- Largeur.com - https://largeur.com -

Créons une dotation pour l’innovation

Une économie prospère à l’avenir passera par davantage d’indépendance de la Poste, des CFF et de Swisscom ainsi qu’un soutien accru aux écoles polytechniques fédérales.

Quel ne fut pas mon plaisir de lire l’interview donné récemment à la NZZ am Sonntag par Eric Scheidegger, le chef de la direction de la politique économique du SECO. En s’appuyant sur l’histoire récente de notre pays, il nous avertit qu’une lente érosion de la prospérité menace la Suisse si elle ne se réforme pas rapidement. Il nous rappelle qu’après le non à l’Espace économique européen en 1992, la Suisse a été contrainte, suite à une stagnation de son économie, d’initier dans l’urgence une série de réformes importantes telle la privatisation partielle de Swisscom, l’ouverture du marché intérieur, la révision de la loi sur le chômage ou une nouvelle loi sur les cartels. L’expert du SECO souhaiterait davantage de concurrence sur le marché intérieur et une réforme de la politique agricole. Il envisage même la privatisation de la Poste et des CFF…  «Music to my ears» comme disent les Anglais!

Créons les incitations pour que notre agriculture s’engage dans les réformes technologiques en développement. En effet, une agriculture hightech plus respectueuse de l’environnement pointe à l’horizon avec des techniques telles que l’aéroponie, l’agriculture de précision au moyen des «big data» collectées par des drones ou satellites, ou l’utilisation de robots intelligents. Il en va de même pour la Poste. Les nouvelles technologies sont en train de changer radicalement son cœur de métier: les lettres physiques disparaissent au profit du courrier électronique, les drones offrent des solutions intéressantes pour la distribution de paquets dans les régions difficiles d’accès, des bus sans conducteurs labéllisés «La Poste» ont fait leur apparition à Sion au travers d’une collaboration avec «Bestmile», une start-up sortie de l’EPFL. La Poste mérite qu’on lui donne plus d’indépendance.

Les CFF sont actuellement challengés par BLS pour l’accès aux grandes lignes. Les gares doivent se moderniser pour garder leur attractivité. Il aura fallu le projet «Hyperloop» d’Elon Musk pour nous remémorer le projet «Swissmetro» qui proposait de relier les principales villes suisses au moyen d’un système de transport sous-terrain à sustentation magnétique. Ce sont les CFF qui avaient à l’époque enterré ce projet visionnaire. Il est temps de le relancer.

Quant à Swisscom, il est vital qu’on lui octroie l’indépendance dont elle a besoin pour pouvoir se battre à armes égales avec les acteurs globaux des communications. Il y a aussi une certaine urgence de la privatiser avant qu’elle ne perde toute sa valeur.

Que faire du produit de ces privatisations? Financer le parc suisse d’innovation et créer une dotation («endowment») pour le financement des deux Écoles polytechniques fédérales, qui constituent aujourd’hui le principal vivier des start-ups suisses. Cela permettra au domaine des écoles polytechniques fédérales de ne plus être soumis aux aléas des coupes budgétaires et soulagera d’autant le budget annuel de la Confédération. Investir dans la formation, la recherche et l’innovation constitue pour la Suisse la seule option sur le long terme. Des solides connaissances scientifiques et technologiques couplées à une culture entrepreneuriale constituent en effet la meilleure façon d’assurer l’avenir économique de notre pays. La Finlande a fait office de précurseur en la matière en vendant au bon moment ses actions Nokia, ce qui lui a permis de contribuer à la création de la dotation d’Aalto, son université technologique de pointe. Suivons son exemple.

_______

Patrick Aebischer, chercheur en neurosciences, a dirigé l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) de 2000 à 2016.

Ce texte a été publié initialement dans la cialis australia online. Patrick Aebischer s’y prononce régulièrement sur des questions en lien avec la digitalisation et l’innovation.