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Un nouvel organe dans le corps humain?

Un groupe de chercheurs irlandais propose de considérer le mésentère, important tissu du système digestif, comme un organe distinct. Le sujet fait débat chez les scientifiques.


On pourrait croire à une révolution dans le monde médical. La découverte du 79e organe du corps humain, comme le titraient en début d’année de multiples sites d’information scientifique, mais aussi grand public. Le Prof. Calvin Coffey, de l’Université de Limerick, l’annonçait fin 2016 dans la revue The Lancet: le mésentère, peu étudié jusqu’alors, présente une continuité et des fonctionnalités propres. Il pourrait de ce fait être considéré comme un organe à part entière.

«Le mésentère est connu depuis très longtemps, affirme Nicolas Demartines, responsable de la chirurgie viscérale au CHUV. Cette découverte n’en est pas vraiment une.» Tissu gras reliant l’intestin à la paroi abdominale, il apparaît déjà dans les représentations anatomiques de Léonard de Vinci, au XVIe siècle. Au début des années 1980, ses liens et même son indissociabilité avec le côlon sont affirmés. «C’est assez rare qu’un article s’intéresse si spécifiquement à une structure seule, avance Michel Maillard, médecin adjoint au Service de gastroentérologie et d’hépatologie du CHUV. Que le mésentère ait une importance dans le corps humain, certes, mais le qualifier d’organe me paraît un peu abusif.»

Utilité en chirurgie

Peu étudié car difficile d’accès, le mésentère est néanmoins considéré par le corps médical, notamment lors des opérations. «Lorsque nous pratiquons une résection d’un cancer du côlon ou de l’intestin, nous devons connaître tout le territoire vasculaire à l’intérieur du mésentère», poursuit Nicolas Demartines. En tout, six artères le nourrissent, ainsi qu’un réseau de veines et de lymphatiques. «Les chirurgiens doivent savoir où couper lors d’une opération oncologique. Comme nous intervenons toujours sur le mésentère, nous le connaissons bien.»

Le rôle principal du mésentère consiste à maintenir les vaisseaux nourriciers de l’intestin, explique le spécialiste. Le tissu a également une fonction de nettoyage et de drainage, de par la multitude de ganglions qu’il possède. Ceux-ci filtrent ce qui sort de l’intestin, participant ainsi au système lymphatique.

Ce tissu gras est également bien connu des gastro-entérologues. «Dans la maladie inflammatoire de Crohn par exemple, un mésentère rétracté peut constituer un signe», explique Michel Maillard.

Les pathologies propres au mésentère sont également connues, et traitées. La plus fréquente est le volvulus intestinal. «À cause d’un mésentère pas assez fort pour contenir l’intestin, ce dernier forme une sorte de nœud, décrit Michel Maillard. Le traitement consiste à opérer par endoscopie pour libérer l’intestin. Des hernies mésentériques peuvent également apparaître, suite à une chirurgie de l’obésité. «Après une intervention de type by-pass, l’intestin a des risques de se coincer dans le mésentère, car le trou dans lequel on le fait passer est plus gros qu’avant.» Une nouvelle intervention est alors nécessaire pour ajouter un point de suture supplémentaire.

Une structure importante et continue

Pendant longtemps, on a pensé que plusieurs structures séparées reliaient l’intestin à l’abdomen. Les chercheurs irlandais insistent aujourd’hui sur le caractère continu du mésentère, et le prouvent dans leur article, planches anatomiques à l’appui. En revanche, ils admettent les nombreuses inconnues qui subsistent. «La plupart des organes ont une unité distincte de fonctionnement. Celle du mésentère n’a pas encore été identifiée», écrivent-ils.

«On commence à mieux connaître certaines de ses fonctionnalités, renchérit Michel Maillard. On sait que des hormones présentes dans la graisse mésentérique jouent un rôle dans l’obésité et dans le syndrome métabolique.» Le fait d’étudier de manière approfondie le tissu adipeux permet également de mieux comprendre le mésentère, qui est essentiellement constitué de graisse.

Selon Calvin Coffey et son équipe, l’étude du mésentère permettrait de faire avancer les connaissances «des maux abdominaux et non abdominaux, incluant le cancer colorectal, des maladies inflammatoires de l’intestin, des maladies cardiovasculaires, du diabète, de l’obésité et du syndrome métabolique». Ils espèrent alors en faire un champ de recherche à part entière.

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Comment définir un organe?

«Partie du corps d’un être vivant nettement délimitée et exerçant des fonctions particulières», énonce le Larousse.

«On ne pourrait pas parler d’organe avec un élément diffus, réparti partout», selon le gastro-entérologue Michel Maillard.

«Il existe des structures du corps extrêmement importantes qui ne sont pas considérées comme organes, l’aorte du cœur, par exemple», ajoute Nicolas Demartines.

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Une version de cet article est parue dans In Vivo magazine (no 12).

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