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Dix conseils pour bien négocier son augmentation

Demander une hausse de salaire ne s’improvise pas. Cette revendication exige une excellente préparation et une planification adéquate. Conseils et témoignages.

«Je suis allé demander une augmentation au moment où je suis passé d’un poste de réceptionniste à un poste de responsable de cette même réception, raconte Benjamin, employé dans une salle de fitness à Genève. Ma demande a été refusée assez sèchement. Mon chef m’a expliqué que si je n’étais pas content, je n’avais qu’à partir, et qu’il trouverait facilement quelqu’un pour me remplacer!»

La réponse à une demande d’augmentation n’est pas toujours aussi catégorique, mais la négociation salariale ressemble souvent à un duel déséquilibré. Dans la plupart des cas, c’est l’employé qui fait le premier pas en s’appuyant sur une hausse de ses responsabilités, de sa charge de travail ou sur une réalisation importante. Pour autant, il est possible de mettre toutes les chances de son côté en affutant ses arguments et en choisissant le meilleur moment pour formuler sa demande. Conseils d’experts.

1. Positiver la discussion

En général, une négociation de rémunération est déclenchée par une frustration chez le salarié, ce qui pose un contexte a priori négatif dans la discussion. Auteur du livre «La Bible de la négociation» et fondateur du cabinet de conseil Concordia, Alexis Kyprianou recommande au salarié de «convertir le négatif en positif» s’il souhaite tirer bénéfice de la situation. Pour ce faire, mieux vaut commencer par faire une synthèse des intérêts communs (résultats, disponibilité, objectifs du département) et de positiver la discussion en insistant sur sa motivation et son engagement.

2. Choisir le bon moment

Formuler sa demande 2 ou 3 semaines après une réalisation exceptionnelle réalisée par le salarié et qui n’était pas prévue dans sa description de fonction, c’est le conseil de Daniel Porot, auteur du livre «101 conseils pour bien négocier son salaire ou une augmentation». Selon lui, il convient d’éviter le mois de décembre, lorsque toutes les revues de contrat se déroulent et que les augmentations de salaires sont distribuées. Le «gâteau» est alors découpé en tranches très fines…

Directeur de Page Executive à Genève, l’unité du groupe Page spécialisée dans le recrutement de cadres dirigeants, Raphael Asseo conseille de saisir la fin d’un cycle, par exemple lors de la revue des performances en fin ou début de nouvelle année, mais aussi après la finalisation d’un projet ou d’une belle réalisation. Bien sûr, lorsque le niveau d’activité augmente drastiquement, il peut se révéler judicieux de redéfinir le cadre de travail ou le descriptif de fonction, ce qui peut impliquer une réévaluation des conditions salariales. «Si un rendez-vous n’est pas automatiquement fixé, par exemple lors de l’évaluation de performance annuelle, il est important de planifier un entretien avec son département ou celui des ressources humaines, souligne ce spécialiste. C’est toujours plus simple lorsque le rendez-vous est appuyé ou soutenu par le supérieur hiérarchique.»

3. Ecarter les émotions

L’argent étant un sujet délicat, une discussion salariale exige de mettre de côté aussi bien ses émotions que celles de son interlocuteur, qu’il s’agisse de colère ou d’irritation. «Lorsque les émotions prennent le dessus, le cerveau est moins irrigué en sang, ce qui limite la capacité à raisonner et écouter les arguments de l’autre, explique Alexis Kyprianou. Les êtres humains se font le miroir du comportement qu’ils observent face à eux: en utilisant les émotions, on provoque une réponse du même registre. Un dialogue de sourds s’installera et l’objectif sera plus difficile à atteindre.»

