- Largeur.com - https://largeur.com -

Barthassat, mortel combat

Le sort de l’entente de droite à Genève est donc lié au destin d’un conseiller d’Etat PDC qui ne rassure personne. L’Évangile selon saint Luc, il faut dire, n’est pas toujours facile à suivre.

«Je suis un atypique. Je dérange, je déstabilise pour faire bouger les choses». En politique plus qu’ailleurs, on n’est jamais mieux défendu que par soi-même. Classé à une calamiteuse neuvième place au soir du premier tour des élections genevoises au Conseil d’Etat, Luc Barthassat conserve du moins l’amusante faculté de présenter ses handicaps comme des atouts. Ce qui est le propre des meilleurs vendeurs de voitures, ou plutôt de motos, d’occasion.

Avec le culot et le sang-froid attaché à cette rude profession. Un vent de panique souffle-t-il sur l’Entente de droite? Chacun prédit-il pour le deuxième tour une bataille homérique et une pluie de coups de crayons radicaux contre l’impossible monsieur Barthassat? Lui, tranquille, ne voit pas le début d’un commencement de problème: «Trois candidats, trois places, aucune bagarre à l’horizon, on n’aura pas se biffer.» C’est sans doute son indécrottable côté loup ravi qui parle.

Un point sur lequel Luc Barthassat serait presque d’accord avec ses détracteurs serait de dire que tout ça, après, tout est affaire de style. Lui reproche-t-on ses écarts de langage, plutôt malvenus dans la bouche d’un conseiller d’Etat, il admettra user «d’un style pas toujours adéquat». Ce qui est une habile façon de ne pas remettre en cause l’action ni le bilan.

Ceux en tout cas qui espèrent voir la naissance d’un Barthassat nouveau, poussée par la galère électorale, risquent d’être déçus. «Je ne vais pas changer ma personnalité» assène-t-il, plutôt honnêtement. Personne donc ne pourra dire qu’il n’aura pas été prévenu. Lui qui se vante de «parler sans filtre» tout juste aura-t-il demandé à un journaliste qui l’interviewait «d’enlever les gros mots».

Un des reproches récurrent fait au chef du Département de l’environnement, des transports et de l’agriculture, est de n’avoir jamais réussi à obtenir quoi que ce soit pour Genève de la part de la Berne fédérale. Sur ce coup-là, il n’hésite pas à dénoncer les bonnes copines. Tout serait donc de la faute à Doris. Leuthard, bien sûr, sa coreligionnaire PDC pourtant, qui en voudrait au pétaradant biker genevois d’avoir trop défendu la route.

Là où ses amis voient du pragmatisme, vantent son côté très humain et attentif aux gens, les ennemis de Luc Barthassat ne distinguent qu’amateurisme, méconnaissance des dossiers, incapacité à s’élever au niveau de la fonction. Sans parler de cette une agaçante façon, à la Trump, de toujours jouer le peuple contre les élites. Mais quand il dit «Je ne suis pas le plus intello de la bande» ce serait plutôt à Christian Constantin qu’il ferait penser et à son ressassé «un imbécile qui marche ira toujours plus loin qu’un intellectuel assis».

Pas sûr que ce soit la meilleure façon de rassurer un électorat quelque peu échaudé par la méthode Barthassat, qui se résume souvent à du simple rentre-dedans. Souvent desservie qui plus est par une utilisation intempestive des réseaux sociaux – Trump encore – et par des mots qui dépassent sans doute la pensée du magistrat.

Par exemple quand il traite des journalistes «d’imbéciles» et «d’escrocs jaloux». Les journalistes le lui rendent bien, surtout ceux de la Tribune de Genève: «Les Genevois sont las de ses slogans simplets, de ses mises en scène enfantines sur Facebook et surtout de sa politique d’immobilité.»

C’est donc sur ce personnage à peu près incontrôlable et toujours imprévisible, oscillant entre le paysan bourru et le motard tatoué, que se joue le sort de la droite genevoise. Laquelle se consolera en se disant qu’un monde qui ne serait peuplé que de raisonnables Barazzone, ne ferait sans doute envie à personne.