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Taux de fécondité et guerre des sexes

Qu’on le veuille ou non, l’immigration contribue à une embellie légère mais bienvenue sur le front des naissances. Sans doute davantage que le congé maternité et le politiquement correct.

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N’importe quel UDC bas du front vous le dira: l’étranger est avant tout une source certaine d’ennuis et de tracas variés. Délinquance, trafics, fanatisme religieux, sexisme: tel est l’apport majeur de ces gens-là, ça ne se discute pas.

Quant à ceux un peu moins étrangers que d’autres, c’est-à-dire à peu près européens et qui ne s’adonnent à aucune des activités susmentionnées, c’est simple: ils ne pensent qu’à vous piquer votre boulot. N’ont-ils pas l’outrecuidance d’être mieux formés, plus mobiles et moins chers? Quelle déloyauté!

Bon d’accord: naturalisés, les uns comme les autres, cela finit par donner de nouveaux Suisses. Et qui font quoi? Des enfants. Plus que la moyenne. Les statistiques sont — comme l’est toujours n’importe quelle statistique — formelles: si le taux de fécondité des Suissesses est en hausse, certes légère, depuis une quinzaine d’années — de 1,22 en 2001 à 1,43 aujourd’hui –, l’immigration y est pour beaucoup.

Le démographe Philippe Wanner l’assure au quotidien Le Temps: «Dans les années 1990, il y a eu d’importants flux migratoires en provenance des Balkans où la culture traditionnelle et familiale est plus marquée qu’en Suisse. La hausse est certainement plus importante chez les Suissesses au cours des années 2000 en raison d’un phénomène de naturalisation progressif de cette population.»

On est encore bien sûr loin du taux de renouvellement des générations, fixé à 2,1 enfants par femme. Mais enfin, si les étrangers fraîchement naturalisés continuent de se reproduire à ce rythme, il n’y aura bientôt plus besoin de nouveaux étrangers pour assurer la pérennité de la valeureuse population suisse. L’immigration en somme bloquée par l’immigration. On attend les applaudissements de l’UDC.

Le même Philippe Wanner imagine qu’un autre critère puisse encore, dans un avenir plus ou moins proche, accentuer le phénomène nataliste. Et là, c’est nettement moins drôle: «Ce qui pourrait jouer un rôle, ce serait un retour à des valeurs familiales provoqué par une précarisation importante du marché du travail. Les femmes, déçues par le monde professionnel, pourraient choisir de rester à la maison pour s’occuper d’une famille. Les enfants deviennent alors une aide pour se sentir mieux.»

Certains employeurs semblent d’ailleurs vouloir apporter leur contribution à la fertilité des femmes suisses. Si l’on en croit la rumeur médiatique, les cas et témoignages de licenciements au retour d’un congé maternité se multiplient. Comme pour dire, «allez, fais-nous encore un petit, pour la route».

On pourra toujours, en attendant, continuer d’amusantes et bien entendu très stériles guerres des sexes. Comme celle qui enflamme les 20 km de Lausanne. Benoîtement, la municipalité avait soumis à approbation publique sur Facebook une série d’inscriptions à faire figurer sur les tee-shirts des participantes. Les propositions ont fait grincer moult dents. Et hurler au sexisme.

Rien n’était très fin, c’est vrai. «Courir Lausanne sans risquer ses talons», «Transpirer quelques gouttes me rend heureuse après une belle course», «Courir entre copines sans un homme sur les talons», «Courir avec ses copines dans le cœur de la capitale olympique».

Les répliques vengeresses sur les réseaux dits sociaux n’ont pas tardé, suggérant pour d’éventuels tee-shirts strictement masculins et non prévus par les organisateurs, les délicatesses suivantes: «Courir pour se débarrasser de son bide à bière», «Transpirer comme un bœuf pour donner du linge sale à ma copine», «Courir entre potes pour mieux choper des filles», «Courir virilement avec ses potes dans le cœur du chef-lieu vaudois».

Que dire, sinon que la platitude appelle comme souvent la platitude, avec un peu de vulgarité et de dépit en sus. Et que le détecteur à sexisme est désormais placé bien bas et devient très chatouilleux.