LATITUDES

«Plus on s’y connaît en montres, plus on s’aperçoit qu’on n’y connaît rien»

Nicholas Foulkes est l’incarnation même du dandysme et de la sophistication. Historien, écrivain et journaliste pour «Vanity Fair» et le «Financial Times», il distille sa science de l’élégance masculine auprès de millions de lecteurs dans le monde entier. Interview.

Quitte à parler de luxe, autant le faire dans un lieu qui s’y prête. Et ce lieu s’appelle La Réserve, à Genève. C’est dans le salon de cet hôtel cinq étoiles que nous retrouvons Nick Foulkes, l’homme qui parle d’élégance avec tant d’éloquence et d’érudition. Ce Londonien d’origine galloise, formé à Oxford, a écrit plus de 20 livres sur des sujets aussi divers que Bernard Buffet, la bataille de Water­loo, les voitures et les bijoux. L’occasion pour lui d’évoquer les belles montres, les accessoires et tout ce qui le passionne.

D’où est venu votre intérêt pour les questions de style?

Enfant, j’aimais passer du temps avec mon grand-père maternel, qui était tou­jours extrêmement bien habillé. Alors, il doit y avoir quelque chose d’hérédi­taire. Cela est aussi lié à la passion que j’ai toujours eue pour l’histoire et pour l’esthétique du passé. Dans les années 1970, les montres vintage étaient loin d’avoir le vent en poupe, mais leur ancienneté m’attirait. Voilà comment tout a commencé.

Quelle est la place d’une montre dans la garde-robe masculine?

Les montres y jouent un rôle central. Étant en contact permanent avec la peau, la montre fait partie des objets les plus intimes jamais fabriqués par l’homme. Selon moi, les belles montres sont de petites oeuvres d’art. Elles véhiculent des émotions et de la créativité. Mais vous savez, plus on s’y connaît en montres, plus on s’aperçoit qu’on n’y connaît rien.

Comment décririez-vous la montre parfaite?

Elle n’existe pas. J’aime les belles montres, mais la beauté est une chose complexe : elle doit faire preuve d’originalité et de caractère, mais pas comme une fin en soi. Par exemple, j’adore les anciens modèles Cartier, comme la London, la Tank, la Crash, la Pebble… Ces montres méca­niques très simples sont des expressions de l’époque à laquelle elles ont été créées. Ce sont des objets culturels. L’aspect tech­nique joue également un grand rôle. Si vous observez le fond de certaines montres très techniques comme la Lange & Söhne Double Split, le mouvement peut susciter plus d’intérêt que le cadran. Leur archi­tecture relève de la science, et c’est ce qui en fait des oeuvres d’art.

Vous intéressez-vous à l’innovation horlogère?

J’ai suivi avec beaucoup d’intérêt les travaux de Guy Semon et ce qu’il a fait avec la nouvelle Zenith Defy Lab. Techni­quement, c’est complètement fou ! Je me souviens également avoir été stupéfié par le concept de pivots magnétiques pré­senté par Breguet il y a quelques années.

Quelles sont les premières montres dont vous vous souvenez?

Je devais avoir 12 ans lorsque j’ai acheté ma première montre. Je me souviens très bien d’une Breitling Navitimer des années 1960 qui appartenait au beau-père de mon épouse. J’avais été fasciné par cette montre et m’étais pris de passion pour Breitling. J’ai également de très bons souvenirs de la Girard-Perregaux de Gino Macaluso.

Que pensez-vous des montres connectées?

C’est dans l’air du temps et je pense qu’il est judicieux pour les marques d’entrée de gamme de se positionner sur ce nou­veau marché. Ce qu’a fait Apple est très intéressant. L’Apple Watch, c’est de la science-fiction dans un objet au design épuré et de qualité remarquable. Une partie de l’industrie horlogère, notam­ment Jean-Claude Biver avec TAG Heuer, a reconnu l’importance de cette tendance. Il sera intéressant de voir ce que l’histoire retiendra des montres connectées.

Sur quels projets travaillez-vous?

J’écris un livre sur la vie de la Princesse Virginia (Ira) von Fürstenberg, qui est une femme passionnante. Je travaille également à l’écriture d’un ouvrage sur le temps et sur plusieurs autres projets, notamment une émission télévisée.

Venez-vous fréquemment en Suisse? Que préférez-vous dans ce pays?

Je n’y suis jamais en août, sinon je m’y rends au moins deux fois par mois. Tout me plaît beaucoup en Suisse. Je connais pratiquement chaque canton. C’est si beau et si paisible que je songe à prendre la nationalité!

Combien de montres possédez-vous?

Trop… et pas assez!

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Une version de cet article est parue dans le magazine Les Ambassadeurs (no 21).