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Leaders de la cybersécurité

Les entreprises européennes figurent à la pointe dans les domaines de la sécurité numérique, la protection antivirus et le cryptage. Portraits de trois acteurs emblématiques du secteur.

Le secteur de la cybersécurité semble avoir un bel avenir devant lui: les dépenses mondiales pourraient atteindre 200 milliards de dollars par an d’ici à 2021, selon plusieurs analystes économiques. Une réponse à l’augmentation des cyberattaques, qui ciblent quasi quotidiennement des particuliers, entreprises ou gouvernements, mais aussi à l’utilisation toujours plus fréquente de technologies vulnérables, comme les appareils connectés et le cloud. Parmi les gagnants, on trouve quelques entreprises européennes avec des technologies de pointe et des modèles d’affaires solides.

Gemalto – Spécialiste de la sécurité des petites entreprises

Spécialiste mondial des applications logicielles sécurisées basé à Amsterdam, Gemalto est également le plus grand fabricant international de cartes SIM et d’autres cartes intelligentes, notamment de passeports électroniques. Depuis sa création en 2006, l’entreprise a étendu ses activités à 48 pays et affichait un chiffre d’affaires de 3,1 milliards d’euros l’an dernier.

La multinationale a forgé sa réputation dans le domaine des services sécurisés en proposant des plateformes logicielles sécurisées accessibles en ligne. Ces services basés sur le cloud sont utiles aux petites et moyennes entreprises qui ne disposent pas des connaissances et de l’expérience nécessaires à la gestion sécurisée de leur réseau informatique.

«En principe, l’externalisation des services de sécurité peut être très judicieuse si le fournisseur est compétent et fiable, mais ce n’est pas toujours le cas», ajoute Angela Sasse, directrice de l’Institut de recherche britannique dans le domaine de la cybersécurité. Si des prestataires comme Gemalto parviennent à offrir des services de cloud sécurisés répondant à l’augmentation de la cybercriminalité, ces solutions contribueront à renforcer la sécurité.

 

Kaspersky – La figure de proue du combat contre les virus

La société Kaspersky basée à Moscou, connue pour son logiciel antivirus, a mis sur pied des services et des produits de cybersécurité transversaux. Créée il y a vingt ans, l’entreprise détient la plus grande part de marché de la sécurité de bureau en Europe, la deuxième en matière d’utilisation mobile, est très bien notée par des organismes indépendants et comptait en 2016 plus
de 400 millions d’utilisateurs dans le monde.

Kaspersky doit détecter les menaces et offrir des protections face à l’évolution constante des malwares. Bien que les utilisateurs semblent plus conscients des risques que présentent les virus, Angela Sasse craint qu’ils ne sous-estiment toujours leur niveau de protection: «Certaines personnes n’ont pas le comportement approprié sur internet, comptant sur leur antivirus pour les protéger.»

La responsabilité des entreprises de cybersécurité envers leurs clients fait de plus en plus débat, compte tenu des pressions grandissantes de la part des gouvernements. Kaspersky a été critiquée pour sa proximité avec les autorités russes, notamment par des Américains inquiets de voir leur vie privée compromise par des «portes dérobées» intégrées aux logiciels.

Kaspersky a nié toute connivence avec le gouvernement russe, mais cette question concerne toutes les entreprises de cybersécurité. «En tant que chercheurs, nous donnons la priorité aux intérêts des consommateurs et des citoyens, ajoute la directrice de l’Institut. On ne peut accepter que des systèmes de cryptage soient moins performants à cause de portes dérobées, ni que des problèmes ne soient pas résolus au nom de la sécurité nationale.»

 

Telegram – Le cryptage contre l’espionnage

Telegram a su profiter des craintes de surveillance de masse partagées par une partie de la population. Cette application de messagerie basée à Berlin et créée en 2013 comptait plus de 100 millions d’utilisateurs par mois dans le monde l’an dernier. Si WhatsApp rassemble plus de 1,2 milliard d’utilisateurs chaque mois, Telegram a proposé plus rapidement un système de cryptage de bout en bout, qui évite de stocker les messages sur un serveur intermédiaire et donc que les services secrets puissent y accéder. La création de comptes anonymes, la programmation de la destruction de messages et le cryptage développé en secret sont autant d’atouts pour tous ceux qui se méfient de Facebook et d’autres services américains.

«Telegram est utilisé dans le monde entier, ajoute Angela Sasse, surtout dans les pays où les jeunes veulent se prémunir face à des gouvernements trop curieux.» Telegram s’est néanmoins retrouvé sous le feu des critiques pour avoir facilité les communications secrètes entre plusieurs terroristes.

Si la société a fermé certains canaux liés au terrorisme, de nouveaux peuvent toutefois être rapidement ouverts. Cela reflète le dilemme éthique auquel les développeurs de logiciel sont confrontés. «Normalement, on décide de continuer ou non, en pesant le pour et le contre. Dans le cadre des produits de sécurité, les avantages et les inconvénients sont indissociables.»

Pour Angela Sasse, la véritable question est celle de la perception de la sécurité des communications avec ces applications. «Des collègues ont montré que Telegram était relativement simple à hacker, donc il ne faut pas croire que les gouvernements ne peuvent y parvenir aussi, affirme-t-elle. De nombreux utilisateurs de Telegram utilisent par ailleurs la messagerie en mode non crypté sans s’en rendre compte.» Alors que WhatsApp assure désormais à ses usagers un chiffrement de bout en bout et que les gouvernements demandent davantage d’accès à ces applications de communications sécurisées, cette perception erronée pourrait constituer le plus grand défi de Telegram.

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Une version de cet article est parue dans le magazine Technologist (no 14).