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Après Maudet, Darius?

Perdre Maudet, passe encore, mais Darius Rochebin? Sale temps pour Genève. Ébouriffée, traumatisée, la cité de Calvin sonne déjà le tocsin. «Un coup de poignard dans le dos», s’indigne le président du conseil d’Etat Antonio Hodgers.

Ce n’est encore qu’une perspective même pas proche, mais le déménagement d’une partie de la RTS – dont le vénérable téléjournal – du quai Ansermet sur les hauteurs d’un village de pêcheurs vaudois affole le bout du lac. Comme si on lui arrachait le cœur, pire lui coupait le jet. «Une trahison», ajoute Hodgers en rappelant amèrement que Genève avait soutenu massivement la SSR lors de la votation «No Billag». C’était bien la peine, donc.

L’argument, disons-le, ne vaut pas grand-chose. Le mode de financement de la SSR ne dépend pas du lieu d’implantation de ses rédactions. Si la redevance est un hold-up organisé, elle le reste que l’antenne romande soit installée sur les bords de l’Arve ou à Grattavache.

Ce qui n’empêche pas le landerneau politique genevois de menacer déjà, à la manière du Conseiller national Hughes Hiltpold: «Lors du dépôt de la loi sur les médias électroniques certains élus pourraient être tentés de revoir le périmètre du service public.» Encore une fois: le périmètre du service public mérite sans doute une sérieuse discussion, à la lumière notamment du rapport qualité-prix, mais certainement pas en fonction de la géographie.

Parler d’atteinte au fédéralisme peut sembler aussi un peu court: on ne voit pas bien en quoi un téléjournal diffusé depuis Lausanne serait moins fédéral que le même téléjournal présenté depuis Genève. N’empêche, le gouvernement genevois entend réclamer à la SSR «des mesures compensatoires». Pour 170 personnes qui seraient déplacées de Genève à Lausanne, cela semble bien gourmand.

Surtout qu’il sera difficile de donner complètement tort au patron de la RTS Pascal Crittin quand il soulève cet embarrassant paradoxe: «On demande que la SSR soit moins grosse en baissant la redevance, et dès que des mesures d’économies sont annoncées, les réactions sont très vives.» Même s’il serait sans doute bien naïf de croire sur parole ce même Pascal Crittin quand il assure que «la logique est d’économiser dans les murs pour ne pas devoir le faire dans les émissions».

Il n’empêche que les chiffres sont têtus: la SSR doit trouver 100 millions d’économies annuelles après que le Conseil fédéral ait plafonné le produit de la redevance à 1,2 milliard. Dans ce contexte, il n’est guère cohérent de lui reprocher, même depuis Genève, de vouloir suivre, pour cette cure d’amaigrissement, d’abord la piste immobilière.

Reste qu’on peut comprendre le dépit genevois, aggravé par ce camouflet: «le rupestre pays de Vaud», comme l’appelait dédaigneusement l’ancien maire de Genève, Patrice Mugny, hériterait des effectifs déplacés.

L’argument que le nouveau centre médias de la RTS qui sera construit sur le campus de l’EPFL représente grâce à cette localisation «un facteur d’innovation majeur», ne consolera guère les Genevois. D’abord, la réussite de l’EPFL fait ressurgir par contraste le bilan plus mitigé des académies genevoises. Ensuite Genève pourrait faire valoir à assez juste titre que, quels que soient les mérites incontestables de l’EPFL, le rapport avec la choucroute médiatique n’a rien d’évident et ressemble à une façon plutôt hypocrite de faire passer la pilule.

Même si rien n’est encore décidé, Genève, dans ce cas de figure, garderait quand même les sports et le divertissement. Autrement dit, elle perdrait peut-être Darius, mais elle conserverait quand même Massimo Lorenzi et Alain Morisod. Comme elle a su conserver Anne Emery-Torracinta.