Selon Daniel Porot, il convient de donner à l’entretien un caractère très formel, en organisant la rencontre dans un bureau, plutôt que dans un café, un club ou un restaurant. L’expert conseille de ne pas dévoiler l’objet de la réunion et de conserver le secret jusqu’au rendez-vous. Il faut alors commencer par remercier l’interlocuteur d’avoir accepté la rencontre et d’accorder du temps à celle-ci, avant de lui demander la durée qu’il a prévu pour la séance. C’est seulement alors qu’il convient d’annoncer la raison ou le but de la rencontre, puis de présenter sa contribution, ainsi que les impacts potentiels passés et futurs. On peut ensuite cesser de parler et attendre la réaction de l’interlocuteur.

4. Concilier les intérêts

A première vue, la rémunération correspond à des intérêts opposés: plus le salaire de l’employé augmente, moins l’employeur fait de bénéfice. Dans la réalité, la situation est souvent plus complexe. Un salarié est également soucieux de sa mission, de l’évolution de sa carrière, mais aussi d’aspects non financiers, tels que les congés. De son côté, l’employeur pense à son budget, mais également à la motivation de son équipe, à la productivité et aux précédents créés par d’autres augmentations. Pour Alexis Kyprianou, qui a dirigé des opérations de fusions-acquisitions au sein de plusieurs grandes entreprises telles que British Telecom, Vivendi ou Danone, il faut faire le tour de tous les intérêts de l’interlocuteur et d’exprimer un désir de trouver une solution qui respecte les attentes des deux parties.

Par ailleurs, c’est souvent une réalité du monde professionnel: l’employeur ne fera pas un geste parce que cela arrange le salarié, mais parce qu’il y verra un intérêt pour lui-même. Il faut donc exprimer de l’intérêt pour l’autre. «Une augmentation présentée comme un moyen d’embaucher une nourrice afin que le collaborateur soit plus disponible en fin de journée parle peut-être davantage à l’employeur que de dire ‘je veux déménager et un meilleur salaire me permettrait de chercher un plus grand appartement’», détaille Alexis Kyprianou.

Ainsi, pour Benjamin, l’employé de fitness genevois, la réévaluation de son salaire est passée par un accord sur les ventes d’abonnement qu’il réalise chaque mois. «J’ai accepté de garder un salaire bas, mais en contrepartie j’ai négocié un pourcentage assez conséquent sur les ventes d’abonnement. Mon employeur est satisfait du chiffre d’affaires que je réalise, et cela me permet de me retrouver avec d’excellents salaires durant les meilleurs mois.»

5. Rester réaliste

Evidemment, il convient d’analyser sa rémunération de manière rationnelle. On trouve en ligne diverses études de salaires sur le marché par métier. Dans tous les cas, il est important d’obtenir un avis de ses pairs, de son réseau ou d’un cabinet de recrutement. «Le sujet est moins tabou qu’il y a 20 ans, dit Raphael Asseo. On peut commencer par en parler au sein de son entourage en cherchant des informations ou un benchmark.» L’important est de ne pas être déconnecté de la réalité des conditions du marché, plus spécifiquement dans son secteur, ses compétences et ses responsabilités.

On doit donc impérativement tenir compte du contexte de l’entreprise. Une start-up ne peut généralement s’aligner sur les conditions des grandes firmes et demandera quelques sacrifices à ses employés. «Ces derniers font parfois un pari qui peut toutefois se révéler payant du point de vue de l’aventure entrepreneurial, de l’expérience ou de l’envergure des responsabilités», indique le spécialiste.

Dans les sociétés établies, les salaires de base ne sont en principe pas extrêmement  fluctuants. C’est davantage la partie variable qui peut être impactée. Les grands groupes peuvent aussi offrir une multitude d’avantages annexes, comme d’excellents fonds de pension ou des allocations transport. «On trouve aussi des entreprises actives dans des secteurs plus porteurs ou des activités de niche qui peuvent dégager des marges conséquentes, poursuit Raphael Asseo. Ces dernières sont en mesure d’offrir des conditions plus attractives à leurs employés et ceux-ci doivent en être conscients. Cela peut aussi parfois avoir une incidence sur la rétention des employés.»

