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La Suisse, pays des drones

Tandis que le marché des drones de loisirs est dominé par les Chinois, les acteurs helvétiques se profilent avec des drones à usage professionnel.

Fin mai, je visitais VivaTech, le salon de la haute technologie qui se tenait à Paris. La France, sous le leadership de son président très à l’aise avec les nouvelles technologies, se positionne comme un pays incontournable dans le domaine du digital et de ses applications. Fait saillant démontrant l’importance de cette manifestation, tous les grands patrons des GAFA avaient répondu présent.

La Suisse, avec l’aide de «Présence Suisse», se présentait comme le pays des drones. Une volière de drones illustrait une autre vision de la Suisse, celle d’un pays «high tech», et bien lui en a pris. Il a effectivement tous les atouts pour exceller dans ce domaine porteur, en particulier dans les drones professionnels. Une «drone valley» s’est effectivement développée autour des Ecoles polytechniques fédérales.

Les domaines d’application des drones sont multiples tels que la sécurité, l’agriculture de précision, la cartographie ou le transport de matériel médical. Le nombre de start-up suisses travaillant dans ces domaines de pointe est frappant. SenseFly, associé à Pix4D, cartographie l’île de Zanzibar à un niveau de détails jamais atteint. Flyability, une start-up lausannoise qui développe des drones tolérants aux collisions, occupe de plus en plus le marché de l’inspection des espaces confinés tels que les centrales nucléaires, les centrales thermiques ou les grands pétroliers. Gamaya, une autre start-up lausannoise, développe des drones munis de caméras permettant l’analyse biochimique des terrains agricoles avec l’ambition de développer une agriculture de précision.

La «Drone Valley» n’est pas née d’une volonté politique mais du fait que des professeurs visionnaires ont été engagés il y a une vingtaine d’années dans nos écoles polytechniques afin d’y développer le domaine émergeant de la robotique mobile. Ces mêmes professeurs ont rapidement rendu visite aux responsables de l’OFAC (Office fédéral de l’aviation civile) et de Skyguide, l’organe de contrôle aérien de la Confédération, pour leur expliquer leur ambition de développer des essaims d’objets volants. Au lieu d’obtenir une fin de non-recevoir, les spécialistes des deux entités ont planché avec les scientifiques à l’élaboration d’un cadre réglementaire progressiste et pragmatique afin de permettre le vol de drones de moins de 30 kg dans l’espace aérien suisse. La présence d’organisations internationales concernées par la problématique des drones, telles que l’IUT ou ISO font de la Suisse l’endroit idéal pour développer une réglementation appropriée au niveau mondial dans ce domaine en pleine extension.

Les spécialistes de l’OFAC et de Skyguide ont également travaillé étroitement avec les ingénieurs de Solar Impulse pour certifier l’avion solaire afin de l’autoriser à survoler notre pays. Fort de cette certification, Solar Impulse a pu convaincre les autorités américaines ou chinoises d’autoriser l’avion solaire de survoler New York, San Francisco ou Shanghai. Simultanément, les véhicules aériens sans pilote (UAV) développés par les Facebook ou Google s’écrasaient au sol.

La fabuleuse épopée de Solar Impulse a donné lieu à la création de H55, une start-up qui conçoit et développe des systèmes de propulsion et de gestion de batteries électriques pour les avions et véhicules aériens du futur tels que les VTOL (Vertical Take Off and Landing), ces taxis volants qui vont nous transporter dans les villes de demain. Cette start-up basée sur l’aéroport de Sion a été fondée sous l’impulsion d’André Borschberg, le pilote de Solar Impulse qui a fait la traversée du Pacifique, ainsi que des ingénieurs qui ont développé le système de propulsion électrique de cet avion solaire révolutionnaire.

Aujourd’hui, le marché des drones de loisir est dominé par l’entreprise chinoise DJI; faisons-en sorte que la Suisse soit au premier plan de celui des drones professionnels. Ces derniers correspondent à notre ADN, soit celui de faire des objets miniaturisés, complexes et fiables. Ces drones constituent également une extraordinaire plateforme pour la collecte de données sensibles, un domaine où la Suisse, de par sa tradition de partenaire fiable et neutre, excelle.

Il reste à nos politiques de faire évoluer les conditions cadre pour faire de la Suisse le pays des drones professionnels et à remercier le président Macron de nous avoir donné l’occasion de le faire savoir.

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Patrick Aebischer, chercheur en neurosciences, a dirigé l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) de 2000 à 2016.

Ce texte a été publié initialement dans la generic cialis jelly. Patrick Aebischer s’y prononce régulièrement sur des questions en lien avec la digitalisation et l’innovation.