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Les gagnants de la Stratégie énergétique 2050

Avec l’acceptation de la nouvelle loi sur l’énergie, le secteur du bâtiment profitera de l’extension des déductions accordées aux propriétaires s’ils rénovent leurs biens. Les entreprises espèrent voir leurs commandes augmenter, mais s’inquiètent de nouvelles concurrences.


Kilian Riviera est ravi. Depuis que les Suisses ont accepté la révision de la Loi sur l’énergie à 58,2% en mai dernier, le voilà sûr de ne pas voir son carnet de commandes désemplir. Cet entrepreneur genevois est à la tête de KRI, une société de rénovation et construction spécialisée dans la pose de fenêtres pour les bâtiments anciens. «L’acceptation par le peuple de cette loi va pousser les propriétaires à rénover leurs biens, dit Kilian Riviera. Aujourd’hui encore, beaucoup de fenêtres ne sont dotées que d’un simple vitrage. Un double-vitrage permet pourtant de réduire la consommation d’énergie de 15% en moyenne.»

La situation de l’entreprise genevoise de 18 employés n’est qu’un exemple parmi une multitude de sociétés qui bénéficieront de la Stratégie énergétique (SE) 2050, visant à réduire la consommation d’énergie, à améliorer l’efficacité énergétique et à promouvoir les énergies renouvelables. «La SE 2050 n’a pas un but direct au niveau de l’économie, mais il est clair que pour atteindre ses objectifs, il faudra l’aide des entreprises, indique Fabien Lüthi de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN). Tous les domaines de la construction seront amenés à jouer un rôle, de l’installateur de chauffage, au maçon, en passant par les sanitaires et les couvreurs.»

Car le plus grand levier en matière d’amélioration de l’efficacité énergétique réside dans l’isolation des bâtiments. Aujourd’hui, plus de 40% de la consommation d’énergie et environ un tiers des rejets de CO2 en Suisse sont imputables au parc immobilier, selon une étude de l’OFEN parue en 2016. Une des mesures prévues par la nouvelle Loi sur l’énergie est la reconduction du «programme Bâtiment» – jusqu’ici prévu jusqu’en 2019 – permettant aux propriétaires de déduire fiscalement les frais d’assainissement.

Il bénéficie dorénavant de 450 millions de francs (financé par des contributions cantonales et une part des recettes de la taxe sur le COprélevée sur les combustibles, tels que le mazout ou le gaz naturel), contre 300 millions auparavant. «Il s’agit d’un très bon signal pour inciter les propriétaires à assainir leur biens, dit Frédéric Dovat, secrétaire de l’Union suisse des professionnels de l’immobilier. En Suisse, 5,4 milliards de francs sont investis chaque année pour l’assainissement énergétique. Ce montant promet d’augmenter.»

Création d’emplois

De quoi donner le sourire aux professionnels du bâtiment. «La Loi sur l’énergie est une aubaine pour le secteur, se réjouit Nicolas Rufener, secrétaire général de la Fédération genevoise des métiers du bâtiment. Elle pousse les entreprises à se renouveler, que cela passe par l’utilisation de nouveaux matériaux, de techniques innovantes ou par le changement des méthodes de travail. Mais surtout, d’un point de vue purement économique, la SE 2050 assure aux entreprises un grand nombre de commandes.»

Stéphane Hayoz, fondateur d’tadalafil suppliers, s’attend par exemple à une augmentation de 20% de son chiffre d’affaires. La PME genevoise installe des pompes à chaleur, des capteurs solaires ou encore des systèmes d’aération à double flux aux particuliers de la région lémanique. «Avant la votation, nous recevions déjà plus de demandes d’information de propriétaires souhaitant remplacer leurs appareils, explique Stéphane Hayoz. Il existe une réelle sympathie de la population pour la transition énergétique, mais la reconduction des déductions fiscales est probablement ce qui les pousse à faire le pas. Je suis convaincu qu’il y aura plus de demandes que d’entreprises disponibles pour effectuer tous ces travaux.»

