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Cartographie de la relève infirmière

Près de la moitié du personnel soignant viendra à manquer dans les hôpitaux et les cliniques d’ici à 2025. Ce déficit entraîne une réflexion sur la formation et le recrutement du personnel étranger.

La Suisse est menacée d’une pénurie de personnel soignant. D’ici à 2025, environ 40% des infirmières et des infirmiers manqueront, selon une étude de l’Observatoire suisse de la santé (Obsan). Si les chiffres diffèrent selon les acteurs, le constat est alarmant: le nombre annuel de diplômés dans les professions de la santé couvre à peine plus de la moitié des besoins estimés en termes de relève. «Et la pénurie ira en s’aggravant, s’inquiète Jacques Chapuis, directeur de l’Institut et Haute École de la Santé La Source. Cela s’explique par l’évolution démographique de notre société et des maladies chroniques liées au grand âge. Sans compter les futurs départs à la retraite des baby-boomers.»

Cette menace ne touche pas toutes les régions linguistiques du pays de la même manière, notamment en raison des différences entre les systèmes de formation. Dans les cantons romands, la formation initiale est de niveau HES, avec un accès aux cycles académiques. En Suisse alémanique, les élèves peuvent intégrer une école spécialisée ou une HES pour devenir infirmière ou infirmier. Ce double système entraîne des questions de fond sur le niveau de connaissance des diplômés. Pour Jacques Chapuis, une harmonisation de la formation, sur le modèle romand, permettrait d’augmenter le nombre de diplômés. Une revendication qui ne reçoit pour l’instant pas de réponse en Suisse alémanique. «La Suisse romande a doublé ses effectifs, car la formation est placée dans un cursus universitaire. Malheureusement, les régions cèdent un peu facilement aux sirènes de l’urgence et imaginent régler la pénurie par un abaissement du niveau des diplômes.»

Recrutement à l’étranger

Pour combler le déficit de personnel soignant, les hôpitaux et cliniques sont contraints de se tourner vers l’étranger. Sur la période 2010–2014, pour trois personnes diplômées en Suisse, deux sont ainsi venues d’autres pays, selon l’étude de l’Obsan. «Nous ne devrions pas dépendre à raison de plus de 30% de l’étranger, estime Jacques Chapuis, à cause du phénomène de cannibalisme infirmier. Nous dégarnissons les autres pays qui sont confrontés à la pénurie de manière encore plus forte.»

Pour Sophie Ley, vice-présidente de l’Association suisse des infirmières et infirmiers (ASI), embaucher dans d’autres pays pose question: «Que ferons-nous lorsque nous n’aurons plus accès à ce personnel soignant étranger? Il faut trouver des solutions ici et maintenant.» Une revendication entendue par le canton de Vaud et le CHUV. «Depuis plus de 10 ans, explique Isabelle Lehn, directrice des soins au sein du Centre hospitalier universitaire vaudois, nous avons engagé un double processus: assurer une publicité permanente au métier et opérer une revalorisation de la fonction. Nous nous sommes également fixé comme but de recruter le plus possible de candidats locaux.» Une démarche qui porte ses fruits: le CHUV a engagé, en octobre dernier, deux fois plus d’infirmières et d’infirmiers formés sur le marché local qu’il y a cinq ans. «Nous sommes satisfaits de ces résultats, confie-t-elle. Mais nous devons continuer notre travail de valorisation du métier.»

La moitié abandonne

Autre facteur aggravant la menace de pénurie: près de la moitié des infirmières et infirmiers quittent prématurément le métier, selon cette même étude. En moyenne, ils n’exercent que quinze ans, indique l’ASI. Un phénomène qui force tous les acteurs du domaine à s’interroger sur la question de la réinsertion et sur le travail en lui-même. «Les conditions de travail de ces emplois, majoritairement féminins, doivent être adaptées à la vie de famille, demande Sophie Ley. Notamment au niveau des horaires et des services de piquet le week-end.»

Pour le CHUV, cela passe notamment par le fait d’offrir des formations continues et des perspectives professionnelles, d’assurer des temps partiels en cas de maternité et de négocier des places en garderie compatibles avec les horaires infirmiers. «Nous nous activons sur tous les fronts, note Isabelle Lehn. Nous favorisons également la mise en place d’un dispositif de réinsertion via des places de stage. De plus, nous étudions la possibilité de généraliser la notion de quota maximal de patients par infirmière ou infirmier au-delà des unités de soins critiques. Le personnel  infirmier constitue le dernier filet de sécurité des patients à l’hôpital. Il faut en prendre soin.»

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Une version de cet article est parue dans In Vivo magazine (no 15).

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