Selon lui, il est rare d’obtenir une hausse salariale de plus de 7 à 8%. «Le temps des augmentations de 10% chaque année et de manière acquise est révolu, notamment dans des pays comme la Suisse où l’inflation est quasi nulle. Les négociations doivent donc être vraiment justifiées et liées impérativement à des éléments de performance ou à des objectifs fixés.»

Ceci peut parfois impliquer une forme d’aigreur de la part d’un employé qui se verrait offrir moins que ce qui était attendu, lors d’une promotion par exemple. «J’invite dans ce cas précis l’employé à argumenter selon les attentes du rôle et non la capacité de ce dernier à les atteindre», souligne-t-il. Dans tous les cas, il faut envisager la problématique avec l’angle de l’employeur également, la finalité étant que la négociation aboutisse à une relation gagnant-gagnant. «Particulièrement en Suisse, il est inutile de jouer le jeu du marchandage, mais plutôt être tout de suite dans la justesse», ajoute Raphael Asseo. Dans cette optique, il faut évidemment songer à très bien négocier son salaire d’entrée, sachant que les possibilités d’augmentation sont limitées si les responsabilités restent les mêmes. Il est par ailleurs de moins en moins efficace d’utiliser l’argument de l’ancienneté si l’on souhaite voir son salaire adapté à la hausse.

6. Trouver des repères objectifs

Avant de se lancer dans une démarche de négociation, il faut établir des repères comparables au sein de l’entreprise ou à l’extérieur. «Une proposition justifiée objectivement est plus convaincante qu’une demande du type ‘j’aimerais’, souligne Alexis Kyprianou. Par ailleurs, vous incitez ainsi votre interlocuteur à justifier sa propre position en fonction d’autres repères objectifs, ce qui peut se révéler difficile s’il n’a pas eu le temps de se renseigner au préalable.»

Parmi les arguments à mettre en avant, Raphael Asseo mentionne l’augmentation des responsabilités mais aussi les réalisations récentes, l’augmentation de sa performance explicitée par des chiffres comparatifs ou l’exposition à des risques. Evidemment, il convient d’adopter une bonne posture lors de l’entretien et d’exposer les faits de manière constructive et structurée.

Pour sa part, Daniel Porot conseille de «flirter avec le marché» afin de connaître sa valeur marchande et l’intérêt que les entreprises portent à son profil. En ce qui concerne la préparation à l’entretien, il recommande d’identifier et de noter sur une feuille les sujets, les projets ou les tâches que la personne a mené à terme et qui justifient l’augmentation. Il est ainsi possible de valoriser concrètement la contribution réalisée. On peut calculer en termes financiers le montant correspondant à la contribution par le biais d’augmentation de gains, de diminution de coûts, d’évitement d’erreurs ou de «plus» stratégiques. Il est alors possible de mieux définir l’augmentation que l’on souhaite obtenir, que ce soit en termes financiers ou en avantages en nature.

7. Prendre l’initiative

Il est essentiel d’avancer un premier chiffre défendable, exprimé en absolu ou en pourcent. «Il faut faire cette proposition avec conviction, comme si c’était une demande tout à fait légitime», indique Alexis Kyprianou. Il recommande de dire: «Je voudrais X francs» et ne pas affaiblir la demande en la formulant ainsi: ‘Est-ce possible?’ ou ‘Qu’en pensez-vous?’. Ce qui pourrait inviter l’interlocuteur à simplement répondre par la négative. En posant la première proposition, on incite l’interlocuteur à faire tout le travail de convaincre à baisser ou renoncer à la demande. «Si vous n’avancez pas le premier chiffre, votre interlocuteur le fera, et ce sera probablement un chiffre inférieur à vos attentes, voire une somme nulle, poursuit le spécialiste. Par ailleurs, il est plus facile de défendre une première proposition que de faire bouger celle de l’interlocuteur.»

