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B-Sharpe, en première ligne de la guerre des changes

L’agent de change numérique b-Sharpe propose des taux inférieurs aux banques. Une offre qui cible en priorité les PME et les frontaliers.

Les particuliers et PME paient une taxe injustifiée pour effectuer de simples opérations de change. Ce constat est à l’origine du modèle d’affaires de b-Sharpe, une start-up genevoise active dans le domaine des technologies financières (fintech). Elle propose des paiements internationaux à des taux dont la marge est réduite d’environ deux tiers par rapport aux intermédiaires traditionnels, tels que les bureaux de change ou les banques.

«Celles-ci ponctionnent en moyenne 1,7% des opérations en dessous de 50’000 francs et appliquent une marge dégressive pour les montants plus élevés, explique Jean-Marc Sabet, fondateur et CEO. Un système frustrant, surtout pour les PME: elles sont souvent impliquées dans des transactions de change mais ne peuvent pas bénéficier de conditions particulières, ce qui est le cas des multinationales notamment.»

Pour proposer de meilleurs taux, b-Sharpe a sélectionné un certain nombre d’établissements bancaires et négocie en amont. Sur son site internet, l’agent de change numérique affiche les marges qu’il applique, ce qui le distingue des autres intermédiaires financiers. Pour les opérations habituelles (du franc vers l’euro par exemple), les clients reçoivent leur fonds en 24h, sur leur propre compte ou directement sur celui de leurs fournisseurs.

La start-up genevoise retient une marge oscillant entre 0,5% (petits montants) et 0,06% (plus gros) pour des transactions en francs suisses et en euros. La proportion augmente cependant pour les autres devises. Une plateforme en ligne et une app seront fonctionnelles d’ici à la fin de l’année. Les transactions s’effectuent pour l’instant par téléphone ou par e-mail.

Avant de fonder sa propre société, Jean-Marc Sabet a travaillé pour différents établissements bancaires et participé à la création de Synthesis Bank en 1999 (rachetée fin 2007 par Saxo Bank). En 2006, il crée b-Sharpe, mais ne gère alors que les opérations de change de devises de certains clients.

C’est en 2011 que cet Italo-Suisse trouve le modèle actuel de sa start-up. «Avant l’abandon du taux plancher par la BNS en 2015, notre clientèle était principalement composée de PME. Depuis, les inscriptions de particuliers se sont intensifiées. Nous sommes passés de quelques centaines de clients en 2015 à près de 4’500 aujourd’hui. La plupart d’entre eux sont des frontaliers, mais il y a aussi des expatriés et des résidents suisses.» Résultat: une croissance de 250% par an depuis cette année-là.

Licence bancaire allégée

Les débuts de b-Sharpe, qui emploie cinq personnes, ont pourtant été compliqués. «Beaucoup de clients pensent encore que seules les banques peuvent réaliser des opérations financières. Les PME accordaient par ailleurs beaucoup d’importance à la confiance et la sécurité.» B-Sharpe a donc assuré toutes les transactions contre la fraude et le hacking jusqu’à 1,5 million de francs.

L’agent de change numérique s’est battu pour faire valoir son modèle et recevoir, en 2012, l’autorisation d’exercer de la part de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA). «Heureusement, les start-up fintech disposent d’un environnement de plus en plus favorable.»

En novembre 2016, le Conseil fédéral a présenté un projet de licence bancaire allégée pour ce type d’entreprises. Elles pourront accepter des dépôts pour un montant maximal de 100 millions de francs – un seuil que pourrait relever la FINMA. Les sociétés devront de plus posséder un capital d’au moins 300’000 francs ou 5% des dépôts. Prochains objectifs de la start-up? «Obtenir la licence bancaire ‘light’ de la FINMA, une licence européenne, et ouvrir d’autres bureaux en Suisse.»

Selon Nils Tuchschmid, directeur de l’Institut de finance de la HEG Fribourg, «le constat de départ de b-Sharpe est correct: les marges des intermédiaires financiers traditionnels sur les taux sont conséquentes et souvent difficiles à comprendre.» Le professeur estime que les acteurs du domaine des fintech «peuvent s’avérer plus efficaces et bousculer les banques. Le modèle d’affaire de b-Sharpe exige cependant d’importants volumes de transaction pour être viable.»

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Une version de cet article est parue dans PME Magazine.