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Le tourisme médical poursuit son envol

Le secteur du tourisme médical connaît une croissance annuelle de 25% au niveau mondial. Un marché sur lequel se profile la PME genevoise Novacorpus.

Un implant avec couronne coûte 3500 francs chez un dentiste à Genève. À quelques heures de route ou de vol, les prix chutent en-dessous de 600 francs. Pas étonnant dès lors qu’un citoyen suisse sur cinq aurait déjà suivi un traitement dentaire à l’étranger, selon un sondage de l’institut Demoscope. Une tendance qui ne devrait pas s’affaiblir: le marché du tourisme médical devrait croître de 25% par an pendant les dix prochaines années au niveau mondial, selon une étude publiée par Visa et Oxford Economics. «Le développement de ce phénomène est d’une part dû à l’augmentation des coûts de la santé et de l’autre au vieillissement de la population», explique le professeur Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale à Genève.

Un secteur sur lequel a misé Stéphane de Buren en fondant Novacorpus en 2008. Depuis sa création, la PME genevoise a pris en charge plus de 2000 patients pour des traitements à l’étranger. Outre les soins dentaires, qui représentent la moitié des dossiers, elle propose aussi des interventions de chirurgie esthétique et de chirurgie au laser des yeux. Parmi les pays de destination qu’elle propose: l’Espagne, la France, la Turquie, la Belgique et la Hongrie.

«Chaque jour nous recevons des demandes de collaborations de médecins et cliniques étrangères, explique Stéphane de Buren. Nous n’en retenons qu’un ou deux par année et nous en sollicitons aussi quelques-uns nous-mêmes.» Les profils des médecins sont tamisés à travers plusieurs étapes qui peuvent durer plusieurs années. Le directeur de Novacorpus souligne qu’il rencontre personnellement chaque médecin au moment de l’inspection de la clinique où il opère.

Une chirurgie au laser des yeux coûte 785 francs par œil en Turquie, trois nuits d’hôtel et le transfert depuis l’aéroport inclus. À Nyon, l’opération dépasse 1500 francs par œil. «Souvent les gens se disent qu’avec une telle différence de prix les soins seront un peu moins bien qu’en Suisse, mais en Turquie les chirurgiens ont beaucoup plus d’expérience concernant les opérations des yeux.»

Un propos que nuance Michel Matter, président de l’Association des médecins genevois. «Chacun est libre de choisir de se faire opérer en Suisse ou à l’étranger. Mais les risques liés aux complication post-opératoires ne sont pas toujours suffisamment pris en compte par les patients.» Le médecin souligne que le suivi d’une intervention chirurgicale réalisée à l’étranger est souvent rendu plus compliqué par l’absence de véritable protocole opératoire et la difficulté d’intervenir sur des tissus déjà opérés.

En principe, en cas de complications il est conseillé de revoir le même médecin: les assurances de Novacorpus couvrent alors les frais de déplacement supplémentaires. Un arrêt du Tribunal fédéral a par ailleurs confirmé que les coûts de ces opérations supplémentaires devaient être pris en charge par l’assurance maladie de base.  L’entreprise collabore avec une quinzaine de médecins référents en Suisse pour des visites supplémentaires et la résolution de petites complications. L’entrepreneur ne cache pas que la sélection de praticiens en terre helvétique est ardue. «Ceux qui acceptent sont souvent des médecins qui ont beaucoup voyagé, qui sont ouverts d’esprit et qui comprennent qu’il s’agit de patients qui ne se feraient de toute façon pas opérer en Suisse.»

L’essor du tourisme médical met le doigt sur les tarifs médicaux pratiqués en Suisse, remarque Antoine Flahault, de l’Institut de santé globale à Genève. «Indépendamment de la qualité, cette pratique nous force à reconnaître que l’offre ne répond pas complètement à la demande en ce qui concerne les coûts… Si les gens se font soigner à l’étranger ce n’est pas parce que les traitements suisses sont de mauvaise qualité, mais simplement parce qu’ils sont trop chers ou insuffisamment remboursés par leur assurance.» Bien qu’elle compte encore une majorité de clients suisses, Novacorpus est par ailleurs de plus en plus sollicitée par des patients étrangers. L’entreprise, qui compte cinq salariés en Suisse et enregistré une croissance de 20% ces dernières années, vient ainsi d’ouvrir un bureau aux Etats-Unis.

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Une version de cet article est parue dans PME Magazine.