Il convient également d’éviter les tournures imprécises, comme ‘de l’ordre de’. Un chiffre précis est beaucoup plus percutant et nécessite une réponse qui engage l’interlocuteur dans une négociation. «Une formule imprécise donne l’impression que votre demande est négociable», indique Alexis Kyprianou. Selon lui, il faut aussi éviter les fourchettes: l’interlocuteur n’entendra que le niveau inférieur.

8. Viser le décideur

Responsable hiérarchique, responsable des ressources humaines, directeur général ou au responsable de la division: à qui faut-il s’adresser pour formuler sa demande? Alexis Kyprianou recommande d’être au clair sur les responsabilités en matière de salaire dans son entreprise, au risque de se voir répondre: «Il faut que je vois avec la hiérarchie.» Ce dernier pourra répondre par la négative et l’interlocuteur aura la simple tâche de dire: ‘Je le veux bien, mais je ne peux rien faire’. «Il sera ensuite difficile d’effectuer une deuxième tentative avec le vrai décideur.» Daniel Porot complète en estimant qu’il faire de préférence sa demande par le biais de l’assistant de la personne que l’on souhaite rencontrer et choisir le moment le plus calme de la journée.

9. Offrir un choix

Il existe plusieurs paramètres liés à une rémunération ou à une augmentation: la date effective de cette dernière, le montant ou peut-être un élément variable tel que le nombre de jours de congé ou les heures effectives de travail. Alexis Kyprianou recommande de ne pas négocier élément par élément, mais de proposer un choix de «deux ou trois packages», en variant les éléments dans chaque package. Par exemple: une augmentation de X% immédiatement et Y% dans 6 mois, ou alors Z% à la fin de l’année. Il convient de souligner que le choix appartient à l’employeur. Par ailleurs, comparer les mérites de ces différentes options crée une distraction qui éloigne ce dernier d’une comparaison entre ces offres et sa propre position de négociation.

10. Prévoir un plan B

Evidemment, disposer d’une alternative renforce la position de l’employé. Il s’agit ici d’une action que l’on peut entreprendre indépendamment de l’interlocuteur et que l’on est prêt à mettre en œuvre si nécessaire. «Un bluff découvert décrédibilise le collaborateur et sa demande n’a plus de légitimité», relève Alexis Kyprianou. Et même si l’on n’évoque pas ce plan B, le fait d’en avoir un change inconsciemment le vocabulaire, le regard et l’attitude. Bref, cela améliore la confiance en soi lors de la négociation. «Il ne faut brandir cette alternative que si l’on a épuisé tous les autres outils, poursuit le spécialiste. Sinon, cela pourrait être interprété comme une menace, qui impliquerait une réaction irrationnelle, contraire aux objectifs de la négociation.»

Lorsqu’une impasse fait penser à dévoiler son plan B, il faut toujours préciser que l’on préfère trouver un accord avec l’interlocuteur pour ne pas donner l’impression de le menacer. «Le plan B est très délicat et la perception sera souvent négative, souligne Raphael Asseo. En Suisse et de manière générale, les sociétés n’aiment pas la surenchère ou d’être mises sur le fait accompli.» Daniel Porot ne conseille lui non plus pas de menacer de démissionner, tout simplement parce que l’on serait tenu de le faire si la négociation venait à échouer…

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Il n’y a pas que l’argent dans la vie

Abonnement de transports publics, allongement du congé paternité ou cours de yoga peuvent représenter des avantages «en nature» non négligeables pour un salarié. Une solution également plébiscitée par les employeurs.

Près de la moitié des PME suisses utilisent les compléments salariaux pour rémunérer leurs employés, selon la dernière étude en date sur le sujet de l’Office fédéral de la statistique. «Ces compléments constituent un élément essentiel pour améliorer leur loyauté, leur satisfaction et leur motivation des collaborateurs», remarque Xavier Pastureau, chef de projet au Centre d’études de projets économiques (CEPEC) à Lausanne.

