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Le Mad, une folie du Flon depuis 1985

Il fut le temple des nuits lausannoises, l’organisateur des soirées les plus torrides des années 1990. Moins provoc aujourd’hui, il demeure dans l’élite des clubs à succès.

Sur la rue de Genève, à la nuit tombée, les murs de l’imposante bâtisse industrielle occupée par le Mad vibrent de rythmiques house, hip-hop ou latino. Ses façades sont recouvertes de messages d’amour et de prévention peints par l’Office fédéral de la sante publique. Les Lausannois identifient la boite de nuit à sa fameuse sculpture d’un immense préservatif sur l’un de ses murs. Une effigie qui replace la boite de nuit dans son contexte d’origine, en 1985. «L’immeuble était une vieille serrurerie, explique Igor Blaska, le patron du club. Nous devions refaire les façades. À cette époque, le sida arrivait de façon dévastatrice. Nous avons eu l’idée de réaliser cette illustration en collaboration avec les milieux de la nuit et de la prévention. Afin de parler directement aux jeunes et au public gay.»

L’époque évolue, les priorités changent. La campagne de Stop Sida disparaitra d’ici à 2020 à l’occasion du lancement des Jeux olympiques de la jeunesse à Lausanne. Plusieurs cérémonies officielles, dont la remise des médailles, sont prévues sur l’esplanade du Flon. Le préservatif aura d’ici là cédé sa place à du végétal et à des panneaux solaires sur le toit. Message clair en faveur de l’écologie et du développement durable.

S’il s’assagit à l’extérieur, le Mad bouillonne toujours derrière ses barrières de sécurité. «C’est un parc d’attractions pour adultes», vante Igor Blaska. Son «Moulin à Danse», son fou de «Mad» est un Luna Park nocturne. Un club façon «multiplexe» avec ses privilégiés, les détenteurs de cartes de membre, toujours très courtisés par ceux qui cherchent à sauter la queue ou ne pas payer l’entrée.

Cinq étages à arpenter et autant d’ambiances, de la salle de spectacle au bar lounge, des dancefloors au restaurant. Et une histoire prestigieuse. Les débuts de la house avec des Dj’s de légende comme Laurent Garnier ou Jeff Mills. Les fameuses soirées «mousse» qui attirent un public de toute l’Europe qui se secoue jusqu’au petit matin dans un bain de bulles géant. Avant, il y avait même un cinéma, se rappellent les nostalgiques.

Aujourd’hui, le Mad programme ses soirées en fonction des différents segments musicaux (R&B, nineties, latino…) et même générations (les soirées mensuelles Forever 28, réservées aux plus de 28 ans). Le célèbre Mr Mike (alias Michael Hall) continue d’animer des soirées au Mad chaque dernier samedi du mois. Sa base d’opérations? Tout en haut, 5e étage, au Jet Lag. Il se souvient des premières «dance parties» qu’il y animait avec la radio Couleur 3 au début des années 1990. L’endroit était encore plus un espace «culturel» qu’aujourd’hui, proposant des concerts et des pièces de théâtre. «À cette époque, raconte Mr Mike, on collaborait beaucoup avec la communauté lausannoise. C’était très créatif. Je me souviens de la galerie d’art, des défilés de mode, du cinéma… Le Mad était un véritable lieu de découvertes. Avec les réseaux sociaux, le mystère a disparu.»

Le Mad était au départ une association située côté place de l’Europe, vers l’entrée actuelle du métro. Début 1990, il s’installe dans son bâtiment actuel au centre du Flon. La Ville applique la «clause du besoin», une mesure qui permet aux autorités de contrôler le nombre de lieux publics pouvant vendre de l’alcool. Outre le Mad, Lausanne ne comptait que la Dolce Vita (rock, punk) et quelques cabarets à papa. «Pour entrer chez nous, évoque Igor Blaska, il fallait être membre. Nous avons conservé ce principe sélectif. 80% de notre clientèle actuelle est issue de nos membres et de leurs invités.»

Dès l’été 2018, la boite de nuit va diversifier son offre et s’ouvrir aux oiseaux de jour. Elle reprend Lhotel, un établissement de 25 chambres situé sur la place de l’Europe. La Mad House est née! «Cela nous a tout de suite intéressés en raison de la proximité des deux lieux. Et parce que nous avons toujours voulu ouvrir un lieu de jour. Cet hôtel est complémentaire à nos activités. Toute la partie hôtelière est prise en charge par Ibis. Nous nous occupons du roof top et du bar du bas.» Une visibilité nouvelle pour ceux qui ne connaissent pas encore le Mad. Et un deuxième espace à arpenter sur plusieurs étages, pour se faire plaisir.

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Le Mad en chiffres

6’000 membres actifs

5’000 visiteurs par semaine du jeudi au dimanche

10 millions de chiffre d’affaires par année

35 collaborateurs fixes et environ 150 personnes à 60%

1’800 mètres carrés (5 étages, 4 dancefloors, 1 restaurant)

26 ans moyenne d’age des clients

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Une version de cet article est parue dans The Lausanner (no 1, été 2018).