CULTURE

Le dossier Eminem, de A jusqu’à Z

Le petit rapper blanc est en concert ce mardi à Paris. Sa violence verbale, sa misogynie et son homophobie ne l’ont pas empêché de vendre 12 millions d’albums. Au contraire. Comment comprendre le phénomène Eminem? Avec un lexique.

A comme abécédaire.
Ce texte en forme d’abécédaire aborde quelques fragments de la vie d’Eminem: sa naissance d’un père qu’il n’a jamais connu, son procès contre sa propre mère, son succès planétaire, ses insultes envers son épouse, ses textes ultraviolents, son rachat par Vivendi… Et son projet de duo avec Elton John.

B comme Debbie Mathers Briggs.
Elle est la mère d’Eminem. En 1999, Debbie a déposé plainte contre le rapper, s’estimant diffamée par ses interviews. Il a notamment dit qu’elle était toxicomane et qu’elle l’avait battu quand il était enfant. Debbie n’a pas eu une vie facile. Issue d’un milieu modeste, elle avait quinze ans quand elle a rencontré son futur mari, aussi fauché qu’elle. Eminem est né trois ans plus tard, en 1973. Le père s’est barré l’année suivante.

C comme Cheney, Lynne.
«Eminem encourage la violence la plus dégradante envers les femmes», a déclaré l’épouse du vice-président américain Dick Cheney devant une commission du Sénat. Le rapper «se fait l’avocat du meurtre et du viol. Il parle de tuer et de violer sa mère. Il parle d’étrangler des femmes lentement, pour entendre leurs cris (…) Et c’est un homme qui est honoré par l’industrie du disque…» Ces faits, indiscutables, ont été rappelés par Lynne Cheney, porte-parole de l’ultra-droite américaine et auteur de romans à l’eau de rose.

D comme Dido.
La voix féminine qu’on entend sur le morceau «Stan», le tube d’Eminem, est celle de Dido, chanteuse britannique dont le premier album s’est très bien vendu aux Etats-Unis. Dido était l’une des chanteuses du groupe Faithless («Insomnia»).

D comme Dr Dre.
Ancien arrangeur du groupe NWA, il est l’un des producteurs de rap les plus réputés, à la tête du label Aftermath (Snoop Doggy Dogg, Tupac Shakur). Il a rencontré le petit rapper blanc en 1997, lors de la compétition des Rap Olympics à Los Angeles. C’est là qu’il a décidé de produire ses disques. L’album solo de Dr Dre, «Chronic 2001», s’est vendu à six millions d’exemplaires.

E comme Elton John.
L’homophobie d’Eminem étant avérée, Elton John aurait-il trouvé une manière typiquement gay de la désamorcer? Il s’est déclaré grand admirateur du rapper. Flatté, celui-ci lui a rendu la politesse et du coup, il est question d’un duo entre les deux hommes à l’occasion de la cérémonie des Grammy Awards.

F comme filiation.
Eminem évoque souvent son géniteur, qu’il n’a jamais connu mais dont il porte le nom (Marshall Mathers). Adolescent, il lui a envoyé une lettre mais n’a jamais obtenu de réponse. «Si vous rencontrez mon père, dites-lui que j’ai rêvé que je lui tranchais la gorge», a-t-il écrit dans une de ses chansons.

G comme Gilbert’s Lodge.
Avant de connaître la gloire, Eminem travaillait en tant qu’aide-cuisinier dans un petit restaurant qui porte ce nom: Gilbert’s Lodge.

H comme homophobie.
C’est le grand problème d’Eminem, un furoncle qui entache toute sa carrière: ses chansons banalisent, voire encouragent, la haine envers les homosexuels. Le rapper décrit ses textes comme des «poignards» qu’il plante «dans la tête des lesbiennes et des gays». Il a revendiqué son homophobie à plusieurs reprises: «Si je déteste les pédés? La réponse est oui», dit-il dans une de ses chansons («My words are like a dagger with a jagged edge that’ll stab you in the head whether you’re a fag or a lez… Hate fags? The answer is yes!»). Depuis quelques mois, cependant il se montre un peu moins haineux.

I comme insulte.
Dans ses textes, Eminem a donc insulté tour à tour les femmes, les pédés, son père et sa mère (entre autres). Exemples : «Tu vas faire comment pour me nourrir au sein, maman? T’as pas de nichons» («How you gonna breast-feed me, Mom? You ain’t got no tits»), ou encore: «Penche-toi en avant et prends ça comme une pute, okay, maman?» («Just bend over and take it like a slut, okay, Ma?»)

J comme comme Hailie Jade.
Hailie Jade est la fille d’Eminem, née en 1995, bien avant les succès du rapper. Elle est la seule personne qui compte à ses yeux. En décembre 2000, après son divorce d’avec Kim, le rapper a obtenu la garde de l’enfant.