Le dirigeant RH d’une multinationale basée dans la région lémanique constate un intérêt de moins en moins marqué des employés pour les augmentations du salaire de base. L’accent est plutôt mis sur l’équilibre travail-vie et la réalisation personnelle. «Transports en commun, fitness et cours de yoga, jusqu’au remboursement du repas de midi et à l’inscription à la Course de l’Escalade sont autant de moyens qui permettent de renforcer l’esprit d’équipe et promouvoir la culture d’entreprise et le plaisir d’y travailler.»

Le responsable RH souligne l’importance de connaître précisément la population de son entreprise avant de formuler son offre: «c’est seulement ainsi que les avantages proposés seront adaptés aux besoins, et donc évalués positivement.» Un audit d’autant plus qu’important que les compléments salariaux permettent de limiter les dépenses de l’entreprise. «Une augmentation de salaire doit correspondre entre 3-6% du salaire par an pour être vraiment appréciée par un employé. Les avantages en nature les plus demandés coûtent souvent bien moins chers que cela.»

En termes de budget, il conseille de prévoir «un montant annuel minimum de 1000 francs par employé, avec un plafond à 3000 francs pour des atouts d’attrait et de rétention fondamentaux tels que la formation continue ou les activités sportives. Les augmentations salariales monétaires devraient être liées uniquement aux performances et ne devraient jamais être distribuées à tout un chacun.»

Offre à la carte

«La tendance chez les employeurs est aujourd’hui d’offrir des avantages ‘à la carte’, permettant ainsi aux employés de choisir librement sur la base de solutions dont l’impact budgétaire a déjà été planifié, remarque Yolaine Bôle, consultante indépendante et ancienne directrice des ressources humaines de la marque horlogère Corum. Un montant limité est généralement attribué à chaque employé, de façon à qu’il puisse lui être alloué lors d’une négociation.»

Dans ses anciennes fonctions, Yolaine Bôle a notamment expérimenté l’utilisation d’avantages tels que congés de paternité augmentés ou séances de massages en entreprise. «En matière de résultats, nous avons constaté une excellente implication du personnel, peu de départs et une bonne productivité, liés à une meilleure identification avec l’entreprise.»

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Best-of des négociations ratées

Parler d’argent n’est jamais une partie de plaisir. Alors pourquoi se précipiter? Cinq erreurs à ne pas commettre au risque de le payer longtemps. 

1. L’empressement

Cette erreur consiste à parler trop tôt du niveau de rémunération lors d’un entretien d’embauche. «Cela revient mécaniquement à proposer un prix à un produit sans savoir de quelle marchandise on parle», tance Thierry Krief, auteur d’un Mooc sur la négociation salariale à l’Ecole polytechnique de Paris et fondateur de la société NegoAndCo. Souvent ce sont les entreprises qui hâtent la négociation. «En leur répondant trop tôt, on prend le risque de se faire éliminer d’emblée, ou de mal négocier.» Plus le candidat ou la candidate élude le sujet, plus il ou elle gagne du champ pour mettre en avant ses compétences. A garder en tête, la règle d’or de la négociation: «Le premier qui parle a perdu.»

2. L’insolence

«A moins de dix briques, je ne fais pas le job.» Il est certes conseillé de se fixer un objectif minimal mentalement, mais pas de l’énoncer de manière définitive. «Prendre de haut des recruteurs, c’est couper court à la négociation, juge l’expert. Avant de dire non, on peut imaginer des artifices, en demandant une augmentation après six mois par exemple ou des avantages.»

3. L’incontinence

L’erreur étant ici de parler de soi sans écouter les besoins de l’entreprise. Le candidat ou la candidate se met en mauvaise posture pour une négociation.

4. Le quiproquo

L’entreprise s’organise pour que la négociation salariale intervienne avec le service des ressources humaines. Or c’est un piège. «Les ressources humaines recrutent pour l’entreprise, alors que les opérationnels recrutent pour un projet. Ces derniers seront donc plus sensibles à un discours technique.» Autrement dit, plus ouverts aux largesses financières.

