Internet, dis-moi qui est la plus belle

James Hong et Jim Young partagent le même appartement d’étudiant sur le campus de l’Université de Berkeley. En octobre 2000, autour d’une bière, ils ont commencé à passer en revue le physique de quelques unes de leurs connaissances féminines en leur attribuant des points sur une échelle de 1 à 10. Rien d’original jusque là. Cette banale discussion allait pourtant changer leur vie et donner naissance à l’un des succès les plus fulgurants de la courte histoire du Net.

Puisque les humains adorent donner leur avis sur le physique de leurs semblables, James a eu l’idée de leur faciliter la tâche en créant un site Web. Quelques jours plus tard, les deux amis lançaient «amihotornot.com» («Am I hot or not?» signifie «suis-je canon ou pas?»), un site tout simple qui permet à chaque internaute de soumettre sa photo au vote des visiteurs.

«A la base, nous pensions monter ce site uniquement pour nos amis», explique James Hong au bout du fil. Sa voix est un peu pâteuse: il est 2 heures du matin à Mountain View, au cœur de Silicon Valley, lorsqu’il rappelle Largeur.com. «Nous n’avons fait aucune publicité, à part envoyer une vingtaine d’e-mails à nos proches en les encourageant à participer et à faire passer le message à leurs amis. Nous n’aurions jamais imaginé que trois mois plus tard, le site attirerait chaque jour 500’000 visiteurs et génèrerait 12 millions de pages vues quotidiennes!»

Pour soumettre sa photo au jugement du monde, il suffit de l’héberger sur un site personnel quelconque (genre Geocities ou Chez.com) puis de s’inscrire sur amihotornot.com en mentionnant le lien vers son portrait. Un groupe de modérateurs vérifie alors si la photo est conforme à l’étiquette du site qui entend éviter la pornographie et la publication d’images dont les usagers ne détiennent pas les droits (personnalités, etc.).

Les modérateurs, qui avalisent les 4000 à 6000 nouveaux clichés proposés chaque jour, sont des volontaires qui travaillent gratuitement. Ils sont plusieurs à décider si chaque image sera publiée ou non, afin de limiter les abus. Une fois acceptée, la photo fera ensuite partie de la sélection quotidienne jusqu’à ce qu’elle atteigne 4500 votes s’il s’agit d’une femme, et 300 votes pour un homme. Pourquoi une telle différence? «Nous avons rapidement constaté que les hommes préféraient juger les femmes, ce qui est normal, détaille le co-fondateur. Mais il y a un déséquilibre, car les femmes aussi préfèrent donner leur avis sur les femmes. Du coup, il y a moins de monde qui vote pour les hommes. Mais les moyennes évoluent assez peu car les notes sont très souvent dans les mêmes fourchettes pour une photo donnée.»

Depuis le lancement du site en octobre, 300’000 internautes ont soumis leur photo au cyberjugement. Malgré la croissance impressionnante de l’audience, les deux compères n’ont pas l’intention de se développer à la manière des autres startups de la région. Ils n’ont engagé personne, gèrent l’ensemble du projet eux-mêmes et commencent à négocier des contrats publicitaires pour rentabiliser leur affaire. Pour l’instant, Jim Young, 28 ans, continue ses études (il entame un doctorat en électricité), tandis que James, 27 ans, travaille à 100% sur le développement du site.

Pour tester le service proposé, Largeur.com a soumis le portrait de quelques personnalités romandes au vote des internautes. Le journaliste David Rihs a ainsi gagné de loin cette compétition avec une note de 9,4 à faire pâlir de jalousie. Le peintre Rudin arrive deuxième avec la moyenne respectable de 7. La présentatrice de l’émission Box Office Ariane Ferrier, qui séduit aussi beaucoup avec sa voix, réalise un score moyen de 4,9, tandis que la Conseillère fédérale Ruth Metzler ferme la marche avec une moyenne sévère de 2,4.

Et si vous soumettiez aussi votre portrait? Ne dramatisez pas si vous obtenez une moyenne décevante: James Hong, le co-fondateur du site, a lui-même obtenu une note de 3,8…