- Largeur.com - https://largeur.com -

Ne pas perdre de vue l’extrême droite autrichienne

La politique à suivre envers l’Autriche est un vrai casse-tête. Les nouvelles du week-end en témoignent. Je les donne en vrac. Après les manifestants anti-Haider, les intellectuels commencent à mollir, comme s’ils étaient de moins en moins convaincus de la portée de leur action.

Samedi, la manifestation prévue en clôture du festival de Salzbourg n’a pas fait de vagues. Elle aurait dû être un fort rassemblement de protestation contre la coalition gouvernementale entre les démo-chrétiens du chancelier Schüssel et les libéraux de Haider.

Par ailleurs, le journal Die Welt annonce que les trois sages désignés par l’Union Européenne pour enquêter sur le respect des droits de l’homme en Autriche vont rendre un verdict des plus positifs le 1er septembre. Ce n’est pas vraiment une surprise: on les avait désignés justement pour qu’ils sortent l’Union Européenne de l’ornière où la vivacité franco-belge l’avait jetée en février dernier.

Mais, plus intéressant, une correspondance de l’AFP signalait le samedi 26 août que des tensions apparaissent au sein de la coalition gouvernementale. Comme on pouvait s’y attendre de la part d’un opportuniste comme Haider, il trouve que les choses ne vont pas assez vite. Et vient de proposer l’instauration d’un impôt sur les «super-riches» de façon à ce que les «petits ne passent pas à la caisse».

Difficile d’être plus démagogue! Comme en plus il s’oppose à toute perspective d’élargissement à l’Est de l’Union européenne et qu’il estime que la charmante Benita Ferrero-Waldner, la ministre autrichienne des Affaires étrangères, n’a justement en matière étrangère que son charme à faire valoir, le mur de la coalition tend à se lézarder.

Ces petits faits de la vie politique quotidienne autrichienne me semblent paradoxalement relever de la grande politique. Et poser des questions de fond quant à l’avenir du continent, d’autant plus qu’en Italie, la probable arrivée aux affaires de Silvio Berlusconi, épaulé d’un côté par l’ex-fasciste Gianfranco Fini et de l’autre par le léguiste Umberto Bossi, va semer trouble et désarroi dans les bonnes consciences européennes.

Cette faiblesse et les dérapages qui en découlent tiennent d’une part au manque d’analyse politique et d’autre part à la faiblesse des adversaires de ces extrêmes droites triomphantes. Je suis convaincu que le populisme des Haider, Blocher et Bossi mérite une analyse plus fine que celle d’une résurgence du fascisme ordinaire.

Ce populisme correspond à un manque politique réel qui se manifeste notamment par la faiblesse des coalitions qui lui font face. En Autriche, les socialistes n’ont pas encore payé l’adition de leurs compromissions passées, non seulement en raison de leur cogestion du pouvoir avec les conservateurs, mais aussi pour n’avoir jamais procédé à un embryon d’autocritique sur le passé autrichien et ses accointances nazies.

En Suisse, la formule magique continuera de plus belle à faire le lit de Blocher. En Italie, l’échec historique de la gauche au pouvoir fait celui de Berlusconi, Fini et Bossi.

Pour se construire, l’Europe doit impérativement réapprendre les fonctionnements élémentaires du politique. Et cette démarche exige une dialectique vivante entre des pôles que tout oppose. Il faut en somme qu’un nouveau parti du mouvement s’insurge contre la mainmise des conservateurs sur les appareils et le pouvoir. A voir le peu d’envergure de la pensée politique actuelle, cela risque hélas de prendre du temps.