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Au son du jazz de la Louisiane

Les vieilles ruelles de la Nouvelle-Orléans, le charme des bayous et l’atmosphère des plantations font de cet Etat du Sud l’une des régions les plus particulières des Etats-Unis. Plongée au sein de ce sulfureux paradis.

La petite porte en bois rouge s’ouvre sur une cave à vins. On saisit une bouteille, on choisit quelques fromages empilés dans un frigo et on sort par la porte bleue, sur la droite. Bienvenue dans un monde que l’on croyait disparu. La foule se prélasse dans un grand jardin rempli d’arbres auxquels sont accrochés des petits lampions aux airs de lucioles. L’air est humide, presque sulfureux. On s’assied à l’une des tables rondes en fer noir. Et on se laisse emporter par ce jazz si typique de la Nouvelle-Orléans, interprété par un groupe sous un auvent.

Le bar Bacchanal se trouve dans le Bywater, un quartier ravagé par l’ouragan Katrina, qui revit aujourd’hui. Certaines ruelles sont encore vides, mais la plupart sont à nouveau garnies de charmantes maisonnettes de couleur rose vif ou turquoise. Les petits bars et cafés y pullulent.

L’enivrante atmosphère du bar Bacchanal symbolise ce qu’est devenue la Nouvelle-Orléans: une ville pleine de charme, où la cuisine et la fête occupent une place cruciale, voire vitale. Et l’histoire de la ville, une colonie d’abord espagnole puis française, lui donne une identité particulière. «La Nouvelle-Orléans n’a rien à voir avec le reste des Etats-Unis, explique Chere Coen, une écrivaine de la région. La population a des origines différentes de celle du reste du pays. Leurs ancêtres sont principalement venus d’Espagne, de France, du Canada et d’Haïti, ce qui a contribué à nous donner une identité plus européenne qu’anglo-saxonne.»

Cette particularité se reflète dans l’architecture de la ville: le quartier français de la Nouvelle-Orléans, merveille d’architecture coloniale, est parfaitement adapté à la marche à pied – une rareté aux Etats-Unis. Autre illustration de ce phénomène: la cuisine. Les restaurants succulents abondent, comme Antoine’s et Galatoire’s. «Les habitants de la Nouvelle-Orléans aiment bien manger, on aime bien vivre», résume Chere Coen.

La splendeur des plantations

Lorsqu’on quitte la Nouvelle-Orléans par l’ouest, la route traverse des champs à perte de vue. Le paysage est plat, sauvage. Les chênes recouverts de mousse espagnole abondent. On aperçoit aussi au loin quelques raffineries et des derricks, symboles de l’économie locale qui repose essentiellement sur le pétrole. Le long du Mississipi, on trouve de nombreuses plantations de coton et de sucre qui ont jadis fait de la Louisiane l’un des Etats les plus riches du continent américain. Quelques-unes sont encore actives. D’autres moisissent sur place, écrasées par le soleil et l’humidité.

Une partie d’entre elles ont été reconverties en musées, comme la grandiose Oak Alley Plantation, qui se trouve dans la bourgade de Vacherie. De gigantesques chênes bordent l’allée qui mène au manoir principal, décoré avec des énormes colonnes grecques. Elle est réputée pour avoir abrité Louis de Point du Lac, le personnage incarné par Brad Pitt dans le film «Entretien avec un vampire».

La plupart de ces fantastiques demeures évitent soigneusement d’aborder le sort des esclaves noirs qui les ont construites, puis animées. Toutes sauf une: la Whitney Plantation. La petite maison de couleur jaune, ouverte en décembre dernier, est devenue la première plantation-musée à aborder ouvertement la question de l’esclavage, un sujet encore tabou dans le sud des Etats-Unis. La visite des lugubres cabines en bois cachées au fond de la plantation en dit long sur les conditions de détention des esclaves.

Quiches à l’alligator

La voiture est secouée par les cahots de la route, qui s’étend à perte de vue entre ciel et terre. Une sensation légèrement inquiétante, sachant que la bande d’asphalte est perchée sur des pilotis au-dessus d’un vaste marécage. Le marais – le bayou comme on dit ici – est recouvert d’arbres morts. Nous arrivons au Pays Cajun, une région qui a conservé un caractère unique.

L’endroit est habité par les descendants de colons français catholiques qui se sont installés en Nouvelle-Ecosse (Canada) en 1700, avant de s’en faire chasser par les Britanniques. Les rescapés se sont réfugiés en Louisiane, où ils ont préservé leurs traditions et leur culture durant des siècles. Aujourd’hui, il reste 100’000 personnes qui parlent encore couramment la langue de Molière, avec une sorte de vieil accent français du XIXe siècle marqué par des «r» roulés.

Ici, pas de burgers ou de frites. On se délecte de quiches à l’alligator, d’écrevisses à l’étouffée et de boudin. La nature reste l’attraction la plus spectaculaire. On peut visiter des marécages à l’atmosphère fantomatique, avec ses alligators et ses oiseaux rares.

La meilleure chose à faire? Louer un cabanon au bord d’un des nombreux lacs de la région, allumer un feu, faire griller un steak au barbecue, ouvrir une bière. Et écouter les criquets s’égosiller autour de soi.

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L’hôtel: Madewood Plantation, Napoleonville

Ce magnifique manoir blanc sur une ancienne plantation donne la sensation de remonter dans le temps. La demeure habrite de splendides antiquités. Certains disent que la maison est hantée.

Le bar: Bacchanal, Nouvelle-Orléans

Dans le quartier gentrifié de Bywater, Bacchanal sert du vin rouge et des petits plats dans un jardin atmosphérique. Et organise des concerts de jazz tous les soirs.

La visite insolite: Petite Anse

Située sur un dôme salin, l’île Petite Anse est l’improbable lieu de naissance du Tabasco. Au sommet du monticule, on trouve l’usine originale de cette sauce rouge épicée inventée par Edmund McIlhenny en 1868. Un petit musée revient sur son procédé de fabrication et un magasin vend des produits pour les amateurs d’épices, comme du coca, de la glace et du chocolat au Tabasco.

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Une version de cet article est parue dans Swissquote Magazine.