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L’irrésistible odyssée du canard sans tête

Les démissions s’enchaînent dans les sections romandes de l’UDC. Pas sûr que le parti en souffre. Les idées simples n’avancent-elles pas toutes seules?

Désertion? Epidémie? Malaise? Coïncidence? Outre le chef de campagne pour la Suisse romande, Kevin Grangier, ce sont, comme on sait, les présidents des sections neuchâteloise et fribourgeoise ainsi que le co-président de la section valaisanne qui quittent le navire UDC.

Le propre des idées simples étant d’avancer toutes seules, on se gardera de tirer de cette hémorragie des conclusions trop péremptoires Même si bien sûr affirmer comme Jean-Francois Rime que ces claquages de porte n’ont rien à voir entre eux, s’apparente à une tentative même pas convaincue de nier l’évidence: l’UDC est en manque de têtes.

Que reste-il en effet du quarteron magique qui a incarné l’irrésistible diffusion du blochérisme en terre romande? Le Vaudois Parmelin est enfermé dans la tour d’ivoire du Conseil fédéral, probablement trop grande pour lui. Au gouvernail de l’USAM, le Fribourgeois Rime tourne gentiment à la caricature de lui-même, s’enferrant dans une sorte de poujadisme bougon et suranné. Le flamboyant et théâtral Freysinger s’est vu brutalement renvoyé à son cabinet de poète incompris par un peuple ingrat comme jamais, réduisant au silence la jactance incarnée, renvoyant à l’obscurité le drogué des plateaux.

Demeure l’inspecteur Perrin, le phénix du val de Travers, n’en finissant pas de tomber et de se relever, de se brûler les ailes et de renaître de ses cendres. Le voilà d’ailleurs qui ressort une nouvelle fois du bois avec l’œil pétillant du ressuscité. Pour donner dans Le Temps, à la question de la relève, une réponse confondante de lucidité: «Je serais bien incapable de vous citer un nom.»

L’UDC en Suisse romande se trouve face un problème de personnel clairement identifié. Son succès rapide a attiré surtout des personnalités mi-rebelles, mi-borderlines. Il fallait et il faut sans doute toujours une certaine dose d’inconscience et d’anticonformisme pour prendre des responsabilités dans un parti qui continue, à l’aune des médias et des réseaux sociaux, de sentir fortement le souffre.

Ces kamikazes, qui plus est, ne peuvent se prévaloir de longues années de pratique politique. Les notables venus de l’aile historique et agrarienne, genre Parmelin ou Rime, sont un peu l’exception, même si cela ne les a pas empêchés de se blochériser sans trop d’efforts ni de douleurs. C’est encore l’impitoyable inspecteur Perrin qui nous donne le résultat des courses: «On s’est vite retrouvé avec des combats de sous-chefs.»

Une telle pétaudière à une année des élections fédérales serait sans doute fatale à n’importe quel autre parti. On peut pourtant penser que tout cela glissera sur l’UDC comme de l’eau de vaisselle sur les plumes d’un canard sans tête. Tant sa martingale paraît insubmersible et ne tient, comme pour tous les autres partis populistes européens triomphant dans les urnes, qu’à une seule idée: une politique migratoire la plus restrictive possible.

Peu importent les programmes économiques incohérents et contradictoires, peu importent les guerres grotesques des chefs. L’affaire migratoire est devenue la seule grande affaire depuis que l’avalanche des images l’a transformée en phantasmes divers et mortels -invasion, grand remplacement, péril islamique, choc des civilisations.

A l’inverse, cet argumentaire monomaniaque, qui fait le succès d’un parti comme l’UDC, est sans doute le même qui crée au-dessus de lui un durable plafond de verre.