Une version de cet article est parue dans le magazine Les Ambassadeurs (no 23).