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Rotary, Lions Club: derrière la philanthropie, le réseautage

A l’heure où le Lions Club fête son centenaire, le célèbre Rotary comptabilise, lui, 112 ans de philanthropie au compteur. Mais ces clubs au grand cœur sont-ils encore pertinents au XXIe siècle? Explications.

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«Être membre d’un club permet d’établir et entretenir des relations privilégiées avec des personnes qui partagent un certain nombre de valeurs communes, souligne Raphaël H Cohen, directeur académique de la spécialisation en entrepreneurship à l’Université de Genève. L’accès à un réseau de qualité ne peut être remplacé par les réseaux sociaux. Chacun joue un rôle différent, ce qui les rend complémentaires.» Comme la taille et la qualité d’un réseau sont très importants pour pouvoir obtenir des informations ou ouvrir des portes, l’expert estime que le réseau d’un entrepreneur ou d’un cadre n’est jamais assez grand: «Il faut saisir toutes les opportunités d’étendre son réseau, comme c’est le cas avec les réseaux sociaux, ou d’en améliorer la qualité, comme c’est le cas dans les clubs.»

La confiance étant à la base de toute relation d’influence, Raphaël H Cohen considère qu’il est beaucoup plus facile et efficace d’activer un réseau de membres qui partagent les mêmes valeurs que d’activer les réseaux sociaux. «Plus les gens se font confiance, plus ils s’engagent à se soutenir mutuellement. La force des clubs réside dans des valeurs communes qui sont les piliers de la confiance, dont la solidarité et la bienveillance font très souvent partie. De ce fait et comme dans les clans, on peut beaucoup plus compter sur les membres du club que sur les abonnés d’un réseau social qu’on ne connaît parfois même pas.»

Actions philanthropiques

Secrétaire du Rotary Club Lausanne, Olivier Richard met pour sa part en avant la large provenance des membres de l’organisation. Celle-ci réunit des personnes de toutes professions y compris des salariés et des fonctionnaires, ainsi que des retraités, avec un objectif principal, qui est de contribuer à des œuvres de bienfaisance. «Nous bannissons tout aspect mercantile, précise Fabien Loi Zedda, président du Rotary Club Lausanne. Notre structure, qui compte 151 membres, est basée sur la camaraderie, l’entre-aide et le bénévolat. Nous fonctionnons uniquement selon un système de cooptation. Beaucoup de nos membres sont des acteurs importants de l’économie locale et internationale, mais notre club n’a pas vocation à être lui-même un acteur économique.»

Le fonctionnement diffère diamétralement des réseaux sociaux, puisqu’une présence physique aux déjeuners hebdomadaires est exigée, en moyenne une fois sur deux. «Nos actions dépendent exclusivement des dons et du travail bénévole de nos membres», ajoute Fabien Loi Zedda. Concernant les aspects liés au réseautage, il relève que le Rotary lui a notamment été très utile pour compléter les aides étatiques lorsque ces dernières faisaient défaut dans le cadre du développement de l’Université Populaire de Lausanne, qu’il a présidé bénévolement durant de nombreuses années. A l’échelle internationale — près d’un million et demi de membres dans le monde, pour plus de 35’000 clubs — , on peut citer les efforts du Rotary pour éradiquer la polio ou soigner les effets des mines antipersonnel et freiner leur développement.

En 1932, l’Américain Herbert Taylor (qui deviendra par la suite président du Rotary International) élabore quatre principes fondamentaux qui guident toujours l’action de la structure. Outre la volonté de créer des relations, il faut par ailleurs que les actions stimulent la bonne volonté réciproque, qu’elles soient loyales de part et d’autre, et conformes à la vérité. De nombreuses initiatives sont menées dans cette optique: exemple avec l’organisation d’une soirée gastronomique au mois de janvier à Evian. Baptisée «Saveurs et arômes lémaniques», elle a permis à six fromagers et huit vignerons des deux côtés du Léman de faire découvrir leur produits à 140 participants. A cette occasion, une tombola a également été organisée au profit du fonds de dotation «jetons cancers» du Rotary club international. D’autres actions locales dans le cadre d’événements sportifs ou de galas permettent d’œuvrer à la réinsertion professionnelle des paraplégiques ou soutenir les enfants malades dans le monde.

