LATITUDES

Augmentation des coûts de la santé: le ton change

Signe des temps prospères: dans son dossier sur l’assurance maladie, l’hebdomadaire Weltwoche gomme complètement les préoccupations sociales dont on a tant parlé ces dernières années. Curieux…

Quand l’économie va, tout va. Et du coup, le ton des articles consacrés au secteur de la santé change passablement. C’est en tout cas l’impression que laisse la Weltwoche de cette semaine.

L’hebdomadaire consacre un dossier et un éditorial cinglant à deux des questions qui agitent le secteur de la santé, à savoir ses coûts et le projet d’appliquer la clause du besoin à l’ouverture d’un cabinet médical.

On lira avec un intérêt tout particulier l’éditorial consacré à la nouvelle augmentation des primes des caisses-maladies: comme les porte-monnaie des Suisses se portent mieux depuis quelque temps, l’accueil réservé aux augmentations annoncées doit évoluer, estime la Weltwoche.

L’hebdomadaire alémanique lance ainsi son éditorial: «A nouveau le choc des primes: 6% de plus pour la caisse-maladie. Ça fait mal, oui. Mais ce qui fait tout aussi mal, c’est la stupidité de ces pleurnicheries. Vous en êtes où? Vous croyez vraiment qu’on peut exiger toujours plus de soutien médical et voir ses primes baisser?»

Quelques pages plus loin, l’hebdomadaire analyse d’un point de vue strictement économique la progression du secteur médical en Suisse. La journaliste Vera Bueller évoque la récompense décernée cette année par la fondation allemande Carl Bertelsmann à la loi suisse sur les assurances maladie, une loi progressiste qui a «réussi à faire coexister principe de la libre concurrence et maintien de l’Etat social».

Vous voyez, argumente la Weltwoche, l’étranger sait reconnaître le poids économique du secteur suisse de la santé: 10% du produit intérieur brut annuel – soit 40 milliards de francs –, une proportion dépassée par les Etats-Unis et l’Allemagne seulement.

La Suisse est aussi en tête du classement derrière la Norvège en ce qui concerne le pourcentage par habitant des personnes employées dans ce secteur: en tout, 392’000 personnes, soit 40% de plus en 15 ans. Le nombre des médecins a doublé depuis 1972.

Bref, le business de la santé explose de toute part et ne cesse d’innover, que ce soit avec la pub pour le chanvre, la coordination de centres de santé, des lignes de renseignements téléphoniques. A en croire la Weltwoche, le dernier cri, c’est l’équitation thérapeutique.

Le magazine revient sur certains arguments connus pour expliquer l’explosion des coûts de la santé. Parmi eux, le nombre des soignants bénévoles qui baisse au sein des familles, le coût de la microtechnique utilisée dans les opérations, le boom de l’automédication avec des nouveaux médicaments qui coûtent souvent deux fois plus chers que ceux de la génération précédente, avec même, aux Etats-Unis, des pilules à 50 000 dollars l’emballage.

Mais derrière cette augmentation des coûts, quels progrès! N’oublions pas les télécommunications qui vont permettre de nous informer sur notre santé en temps réel, qui faciliteront les doubles diagnostics, réduiront les différences ville-campagne, diminueront les pertes en temps de travail. Important, ce dernier point. Prenez le nouveau vaccin nasal contre la grippe: il coûte beaucoup plus cher que la piqûre, il augmente l’offre et la demande mais quelle économie espérée sur l’absentéisme au travail!

A en croire enfin le sondage de l’institut GfS présenté par la Weltwoche, les patients veulent aujourd’hui plus que jamais ce qui coûte cher en matière de traitement. Ils étaient 49% seulement en 1999 à se dire favorables, si nécessaire, à des thérapies coûteuses, de celles qui dépassent de beaucoup le budget habituel d’un hôpital. En été 2000, ils sont 70%.

Et, conclut l’article, même l’augmentation des primes passe mieux cette année: seul un tiers des personnes interrogées estime leur consacrer un pourcentage trop élevé de leur budget. «On le sait, les pilules les plus amères sont les plus efficaces», conclut Vera Büller.

Eh oui, les temps et les tons changent.