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Vive Madame Propre!

Dans les critères qu’il fixe pour la succession de Johann Schneider-Ammann, le PLR semble oublier l’intelligence et la compétence politique.

Donc un Monsieur Propre. Et même, pour être plus précis, une Madame Propre. La succession de Johann Schneider-Ammann au Conseil fédéral semble s’annoncer sous de tristes auspices. Avec la mise en avant, comme souvent, de critères n’ayant rien à voir avec la compétence et l’intelligence.

C’est d’ailleurs en faisant allégrement fi de ces deux notions pourtant élémentaires que le parlement avait élu il y a huit ans ce Schneider-Ammann dont tout le monde aujourd’hui dit pis que pendre. En le préférant, au nom de bas calculs politiques et de réflexes grossièrement partisans, à la Saint- Galloise Karin Keller-Sutter, dont chacun voyait bien qu’elle était une meilleure candidate, et pas qu’un peu.

Bien sûr, on peut comprendre que traumatisé par les mésaventures du sieur Maudet au bout du lac et au fond du trou, le PLR avance échaudé. N’empêche, il y a quand même quelque chose de surréaliste, pour ne pas dire de pitoyable, dans cette idée de faire passer les candidats devant un jury chargé de soupeser leur degré de blancheur et d’enquêter sur leur réputation.

Comme si ces messieurs-dames aspirant au Conseil fédéral n’avaient pas exercé durant des années, et souvent des décennies, des mandats publics à différents niveaux cantonaux et fédéraux. Comme s’ils ne pouvaient pas être jugés à l’aune de leur parcours, sur leurs capacités techniques, c’est à-dire politiques, à occuper le poste.

Le PLR préfère, lui, envoyer des limiers fouiller les poubelles: «Nous attendons que tout soit dévoilé, par exemple les cadeaux et les voyages qui pourraient être litigieux ou les circonstances d’un divorce, qui peut être lié à de la violence ou à des litiges judiciaires à propos de pensions alimentaires.»

Les autres critères retenus, outre cette pureté virginale, peuvent aussi laisser songeurs, comme «l’aisance médiatique et la maîtrise des langues». On concédera certes qu’à ce niveau-là c’est le fantôme de Schneider-Ammann, après celui de Maudet, qui vient tirer les pieds des pontes radicaux. Le PLR pourrait-il pour autant se contenter d’un idiot polyglotte passant bien à la télé?

Peut-être, à condition qu’il s’agisse d’une idiote. «Nous voulons le processus le plus ouvert possible. Mais ce serait bien d’avoir une femme, c’est dans l’esprit du temps», relève la présidente du parti Petra Gössi. L’esprit du temps, tout est dit. Ce même esprit, obnubilé par la puissance de feu médiatique, fait dire au vice-président Christian Lüscher que c’est en «raison de certaines polémiques» que s’explique l’attention portée à la réputation des candidates et candidats.

Ce souci de réputation sans tache et de transparence ne va évidemment pas jusqu’à exposer au grand jour les liens de forte proximité des aspirants sages avec des milieux économiques tout puissants, Ce lien bien sûr fait partie de l’ADN du parti radical, nul ne songe à le contester, et on le retrouve d’ailleurs, plaisamment formulé, dans les critères retenus pour décrocher le Graal: «une riche expérience professionnelle».

Sauf que cette proximité, en soi, peut potentiellement s’avérer plus dommageable pour la lucidité et l’indépendance d’un conseiller fédéral que des embrouilles de pensions alimentaires ou des petits cadeaux ingénument acceptés.

Reste que dans son approche plutôt bancale et timorée de la succession Schneider-Ammann, le PLR paraît plutôt verni. Il se trouve qu’une femme, l’inévitable Karin Keller-Sutter, semble satisfaire à tous ces pseudo-critères et qu’en plus, elle soit aussi compétente et intelligente. On regrettera juste que ce soit un peu par hasard.