TECHNOPHILE

La dernière chance du Macintosh

Apple présentait samedi son nouveau système d’exploitation, attendu depuis 7 ans par les usagers. Le succès du Mac OS X sera décisif pour l’avenir du constructeur.

L’accouchement a été si long que beaucoup d’adeptes du Macintosh avaient perdu espoir de le voir arriver un jour. Le nouveau système d’exploitation d’Apple est finalement né samedi dernier. Baptisé Mac OS X, ce système doit faire oublier l’avortement douloureux du projet Copland en 1996, puis les deux annonces de retard de sa sortie (nous en parlions en janvier 2000 déjà).

Apple travaille sur ce nouvel environnement logiciel depuis sept ans, une éternité à l’échelle informatique. Depuis le lancement du Mac en 1984, la performance des machines du fabriquant a considérablement progressé – notamment grâce à l’intégration élégante de la gamme de processeurs PowerPC en 1994 – mais parallèlement, le système d’exploitation n’a pas évolué de manière significative.

Pourtant, l’environnement de gestion représente un élément tout aussi fondamental que la performance du processeur dans la qualité d’une machine. Et aujourd’hui, les usagers du Mac n’en peuvent plus.

Ils ne veulent plus devoir redémarrer leur machine deux fois par jour parce qu’une seule application a planté. Ils ne veulent plus voir leur bécane geler parce qu’un processus plus ou moins prioritaire (travail d’une image sur Photoshop, copie sur une disquette) occupe toute l’attention du système. Le processeur du Mac arrête par exemple de calculer lorsque l’usager déplace une fenêtre ou sélectionne un menu. Certaines fonctions ne peuvent simplement pas être exécutées simultanément. D’autre part, lorsque l’ordinateur est occupé à une tâche prioritaire, il devient impossible de l’interrompre.

La fragilité du Mac vient de la gestion de la mémoire du Mac OS actuel, qui n’a pratiquement pas évolué depuis les premiers modèles. Sur un Macintosh, les applications partagent la même zone (les mêmes adresses) mémoire. Du coup, lorsqu’une application gèle, c’est l’ensemble de la machine qu’il faut redémarrer car toute la mémoire vive est affectée. Le nouvel OS X propose enfin une mémoire protégée aux utilisateurs du Mac, ce qui augmente considérablement sa fiabilité puisque chaque processus occupe une zone distincte.

Par ailleurs, l’OS X apporte un élément indispensable à tout système d’exploitation moderne, ce que l’on appelle la «gestion préemptive des tâches» (en anglais «preemptive multitasking»). Il s’agit d’une segmentation de l’activité du processeur afin que chaque activité puisse fonctionner simultanément de manière plus fluide.

Ces éléments techniques sont hérités d’Unix, le noyau logiciel sur lequel s’appuie le nouvel OS X d’Apple (d’où le X). Réputé pour sa fiabilité, Unix s’est aussi rendu célèbre par sa relative complexité d’utilisation. Mais l’OS X offre une interface graphique qui dissimule élégamment la technologie professionnelle qui fonctionne en coulisse.

Et les résultats? Les impressions des analystes restent mitigées. C’est que l’OS X souffre encore de quelques défauts de jeunesse: impossible de visionner des films en DVD, ou d’utiliser un graveur de CD avec cette première version. Steve Jobs, le patron d’Apple, promet que ces deux petits problèmes seront réglés très rapidement. Quand ce sera le cas, l’OS X sera livré en standard dans les nouveaux ordinateurs dès cet été.

Par ailleurs, pour bénéficier des nouvelles performances du système (comme la mémoire partagée), les applications doivent être mises à jour et l’usager devra donc acquérir de nouvelles versions de ses logiciels préférés. Les anciens programmes fonctionneront comme avant, mais à l’intérieur d’une session indépendante (l’environnement «Classic»). Cette session souffrira des mêmes fragilités que l’OS 9.0 actuellement en service.

Petit à petit, les applications évolueront pour profiter du nouvel environnement d’Apple. Mais les développeurs suivront-ils assez rapidement pour mettre à jour leurs produits? Par exemple, Macromedia a travaillé pendant un an pour rendre son logiciel d’édition professionnel FreeHand compatible avec l’OS X. Les autres – et notamment les fabricants de jeux – investiront-ils autant, ou préféreront-ils se concentrer sur le PC? L’avenir d’Apple dépend en grande partie de cette décision.

Ce dernier trimestre, Apple a retrouvé les déficits que la sortie de l’iMac, succès commercial indéniable, avait permis de combler. Mais pour que les parts de marché augmentent, il faudra que la qualité, l’élégance, la fiabilité et les performances de l’OS X encouragent les usagers de PC à passer sur Mac. Une mission d’envergure pour Steve Jobs.