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Gare à l’overdose de chasselas et de röstis

La succession de Didier Burkhalter prend une très étrange tournure. Avec même cette folle perspective d’un pays bientôt dirigé par une majorité de Vaudois et de Bernois.

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«Une parade de cirque». C’est le quotidien des Vaudois lui-même, le vénérable 24 heures, qui le dit. Histoire de se gausser de l’afflux soudain de candidatures issues de ce canton dans la succession de Didier Burkhalter au Conseil fédéral. La conseillère d’Etat Jacqueline de Quattro et le conseiller aux Etats Olivier Français se chauffent déjà ouvertement les muscles dans les starting-blocks. Quant à la conseillère nationale Isabelle Moret, elle confesse «réfléchir», mais chacun s’accorde à penser qu’elle en meurt d’envie. En attendant les candidatures de Oin-Oin et de monsieur Milliquet?

La présence au gouvernement du vigneron de Bursins et chef des armées Guy Parmelin, ne semble freiner aucune ardeur. Avec cet argument massue: il y a bien déjà deux Bernois au Conseil fédéral sans que cela n’empêche la terre de tourner.

Que les 24 autres cantons et demi-cantons se le tiennent pour dit. Une menace inédite plane désormais sur leur tête: notre pauvre pays pourrait se retrouver un beau matin dirigé par une majorité valdo-bernoise. Et la vie fédérale tourner à l’overdose de chasselas et de röstis.

Le président du PLR vaudois Frédéric Borloz, lui, fait encore plus fort: plus audacieux qu’Aristote et Spinoza réunis, il ne craint pas de répudier les vérités mathématiques. A la question de savoir s’il n’y aurait pas quand même quelque arrogance de la part des Vaudois à réclamer un deuxième siège, alors que le Tessin n’a plus eu de Conseiller fédéral depuis 18 ans, il répond très sereinement: «Nous n’en réclamons pas un deuxième.» Avec trois candidats du PLR vaudois aspirant à siéger aux côtés de l’hyper vaudois Parmelin, ça y ressemble quand même fichtrement.

A moins évidemment que lui aussi, comme la feuille cantonale, ne tienne tout cela que pour du beurre, du cirque, de la pure parade. Ce qui signifierait alors: nous ne réclamons pas un deuxième siège, nous faisons juste semblant.

Une hypothèse pas du tout invraisemblable: si le PLR tessinois décidait dans son congrès du 1er août d’adjoindre à son candidat déjà adoubé, Ignacio Cassis, une colistière qui pourrait être Laura Sadis, il est probable que de Quattro et Moret s’effaceraient. C’est en effet leur légitimation prétendue et claironnée: être candidate au nom des femmes et évidemment pas au nom d’une banale et sordide ambition strictement personnelle. Quant à Français, il se raconte que son seul souci, sa principale obsession, c’est que ce ne soit pas de Quattro. Ce n’est peut être pas tout à fait du cirque, mais sûrement de la cour d’école.

Surtout qu’on en vient à débattre d’une question qui rendrait en comparaison le débat sur le sexe des anges hautement rationnel: qu’est-ce qui est par nature plus injuste, frustrer le Tessin ou frustrer les femmes? Les réponses sont à l’avenant, telle celle apportée par l’écologiste Adèle Thorens: «Les femmes ne sont pas une minorité!» Autrement dit, ces ploucs de Tessinois, incapables de représenter 50% de l’humanité, n’ont qu’à aller se rhabiller et surtout passer une fois de plus leur tour.

L’historien Olivier Meuwly a bien raison donc de rappeler, dans le Temps, que la marche vers le Conseil fédéral est devenue au fil des années, une course d’obstacles «infiniment complexe»: «Il faut tenir compte du jeu médiatique, des intérêts personnels, de la langue, du sexe, de son parti, de l’antenne cantonale de son parti…»

Peut-être faudrait-il se rappeler au moment du choix final que ni le sexe ni l’origine cantonale n’ont jamais rien dit des aptitudes d’un ou d’une candidate, à devenir un bon Conseiller fédéral, un ministre utile à l’intérêt général et au pays. Mais de cela évidemment, le cirque et le bal des carrières n’ont rien à fiche.