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Pierre Maudet et le Génie des alpages

Dans la tourmente, le magistrat genevois pourrait prendre de la hauteur. Et regarder notamment, au hasard, du côté de Savièse.

On serait Pierre Maudet, on ne se tracasserait pas tant pour toutes ces histoires. Non pas qu’il s’agisse de broutilles – c’est la justice, gna ,gna, gna, qui en décidera. Ni que sa première prise de parole dans la tempête ait été de nature à faire tomber le moindre vent, y compris sur Léman Bleu.

Certes en politique, s’excuser, même du bout des lèvres, même en ne se versant qu’un minuscule sac de cendres sur la tête, cela ne peut jamais faire de mal et passe toujours mieux dans l’opinion que le déni obtus où tant de faussaires se sont enferrés.

Pourtant, reconnaître sa faute supposée de façon si minimale, se contenter de confesser deux seuls péchés véniels -la maladresse et l’aveuglement- voilà qui risque d’être un peu court, jeune homme. D’autant que le principal handicap de Pierre Maudet s’appelle Pierre Maudet. Quand un surdoué arrogant se prend les pieds dans le tapis, c’est toujours un peu l’allégresse générale. Question de nature humaine. Un divin et irrépressible chahut accompagnera toujours ce rare moment de bonheur collectif où le premier de classe ne sait pas sa leçon, ou mieux, est pris en flagrant délit de tricherie.

Cette Schadenfreude sortie de milles jalousies, de tant de médiocrités et de rancoeurs afférentes, pèsera lourd dans l’affaire Maudet. Néanmoins, on l’a dit, pour le magistrat en péril la solution est là, simple, lumineuse, évidente: il lui suffirait de prendre un peu de hauteur, et surtout de champ. Et cela tombe bien, un exemple spectaculaire vient d’arriver sur le marché.

On veut parler du grand brûlé Oskar Freysinger. Lequel court les interviews pour vendre son dernier ouvrage où pourtant le milieu médiatique reste une cible des plus pratiquées. Interviews d’où il ressort que l’ancien et fort éphémère conseiller d’Etat, l’ex tribun populiste, le jadis poète des pissoirs, s’est miraculeusement mué en bon Génie des alpages, limite moine bouddhiste, tendance Foudre bénie. Que Maudet écoute. Que Maudet en fasse son miel. Que Maudet entrevoit la lumière dans les pas du Saviésan à catogan.

Car que dit Oskar? Que depuis le magistral coup de pied au cul administré par l’électorat valaisan, il a vécu «un an et demi absolument magique». Occupé à quoi donc? À écrire «beaucoup» , à lire «énormément» et à «faire du sport». Résultat? La «vie dont j’ai toujours rêvé».

Voilà. Une vie rêvée tend les bras à Pierre Maudet. Loin des boueuses affaires politiques et des grands shoots narcissiques. On objectera qu’il faudrait encore que le magistrat aime lire, veuille écrire et soit habité d’un goût prononcé pour l’exercice physique.

Si ce n’est pas le cas, Oskar le sage a d’autres tours au fond de son sac à malices. «Dans la solitude de la nature, dit-il, je me sens mieux». Sous-entendu: mieux que parmi la cohue agaçante et compliquée des hommes. Certes. Sauf qu’on ne sait pas pourquoi, mais on peine à imaginer un Pierre Maudet méditant et lévitant en solitaire au sommet du Salève.

Surtout que l’homme vient de confesser un sévère talon d’Achille. N’a-t-il pas affirmé être, plus qu’un homme d’argent, «un homme de pouvoir»? On pourra penser cyniquement que c’est un peu tant pis pour lui.

D’autant que là où Freysinger prédit qu’il faudrait «un miracle interstellaire» pour qu’on le retrouve sur une liste électorale», le Genevois en est encore à évoquer cette platitude: des défis à relever pour Genève. Maudet est encore loin, on le voit, d’atteindre à cette sérénité barbue des ermites valaisans. «Si tu te brûles une fois, tu crains le feu» décrète Oskar l’oracle.

Le problème avec Pierre Maudet c’est qu’il ne donne pas l’impression d’avoir peur de grand-chose. Ce qui a toujours été la faiblesse de la force.