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Christine Bussat, la longue marche en zigzag

«Une bombe à retardement». Le compliment est de Christian Lüscher, qui rajoutait: «elle n’écoute pas, elle ne peut pas travailler avec les autres». «C’est une opportuniste. Si elle décide de rejoindre notre parti, c’est simplement pour accéder au Grand Conseil». Là les fleurs étaient offertes par les bons camarades de la section vaudoise de l’UDC. Une UDC que Christine Bussat, la tenace fondatrice de la Marche blanche, rejoignait en 2016 après un petit tour de piste au PBD.

«Ne me traitez pas de girouette» s’écriait-elle pourtant. Même si cette femme-là n’est pas toujours facile à suivre, on peut effectivement trouver une explication cohérente à son incohérent parcours politique: les partis, elle n’a jamais aimé ça. Ne déclarait-elle pas, lorsqu’elle était encore au PBD: «Minder, Weber ou moi sommes des citoyens qui avons lancé des initiatives citoyennes, tandis que les partis ne s’en servent que comme des outils électoraux.»

C’est d’ailleurs contre ces maudits partis et tout l’establishment politique, contre aussi tout pronostique raisonnable, que cette femme au parcours atypique, vendeuse en bijouterie, puis tenancière de restaurant, est parvenue à faire triompher en votation populaire deux initiatives: «Pour l’imprescriptibilité des actes d’ordre sexuel ou pornographique commis sur des enfants» et «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants».

La loi d’application de cette dernière vient d’être mise sous toit par le parlement. Une étape lors de laquelle habituellement les initiants se plaignent que leur texte ait été dénaturé par des Chambres forcément frileuses. Mais Christine Bussat ne fait rien tout à fait comme les autres. Elle trouve que sur un point au moins, le parlement est allé trop loin.

Le texte de l’initiative préconisait de faire condamner quiconque abusait d’un enfant de moins de 16 ans. Le texte des Chambres parle lui de moins de 18 ans. «Je ne suis pas forcément ravie, car pour moi c’était les pédophiles qui devaient être concernés et pas forcément des jeunes qui auraient abusé d’adolescents de 17 ans». Chercher la petite bête, en toutes circonstances, c’est aussi un peu une marque de fabrique chez Christine Bussat.

En revanche, lors des débats, elle s’était allègrement gaussée de ceux qui trouvaient que le texte contrevenait à la notion de proportionnalité des peines: «Nous ne condamnons pas les auteurs d’actes pédophiles à mort, à l’exil ou à des peines disproportionnées. Nous demandons simplement qu’ils ne puissent plus travailler avec des enfants, cela paraît relativement simple comme mesure».

La simplicité, pas de doute, c’est son truc. Quand il s’agit de commenter à chaud la décision du Tribunal Fédéral de casser la décision d’internement à vie du meurtrier Claude Dubois, elle dégaine vite fait son œuf de Colomb: «Peut-être aurait-il fallu prendre la problématique dans l’autre sens et décréter l’internement à vie si on ne peut pas prouver qu’un individu puisse guérir.» Au lieu donc de devoir prouver qu’il ne puisse pas guérir. C’est pourtant simple.

Résumons: Christine Bussat aime bien les enfants. Elle en a fait son juste combat. L’enfant pour elle est la mesure de toute chose. Ce qui est assez pratique pour faire taire toute contradiction: qui oserait s’opposer au bien-être et à la protection de l’enfance? Et cela vaut pour à peu près tout. L’interdiction du voile islamique à l’école? Elle est plutôt pour «parce que c’est l’enfant qui va en pâtir». Le mariage homosexuel? Ca ne l’emballe pas trop trop: «on expose les enfants à de la discrimination».

Mais bon, avec Christine Bussat, rien n’est jamais gravé dans le marbre: «Je ne suis pas quelqu’un de buté, je peux changer d’opinion suivant les informations que je reçois, j’aime bien la logique des choses.»

La preuve: en 2015, une année avant d’adhérer à la phalange blochérienne, elle soutenait avoir «horreur de la xénophobie». Et donc, en bonne logique des choses, ne pouvoir «jamais s’aligner sur l’UDC, dont certaines idées vont trop loin».