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A chacun sa croix

Les élections valaisannes qui virent au psychodrame familial et l’UDC qui invente la burqa de troisième génération: petit début d’année tranquille.

Évidemment, les principaux concernés par l’initiative sur la naturalisation facilitée — essentiellement des Italiens, Portugais et Espagnols de 3e génération — auront de la peine à se sentir visé par la fameuse affiche de l’UDC. A s’identifier à cette femme sévèrement et tout de noir bâchée. Mais la burqa sur nos murs, ça eut payé et il n’y a pas de raison que ça ne continue pas.

L’auteur du placard, le graphiste Alexander Segert, le dit très humblement: «Il vaut mieux que les gens se sentent gênés et aillent ensuite voter, plutôt qu’ils restent calmes mais ne se déplacent pas aux urnes.» Voilà donc un concept électoral tout à fait rafraîchissant: celui du citoyen gêné. Là où il y a de la gêne, il y aurait du vote. Cette vision de la démocratie peut mener loin, elle qui identifie à l’inverse la sérénité avec l’abstention.

On soutiendra, et beaucoup l’ont déjà soutenu, que cette burqa sans queue ni tête, c’est la porte ouverte à toutes les contre-vérités. La verte Adèle Thorens Goumaz s’indigne ainsi qu’en politique on puisse «simplement dire n’importe quoi», alors qu’il existe «un minimum de règles contre la publicité mensongère».

Certes. Mais le mensonge, la contre-vérité, le n’importe quoi, pourront rétorquer les graphistes fous de l’UDC, sont consubstantiels à la démocratie. Quand on veut supprimer le mensonge, le résultat que l’on obtient souvent, c’est de supprimer la publicité, toutes les dictatures le prouvent. Le fait qu’il n’existe probablement aucune résidente de troisième génération qui porte la burqa en Suisse ne change rien à l’affaire.

Il est rare d’autre part que la vérité vraie et nue convainque qui que ce soit. L’alliance d’un PDC valaisan pur jus, apparatchik de la plus belle eau, ancien député et président du Grand Conseil, avec Oskar le malabar de l’UDC, en apporte une nouvelle preuve.

La justification principale que donne de sa trahison le sieur Nicolas Voide, c’est en effet le droit de tous les démocrates-chrétiens valaisans à être représentés au gouvernement. Une partie ne le serait pas avec Christophe Darbellay, ces gens-là voyant en l’ancien président du PDC suisse un quasi homme de gauche. Christophe Darbellay de gauche! On comprend bien que face aux sentiments diffus, aux ambitions crasses, aux convictions subjectives, la simple, la pauvre réalité n’a aucune chance.

Ce Clochemerle valaisan a eu, en plus, le don d’irriter le successeur de Darbellay, Gerhard Pfister, qui entend donner une autre image du PDC. Finies les girouettes retorses, les maîtres du compromis aux petits oignons et du bricolage idéologique, capables d’inventer tous les jours l’eau tiède. Pfister rêve pour son parti d’une véritable identité.

On comprend qu’avec les querelles de sacristies de tous ces bons chrétiens, ce ne soit pas gagné. Pfister a cru finaud d’organiser pour la première fois une rencontre avec la presse le jour de l’Epiphanie, symbole qui ne mange pas de galette. Raté: le président du PS Christian Levrat s’est empressé de signaler que cela faisait des lustres que les socialos organisaient un apéro des Rois.

On en déduira que 2017 s’annonce, pour ne pas changer, comme une année politique où l’on s’enverra, bien plus que des idées, des gros symboles à la figure. A chacun sa croix, et aux autres la burqa.