Une dynamique différente des réseaux sociaux

Autre club service très connu, le Lions club est lui aussi basé sur l’action citoyenne et l’engagement social. Composé essentiellement de représentants des milieux économiques (responsables d’entreprises, cadres, indépendants), il réunit 1,35 millions de membres dans 200 pays. La Suisse compte 265 clubs pour environ 10’000 membres. «Nous ne sommes pas un club d’affaires, souligne Philippe Doffey, président du Lions club Lausanne. Il est toutefois vrai que nos membres peuvent faire du networking, à condition de s’impliquer, avec détermination, dans nos différentes actions sociales.»

Comme au Rotary, les nouveaux membres sont uniquement admis par cooptation. Ils sont proposés par deux parrains avant que l’ensemble des membres du club ne se prononce. Là aussi, l’un des critères pris en compte est d’éviter une surreprésentation d’un métier spécifique. «C’est un bon moyen de faire des connaissances en dehors de son secteur d’activité», relève Philippe Doffey. Une présence physique est également demandée deux fois par mois (une fois à midi et une autre le soir), d’où une «dynamique totalement différentes de celle des réseaux sociaux». Ces derniers sont cependant fréquemment utilisés en compléments pour organiser ou gérer des rencontres ou des actions. Parmi les œuvres internationales menées par le club, on peut mentionner le soutien à des programmes de traitements ophtalmiques ou la distribution de lunettes usagées dans les pays en développement.

Membre du Lions club Lausanne depuis 1977, Daniel Manuel, propriétaire et administrateur de la société de commerce de denrées alimentaires Manuel à Crissier, souligne que cette activité lui a permis de côtoyer au fil des ans d’autres entrepreneurs venant d’horizons divers. «Les actions caritatives permettent aux membres et à leurs épouses de se rencontrer, de mieux se connaître et d’agrandir ainsi leur réseau. Il est évident que l’on utilise aussi les adresses du club pour des contacts professionnels.»
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ENCADRE

Les Leos, petits frères du Lions

Crée en 1996, le Leo club Lausanne est composé de membres âgés de 18 à 32 ans. Tout comme le Lions, les Leos (pour Leadership, Experience et Opportunity) sont des clubs service. On trouve deux types de clubs Leos: les Omega (18-32 ans) et les Alpha (12-18 ans). En Suisse, les premiers forment une nette majorité (un seul club sur les 16 recensés est de type alpha). «Mis à part les limites d’âge, nous n’avons pas une liste de critères définis pour devenir membre, souligne Alix d’Agostino, 22 ans, étudiante en sciences politiques et présidente du club lausannois. Nous souhaitons conserver une certaine diversité. Cependant, nous demandons aux membres en devenir d’être motivés et investis dans notre organisation et nos activités. Nous allons surtout juger une personne intéressée par sa manière d’agir et sa motivation, plutôt que par son CV.» Actuellement, le club dénombre 31 membres pour une centaine en Suisse romande.

Selon Alix d’Agostino, les clubs service peuvent grandement bénéficier des réseaux sociaux, principalement en termes de visibilité. «Des réseaux comme Facebook ou Instagram permettent aux clubs de partager leurs actions ou les associations qu’ils soutiennent. Cela peut donner envie aux followers d’aider à leur tour. Ils permettent aussi aux autres clubs du monde entier de nous trouver et de nous contacter. Grâce à ces plateformes, nous avons pu entrer en contact avec des clubs à Madagascar, en Turquie, en Italie ou en Israël et accueillir certains de leurs membres ou proposer des activités collectives.»

Concernant ses motivations, l’étudiante souligne que depuis son plus jeune âge ses parents lui ont expliqué «qu’avoir une famille, la possibilité de faire des études, d’être en bonne santé, d’avoir un repas chaud et un lit où dormir tous les soirs n’était pas donné à tout le monde et que, même en Suisse, de nombreux individus n’avaient pas cette chance». Dès qu’elle a su qu’il existait à Lausanne une organisation qui permettait d’aider ces personnes, elle l’a immédiatement rejoint. «Après avoir exercé plusieurs postes au sein du comité, la présidence me semblait une suite logique.»
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Une version de cet article est parue dans PME Magazine.