Davantage de commandes, donc plus d’emplois? «Pas forcément, déclare Nicolas Rufener. Etant donné que le domaine connaît une grande concurrence, toutes les entreprises travaillent à court terme. Difficile d’engager dans ces conditions.» Pourtant, plusieurs études estiment que la transition énergétique générerait des places de travail. La Fondation suisse de l’énergie avançait en 2012 le chiffre de cialis dosage as needed si le potentiel de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables était utilisé – et ce sans prendre en compte l’hydraulique ni la géothermie. L’étude précisait que les cantons de Zurich, Berne, Vaud, Saint-Gall et d’Argovie seraient les grands gagnants en termes d’emplois. Les branches qui en profiteraient le plus: celles de l’électrotechnique, de l’électrique, du génie mécanique ainsi que de la consultation et planification.

Plus récemment, une étude de l’EPFL a conclu que le nombre d’emplois en Suisse dans les secteurs liés à l’énergie augmenterait d’environ 14% dans un scénario reflétant la SE 2050 par rapport à la situation énergétique actuelle ou à un modèle où le nucléaire est remplacé par du gaz naturel. «Ce résultat s’explique principalement par les postes créés dans le domaine de l’efficacité énergétique, relève François Vuille, directeur du développement de l’Energy Center de l’EPFL. La grande majorité de ceux-ci concerne la rénovation des bâtiments, dont une part importante de la valeur ajoutée est réalisée en Suisse, et des transports publics. Par contre, peu d’emplois seront engendrés dans la production d’électricité.» Le chercheur s’attend par ailleurs à une baisse des emplois dans le secteur automobile, en lien avec le déploiement des véhicules électriques.

Cleantechs en première ligne

Les architectes et ingénieurs vont également bénéficier d’effets positifs suite à la votation. C’est le cas de la société neuchâteloise Planair, qui s’attend à davantage de travail. Ce bureau d’ingénieurs-conseils est spécialisé dans la physique du bâtiment, la maîtrise de l’énergie et la planification d’installation technique. «Pour atteindre les objectifs de la SE 2050, la Confédération avait visé un taux d’assainissement des bâtiments de 2% par an, remarque Pierre Renaud, fondateur de Planair. Nous nous situons aujourd’hui entre 0,9 et 1% seulement. Il y a donc de quoi faire.» Selon l’ingénieur, l’assainissement du parc immobilier suisse est également favorisé par la révision de la loi sur l’aménagement du territoire – acceptée en 2013 et entrée en vigueur en 2014 – «étant donné qu’elle limite les nouvelles constructions».

L’OFEN cite un autre domaine économique qui jouera un rôle clé pour atteindre les buts de la SE 2050: les cleantechs. «Afin de faire baisser la consommation d’énergie, la Suisse a besoin de spécialistes qui innovent pour rendre les appareils plus efficaces ou qui développent de nouveaux matériaux pour les bâtiments», dit Fabien Lüthi de l’OFEN.

«Depuis l’adoption en 2010 par la Confédération du ‘Masterplan Cleantech en Suisse’ – composé de mesures et recommandations à adopter pour consolider la compétitivité de l’industrie suisse par le biais d’innovations cleantech – la dynamique est très bonne, explique Eric Plan, secrétaire général du cluster CleantechAlps. Ces cinq dernières années, nous avons observé une augmentation de 25% du nombre d’emplois dans le secteur. Je peux aujourd’hui confirmer que nous nous attendons à une hausse supplémentaire de 25% pour les cinq prochaines années.»

Pour Eric Plan, les cleantechs contribueront notamment à développer des solutions dites intelligentes («smart solutions»), notamment en ce qui concerne l’isolation. Il évoque par exemple la start-up vaudoise tadalafil 2mg, qui propose un système de gestion automatisée d’ouverture et fermeture de fenêtres. Celles-ci doivent être régulièrement ouvertes pour favoriser l’aération, sans toutefois générer trop de pertes énergétiques. Le principe: une carte électronique est placée dans un boitier et commande la poignée de la fenêtre. L’utilisateur peut diriger le système par exemple via une application smartphone ou une télécommande. L’économie annuelle d’énergie se monte à 16,5% pour les bâtiments locatifs, selon la start-up.

