- Largeur.com - https://largeur.com -

Des pistes bio-inspirées pour soigner

requin_1.jpg

Il n’y a pas que les industriels qui s’inspirent de la nature. En médecine aussi, le biomimétisme permet de réaliser des avancées. Le requin, par exemple, est souvent pris comme modèle en raison de la structure de sa peau, aux propriétés anti-salissures et anti-turbulences. Mais pas seulement. Johannes Buchner, professeur de biotechnologie à la Technische Universität München, s’est intéressé à son système immunitaire.

Les anticorps médicaux sont, entre autres, utilisés pour le diagnostic et le traitement des cancers, mais ils sont vite dégradés par l’organisme. Pour y faire face, Johannes Buchner a recherché des anticorps robustes dans la nature. Il fallait trouver une espèce distante de l’homme, afin que son système immunitaire soit suffisamment distinct. «500 millions d’années nous séparent du requin et nous avons découvert que ses anticorps étaient très résistants», explique-t-il. Après l’identification des structures impliquées dans la robustesse des anticorps du squale, les chercheurs allemands ont réussi à modifier les anticorps humains à l’image des siens.

Pompes microscopiques

Jaap Den Toonder, professeur à l’Institut des systèmes moléculaires complexes de l’Université technique d’Eindhoven, s’active pour sa part à rechercher les équivalents naturels des moteurs ou autres pompes. Il les trouve dans les muscles et, à l’échelle moléculaire, dans les protéines motrices comme la dynéine: «Les protéines motrices assurent le mouvement des muscles, mais aussi de structures filiformes de quelques micromètres de long, appelées cils. Présents partout, ils jouent un rôle primordial pour la circulation des fluides (sang, urine, transpiration, etc.) chez les animaux et les végétaux.»

Le but du chercheur: s’inspirer de ces cils pour créer des «organs-on-chips», micropuces qui reproduisent l’anatomie et les fonctions des organes. Ils sont utilisés comme modèles expérimentaux ou pour l’analyse médicale. Le sang ou la sueur doivent typiquement pouvoir y circuler. «Nos appareils sont si petits que les débits doivent être contrôlés à l’échelle d’une dizaine de micromètres, indique Jaap Den Toonder. Les pompes actuelles ne sont pas assez précises.» Seuls les cils bio-inspirés semblent à même de réussir cette prouesse.
_______

ENCADRE

Les pionniers du biomimétisme

Bien avant l’invention du terme «biomimétisme» par le biophysicien américain Otto Schmitt en 1969, les scientifiques les plus créatifs s’inspiraient déjà de la nature.

1505 — Homme-oiseau
Léonard de Vinci a analysé le battement des ailes d’oiseau et tenté de les reproduire avec des ailes conçues pour l’homme. En vain, car son poids est disproportionné par rapport à la puissance de ses muscles.

1919 — Salière
Lorsque le vent souffle, la capsule du pavot libère ses graines uniformément sur le sol. Raoul Heinrich Francé, biologiste austro-hongrois, s’est inspiré de sa forme pour créer la salière parfaite. Mais cette dernière n’a jamais été commercialisée.

1934 — Œil-de-chat
Les yeux des félins réfléchissent la lumière dirigée sur eux la nuit. Une caractéristique qui a inspiré l’Anglais Percy Shaw pour mettre au point ce dispositif de sécurité routière prévenant les automobilistes de la présence d’obstacles sur la route.

1955 — Velcro
Connu sous le nom de la marque «Velcro», ce système de fermeture auto-agrippant conçu par l’ingénieur suisse George de Mestral est l’un des exemples les plus célèbres de biomimétisme. Le «scratch» imite la graine de grande bardane qui s’accroche à la fourrure et aux vêtements grâce à ses petits crochets élastiques.
_______

Une version de cet article est parue dans le magazine Technologist (no 10).

Pour souscrire un abonnement à Technologist au prix de CHF 45.- (42 euros) pour 8 numéros, rendez-vous sur technologist.eu.