5. La candeur

Lorsqu’on est en poste, la difficulté de la négociation croît – d’où l’importance de la négociation initiale – car l’entreprise doit avoir une motivation majeure d’augmenter ses employés. L’erreur principale serait de croire que l’entreprise va augmenter spontanément le salaire de 10% après un certain temps. «On n’obtient rien que l’on n’a pas demandé.»

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«Les premières cinq minutes sont cruciales»

Une spécialiste de la communication non-verbale donne des astuces pour entamer de la meilleure manière possible un entretien salarial.

La Genevoise Anne Ducat, entrepreneuse et psychologue, organise depuis 13 ans des ateliers pour l’Office cantonal de l’emploi où elle apprend aux participants à mieux faire passer leurs messages. En parallèle, elle propose aussi des cours pour les particuliers et les entreprises. Ses conseils pour mieux maîtriser son expression corporelle lors d’un entretien avec son supérieur.

Quelle importance ont les expressions non-verbales?
Dans une communication, les trois quarts des informations sont transmises par des éléments non-verbaux, comme le son de la voix, l’expression faciale ou la posture du corps. La plupart des gens donnent trop d’importance au contenu de leur message et négligent la manière dont ils veulent le faire passer. C’est ce que j’essaie de leur apprendre dans mes ateliers.

Quels sont les clés d’une négociation salariale fructueuse?
De manière générale, une négociation de salaire avec son employeur ou un supérieur est une situation qui crée du stress et même de la peur chez beaucoup. Le but est de surmonter cet état pour arriver à une discussion entre deux interlocuteurs égaux. Une des clés du succès est une respiration calme: elle est la condition pour avoir des pensées claires, une voix posée et une expression faciale détendue. Autrement, la personne en face va avoir l’impression d’avoir à faire à quelqu’un qui n’est pas sûr de lui.

Comment peut-on gérer le stress?
Il faut réussir à rester clair dans sa tête et à adhérer à son objectif tout au long de la négociation. Pour cela, il est utile de s’imaginer au préalable une situation positive dans laquelle on obtient ce que l’on vise. Les premières cinq minutes de l’entretien sont cruciales: en se focalisant sur sa respiration, on peut visualiser cette situation dans sa tête, rester calme et se concentrer là-dessus pendant la suite des négociations.

Comment devrait-on formuler ses exigences?
Beaucoup de gens ont des craintes lorsqu’il s’agit de demander plus d’argent à son employeur. Par conséquent, ce dernier sent tout de suite lorsque la personne en face est tendue. L’idéal serait de formuler ses exigences sans peur, avec une voix posée et sans trop bouger les mains. On arrive à être plus serein si l’on accepte l’éventualité d’une réponse négative. Les phrases doivent être concises – l’insécurité se traduit souvent par des propos trop longs et confus. Evidemment, les sourires et une attitude positive permettent de créer un dialogue agréable. Observer les expressions faciales et la posture de son supérieur peut également être utile. Mais le plus important reste de se concentrer sur soi-même, car on peut rapidement mal interpréter les signes non-verbaux de la personne en face.

Quels exercices peuvent aider à se préparer pour une négociation salariale?
Juste avant, il est utile de prendre quelques instants et de se concentrer sur une respiration calme et régulière. Cela aide à se focaliser sur son objectif et à ordonner ses pensées. De manière générale, il peut être intéressant de sortir régulièrement de sa zone de confort en souriant lorsque vous dites ‘bonjour’ à quelqu’un ou en osant entrer plus souvent en contact avec les gens que vous pouvez croiser dans des situations du quotidien. Aussi, je peux recommander un exercice intellectuel qui permet d’améliorer sa capacité à rebondir et à avoir le bon mot au bon moment: prenez une minute de temps en temps et essayez de citer 50 mots qui vous passent par l’esprit. C’est excellent pour entraîner sa vivacité d’esprit et son sens d’improvisation.

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Collaboration: Erik Freudenreich, Robert Gloy, Sylvain Menétrey et Antonio Rosati

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Une version de cet article est parue dans PME Magazine.