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Les hérétiques du réchauffement

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Pas facile d’être climatosceptique. Essayez pour voir. C’est la meilleure garantie de se retrouver aussitôt affublé d’un bonnet d’âne taille XXL. La religion se montre plus compatissante avec les athées militants que la science avec les hérétiques du réchauffement. Hors du GIEC, point de salut. Il faut être au moins bourrin comme Trump pour s’asseoir sur le catéchisme officiel.

Chez nous aussi pourtant de tels kamikazes existent, prêts à risquer le bûcher médiatique et la vindicte populaire. Sans surprise, les non-croyants du climat se recrutent essentiellement dans les rangs de l’UDC, comme l’a montré la ratification de l’accord de Paris par le Conseil national en mars, puis par le Conseil des États ces derniers jours.

Voyez Toni Brunner, l’ancien président de la phalange populiste, qui n’est pas agriculteur dans le Toggenburg pour rien. Il sent venir les vraies menaces, lui, avec le flair inégalable de l’homme de la terre, du fumier plein les bottes. Il comprend bien où tous ces accords, qu’ils soient de Paris ou d’ailleurs, vont nous conduire: dans un monde fou et effarant qui interdira «aux vaches de roter et de péter». On mesure l’ampleur du désastre.

Quant à la tête pensante Roger Köppel, il dégaine toute son érudition pour rappeler ce que personne ne devrait plus ignorer, même si cela n’apporte strictement rien au débat: les températures étaient encore plus élevées au temps de l’empire romain. Une manière éclatante de suggérer que le climatosceptique est loin d’être aussi bobet qu’il en a l’air.

L’UDC a d’autres munitions en poche. Le Neuchâtelois Raymond Clottu fait porter par exemple la responsabilité des dérèglements climatiques à la démographie galopante. Il y a décidément trop de gens sur terre, qui ne font que réchauffer cette pauvre planète. On était tellement mieux, c’est vrai, quand on était entre nous, bien à l’abri à l’intérieur de nos grottes, au joli temps de l’ère glaciaire.

Il y a mieux encore: le vrai scepticisme, le plus virulent en tout cas, est à chercher du côté de l’Argovien Andreas Glarner, qui laisse entendre que cette histoire de réchauffement climatique n’est rien que fadaise, foutaise, et faribole. A l’instar de cette mort des forêts annoncée dans les années 1980 et que Glarner n’a toujours pas digérée: «Une escroquerie à cause de laquelle on a limité la vitesse à 120 km/h sur nos autoroutes.» Le sadisme de la dictature environnementale ne connaît effectivement plus de bornes.

Voilà pour le National. Entre-temps, l’épouvantail Trump est passé par là. Du coup, le Conseil des Etats a fait profil bas et a voté à 39 voix contre 3 la ratification. Thank you, Donald.

N’empêche, on ne peut qu’être ébouriffé par l’audace de ces mécréants climatiques qui semblent ne pas connaître la peur. Qui se rient du très alarmant rapport «Coup de projecteur sur le climat suisse», rédigé par 75 climatologues. Lesquels prévoient toute une série de catastrophes prêtes à fondre sur nos lacs et pâturages immaculés: vagues de chaleur, intempéries, inondations, glissements de terrain, limite de la neige qui va monter de 500 à 700 mètres, manque d’eau, maladies des plantes, ou encore prolifération des espèces nuisibles et invasives.

L’UDC s’en tape. Peut-être parce qu’elle a développé un sentiment très aigu de l’unicité de la Suisse, de son caractère exceptionnel, qu’elle veut voir à l’œuvre partout, y compris dans les aléas climatiques. Quitte à parier encore une fois sur cette sorte de magie voulant que tout réussisse à ce minuscule territoire évidemment béni de Dieu.

Le plus beau, c’est qu’ils ont raison les climatosceptiques de l’UDC: la Suisse climatique se distingue brillamment. Si la température moyenne sur la planète a en effet augmenté de 0,85°C depuis 1864, chez nous la hausse est de 1,8°C. Quel que soit l’enjeu, rien à faire, on reste les meilleurs.