Concurrence déloyale

Second domaine avancé par Eric Plan où les cleantechs revêtent de l’importance: les systèmes énergétiques. «Les propriétaires d’installations solaires peuvent dorénavant consommer l’énergie pour leurs propres besoins et ne sont plus obligés de la vendre à l’opérateur du réseau de distribution, détaille le secrétaire général de CleantechAlps. La loi prévoit également l’extension de l’autoconsommation à de multiples consommateurs: c’est ce qu’on appelle la ‘communauté d’autoconsommateurs’.»

Ce procédé pourrait favoriser des entreprises produisant des appareils de conversion d’énergie entre les panneaux solaires et les producteurs, à l’image de Studer Innotec. «Certaines personnes pourraient adopter le stockage individuel par volonté d’autonomie, car ce système reste relativement coûteux en Suisse par rapport à celui des barrages hydroélectriques, indique Roland Studer, fondateur et CEO de la société sédunoise. Aujourd’hui, la quasi-totalité de notre chiffre d’affaires est issu de l’exportation. Si le stockage individuel devenait plus abordable ces prochaines années, cette proportion pourrait changer.»

Mais les sociétés qui se sont spécialisées dans les énergies renouvelables craignent l’arrivée des entreprises électriques – propriétaires du réseau et de la distribution et en mains des cantons et des villes –, qui multiplient les acquisitions dans ce secteur. La tension existe notamment dans le canton de Berne: depuis 2013, les Forces Motrices Bernoises ont acheté plusieurs sociétés dans les services énergétiques. L’organisation faîtière des PME du canton a réagi à cette évolution: elle a lancé une campagne intitulée «L’Etat en tant que concurrent: ça n’est pas équitable!». «Les entreprises publiques tirent souvent profit de leur situation de monopole et de leur force financière aux dépens des sociétés privées», dénonce la faîtière sur un site internet dédié à la problématique. Selon l’Union suisse des arts et métiers, qui soutient les PME bernoises, une situation similaire existe dans le canton de Fribourg où Groupe E possède une société spécialisée dans les services énergétiques.

La concurrence étrangère préoccupe également certaines PME, notamment sur le marché des fenêtres. Les prix des produits fabriqués dans les pays de l’Est sont en moyenne 30% moins chers, relève le fabricant de fenêtres Kilian Riviera. «La concurrence reste saine si elle repose sur la qualité des produits, estime l’entrepreneur. En respectant les conditions salariales et conventions collectives suisses, impossible de proposer des prix aussi bas. C’est ce que j’appelle de la concurrence déloyale.» Stéphane Hayoz d’Instal+Eco redoute également cette compétition, mais dans une moindre mesure: «L’association des professionnels de l’énergie solaire entreprend des démarches pour nous protéger. Swissolar organise également des formations continues pour que les entreprises suisses aient toujours une longueur d’avance.»

Vélos électriques et restaurants végétariens

D’autres secteurs, moins évidents, pourraient également bénéficier des nouveaux objectifs en matière de stratégie énergétique. «Des sociétés de services financiers, telles que Raiffeisen ou UBS, ont notamment développé avec succès des produits permettant aux investisseurs de participer à la transition énergétique», explique Rolf Wüstenhagen, professeur de management des énergies renouvelables à l’Université de Saint-Gall.

Il cite également les constructeurs et vendeurs de vélos électriques ainsi que les restaurants végétariens. «La consommation de viande est un contributeur important au changement climatique, explique Rolf Wüstenhagen. La production de viande est 7 à 16 fois plus énergivore que celle de la cuisine végétarienne. Il est peu probable que cela devienne un pilier de la politique énergétique suisse prochainement, mais le sujet fait l’objet de discussions car il participe à l’atténuation du changement climatique. Et un des objectifs de la SE 2050 est précisément de protéger le climat.»

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Une version de cet article est parue dans PME Magazine.