K comme Kim Scott.
Kim est l’ex-femme d’Eminem. Ils se sont rencontrés à l’âge de 14 ans et ne se sont plus quittés jusqu’en 2000. Il parle régulièrement d’elle dans ses textes, de manière peu flatteuse. Le 7 juillet 2000, il l’a publiquement insultée lors d’un concert. Elle est rentrée chez elle et s’est ouvert les veines. Elle a été sauvée in extremis par sa mère.

L comme LP’s.
Le premier vrai album d’Eminem s’intitule «The Slim Shady LP», du nom de son avatar Slim Shady. Son second album a pour titre «The Marshall Mathers LP», en référence à son vrai nom, Marshall Bruce Mathers III. L’album suivant pourrait s’appeler «The Eminem LP» (pour ceux qui l’ignoreraient, LP signifie long-player, autrement dit «album»).

M comme Marshall Bruce Mathers III.
C’est le vrai nom d’Eminem. Ses initiales, M&M, lui ont inspiré son pseudo.

N comme nombres.
Le dernier album d’Eminem contient 348 mots grossiers qu’un magazine britannique a classés par nombre d’occurences. Le plus fréquent est fuck et ses dérivés (fucking, fucked) avec 126 apparitions, suivis par shit (60 apparitions), bitch (57), ass ou asshole (24), motherfucker ou motherfucking (19), nigga (17), dick (13), fag ou faggot (12). Viennent ensuite piss, bum, bullshit, pussy et damn (avec deux apparitions chacun), puis cunt, prick, dyke, cocksucker, queer, boobs, homo, lez, bastard et cock (une occurence chacun). A noter que les 17 apparitions du mot nigga ne proviennent jamais directement de la bouche d’Eminem.

P comme procès.
«A chaque fois qu’un membre de ma famille me poursuit en justice, je vends davantage de disques», a déclaré Eminem lors des MTV Video Music Awards. Le rapper a encore deux procès sur le dos, pour coups et blessures envers des passants. Ces procès pourraient lui valoir neuf ans d’emprisonnement.

Q comme quantité (et qualité?)
Eminem a vendu 12 millions de son dernier album, mais ce n’est qu’un début: de l’avis général, il possède l’un des plus gros potentiels de l’industrie musicale. Et la qualité? La majorité des critiques de hip hop lui reconnaissent du talent.

R comme Ronnie Kresin.
Il était l’oncle et le seul ami d’Eminem. Les deux garçons avaient à peu près le même âge, une quinzaine d’années, quand ils ont acheté leurs premiers disques de rap à la fin des années 80. Ronnie s’est suicidé en 1993 et Eminem est tombé en dépression. Plus tard, il a voulu sortir quelques chansons que Ronnie avait enregistrées sur une cassette mais sa grand-mère s’y est opposée, le menaçant d’un procès.

S comme Slim Shady.
C’est l’alter ego d’Eminem, un personnage imaginaire et caricatural qui lui a permis de monter sur scène en parlant de lui-même à la troisième personne. L’invention de Slim Shady lui a aussi permis de se dédouaner de ses provocations. C’est en se montrant encore plus radical que les rappers blacks qu’Eminem a pu obtenir leur respect.

T comme tatouage.
Eminem a un tatouage sur l’estomac, avec ces mots: «Kim, rot in pieces» (Kim, pourris en pièces»), en référence à son épouse Kim.

U comme ultraviolence.
L’univers d’Eminem évoque l’ultraviolence du film «Orange mécanique». «Dieu m’a envoyé ici pour emmerder le monde et pour détruire votre petit garçon ou votre petite fille de quatre ans» («God sent me here to annoy the world and to destroy your little 4-year old boy or girl»). Ou encore: «Ma femme est comme ma vie: baisée, parce que je la bats tous les soirs» («My wife’s like my life is, fucked up ‘cause I beat her every night»).

V comme Vivendi.
En rachetant Seagram, la multinationale française Vivendi a également racheté le catalogue du label Interscope, et donc les enregistrements d’Eminem.

W comme Warren (Michigan).
C’est la ville où Eminem et sa mère Debbie se sont installés en 1985, dans un quartier misérable. C’est là qu’Eminem a passé son adolescence.

X comme X.
Les références à la pornographie sont fréquentes dans l’œuvre d’Eminem. Le rapper apparaît souvent sur scène avec une poupée gonflable qu’il présente comme son épouse, Kim. Il place sa tête entre ses jambes en la traitant de chienne («bitch»).

Z comme Jay-Z.
Jay-Z est le rapper commercial qu’Eminem, au tout début de sa carrière, a tenté d’imiter sans succès. Sorti dans la confidentialité en 1996, son premier album «Infinite» a fait flop. Ce n’est que lorsqu’il a vraiment commencé à parler de lui-même dans ses chansons qu’Eminem a trouvé son public.

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Illustration: Alexia de Burgos
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