Chaque semaine, Christophe Gallaz attrape au vol un mot ou une expression en lien avec l’actualité. Aujourd’hui le «transfèrement» de Milosevic à La Haye.
Le mot de la semaine? C’est le «transfèrement», bien sûr. Ces quatre syllabes ont près de trois siècles d’existence dans le parler français, au cours desquels leur usage s’était progressivement raréfié jusqu’à résonner de manière insolite à nos oreilles contemporaines.
Puis il a fait l’objet d’une remise en pratique frôlant l’hystérie vers la fin de la semaine dernière, notamment dans les médias français rapportant l’arrivée de Slobodan Milosevic à La Haye.

Formellement, le «transfèrement» est défini comme l’action de transférer un prisonnier, ou toute personne relevant d’un statut comparable. Jules Verne, dans le «Tour du monde en 80 jours», page 307: «Phileas Fogg était en prison. On l’avait enfermé dans le poste de Custom-House, la douane de Liverpool, et il devait y passer la nuit en attendant son transfèrement à Londres».
Deux vocables cousins vont donc se croiser cet été.
Celui qui va ponctuer la chronique judiciaire à partir des Pays-Bas, et celui dont la chronique sportive nous a fait prendre la solide habitude – je veux dire le «transfert» des vedettes sportives d’un club ou d’une équipe à l’autre.
Il n’est pas exclu qu’au terme de leur côtoiement dans l’espace francophone, il soit indiqué de procéder à la fusion pure et simple des deux termes, ou mieux encore à la supplantation définitive, par le «transfèrement», de son concurrent.
Il est en effet avéré que plus aucun champion ne semble pouvoir advenir, et moins encore subsister, dans le champ de la légalité.
Certes, l’entorse aux normes pharmaceutiques représente un délit évidemment moindre que les crimes contre l’humanité dont est accusé l’artisan fou du renouveau serbe. Il n’en reste pas moins que le concept tient fermement, s’articulant autour de comportements et d’objectifs comparables en tout cas de loin.
Du sport à Milosevic, il s’agit quasi tout autant d’écraser l’adversaire en organisant la surexhibition de sa propre force, celle-ci fût-elle totalement trafiquée, de manière à forcer l’adhésion viscérale des foules.
Il semble donc bel et bien qu’une sorte de purification linguistique s’impose. A la rentrée, les amis, on téléphone aux gens du Grand Robert?