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Kim Frimer, le Danois qui fait trembler Swisscom

Annoncée quelques heures avant le début des enchères pour la téléphonie de troisième génération, la fusion de Diax et Sunrise a surpris tout le monde. Giflée, la Commission fédérale a même décidé de repousser cette fameuse vente, avant qu’elle ne se termine dans le fiasco que l’on sait.

Le rapprochement entre les deux opérateurs paraissait pourtant logique. Sunrise ne s’est jamais vraiment remis de n’avoir pas obtenu de licence mobile GSM en 1998. Depuis, tous les scénarios semblaient bons pour attaquer le marché du cellulaire par la bande, la fusion avec l’un des gagnants (Orange ou Diax) restant le plus envisageable. Orange étant tombé récemment dans le giron de France Télécom, ne restait que Diax. Par chance, le petit zurichois avait même un actionnaire indirect commun avec Sunrise (SBC Communications, actionnaire de Diax, est aussi dans le capital de TeleDanmark, lui-même actionnaire de Sunrise).

L’opérateur danois, dénominateur commun, a tiré les ficelles. Il contrôle désormais 78,5% de la nouvelle société, le reste du capital se partageant entre les anciens actionnaires de Diax (entreprises d’électricité, Suisse de Ré et Winterthour) et de Sunrise (CFF et UBS, moins de 3% chacun). British Telecom, actionnaire important de Sunrise, a lâché son morceau pour 1,17 milliard de francs suisses.

Au delà de l’opération financière, il s’agit pour les Danois de réorganiser et de définir une nouvelle identité au navire. En commençant par changer de capitaine: le départ d’Urs Fischer, patron de Sunrise d’abord nommé à la tête de la nouvelle entité, a été annoncé la semaine dernière depuis Copenhague. Il part chez Ascom.

Le Danois Kim Frimer, 41 ans, vient de prendre la direction de l’entreprise fusionnée. Il n’y est pas complètement étranger puisqu’il a occupé le poste de directeur général de Sunrise en 1998, avant de partir pour l’Allemagne où il a dirigé Talkline, un petit opérateur qui réalise tout de même un chiffre d’affaire annuel de 2 milliards de DM.

Le marché suisse des télécoms se consolide ainsi en quelques gros blocs derrière lesquels se cachent les géants internationaux. Objectif des privés: gagner des parts sur un marché encore largement dominé par Swisscom (67% pour le mobile). Kim Frimer, patron du plus important concurrent de l’opérateur national, apporte son éclairage à Largeur.com.

Largeur.com: Comment entendez-vous positionner votre société dans ce marché changeant?

Kim Frimer: Nous sommes le numéro 2 incontesté du marché suisse derrière Swisscom. A ce titre, nous devons rester l’alternative de choix pour les consommateurs. Pour cela, nous allons miser sur un excellent rapport qualité-prix. Je ne pense pas que les tarifs des communications vont encore beaucoup baisser en Suisse, que ce soit pour le fixe ou le mobile. Mais il y a des parts de marché à gagner en améliorant le service. Je veux rendre la vie des clients suisses la plus facile possible. C’est le rôle d’un opérateur privé aujourd’hui.

On a pu lire récemment que la nouvelle entité s’appellerait TDC, pour TeleDanmark Company. Est-ce le nouveau nom?

Surtout n’écrivez pas ça: nous n’utiliserons jamais cette dénomination barbare que nous ont envoyé les Danois par communiqué de presse. La nouvelle société a bien été enregistrée sous le nom TDC Switzerland SA au registre du commerce, mais ce nom ne sera pas utilisé commercialement.

Allez-vous conserver les noms Sunrise et Diax? Ou inventer un nouveau nom?

Nous n’avons pas encore tranché et nous avons soumis la question à un observateur extérieur neutre. L’équipe du professeur Torsten Tomczak de l’institut de marketing de l’Université de Saint-Gall va réfléchir à la meilleure stratégie pour nous. La décision sera prise rapidement, au début du mois de janvier 2001. Il y a des arguments pour les deux solutions. D’une part, comme les deux marques sont renommées sur le marché suisse et occupent des positions importantes, il serait ridicule de les faire disparaître. Il est cependant plus avantageux de n’en exploiter qu’une seule…

Quelles différences culturelles avez-vous identifiées entre les deux entreprises?

Diax s’est toujours montré très innovateur dans sa ligne de produits et son marketing. Sunrise a développé une marque très solide ainsi qu’une bonne réputation dans le service. Je pense que les atouts combinés des deux sociétés donnent un mélange puissant.

Diax et Sunrise existaient depuis trois ans à peine, est-ce que cela facilite la fusion?

Disons que c’est certainement plus facile que Daimler-Chrysler! Les sociétés et les équipes sont jeunes. Mais il ne faut pas oublier que les deux opérateurs se sont battus agressivement l’un contre l’autre pendant toute leur existence et que les employés se sont rapidement identifiés à leur entreprise.

Compte tenu de votre passé, les gens de Diax vous considèrent-ils comme un fidèle de Sunrise?

J’ai dû leur expliquer, à peine arrivé, que je ne me considérais plus comme un «Sunrise boy» depuis que j’avais quitté le groupe, et qu’il ne s’agissait donc pas d’une prise de contrôle de la culture Sunrise sur celle de Diax, mais d’une fusion à égalité. Je pense que tout le monde l’a compris. Pour moi, ce sont deux équipes qui vont travailler ensemble et nous allons prendre le meilleur des deux mondes.

De deux entreprises historiquement très suisses, la nouvelle entité est devenu majoritairement danoise. Pensez-vous que cela aura une influence sur son image?

Il y a en effet un risque que la nouvelle société soit perçue comme «trop danoise». C’est vrai par exemple que je suis danois et je ne peux rien y faire! Pour moi, une entreprise a la nationalité de ses clients. L’entreprise regroupe déjà aujourd’hui des employés provenant de 52 origines. Nous allons respecter les valeurs suisses qui ne sont, à mon avis, pas si différentes des danoises. J’ai senti un choc culturel important en passant d’Allemagne en Suisse. Mais je pense que beaucoup de choses nous rapprochent et que le Danemark possède justement de nombreux points communs avec la Suisse, ne serait-ce que la taille.

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Portrait de Kim Frimer par Alexia de Burgos