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Les questions éthiques du partage de données

La transmission d’informations médicales permet de mieux cibler les traitements, mais n’est pas sans risque, comme l’explique Adam Molyneaux de Sophia Genetics.

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Sophia Genetics, une société lausannoise cofondée en 2011 par le biologiste moléculaire et entrepreneur Jurgi Camblong, a pour objectif de transformer les données brutes issues du séquençage ADN en éléments de diagnostic. A la clé: la possibilité de définir plus rapidement des traitements davantage personnalisés. L’entreprise travaille avec 160 hôpitaux dans 25 pays. Les établissements lui fournissent de nombreuses données brutes, qui permettent à son logiciel d’intelligence artificielle de mieux repérer les symptômes caractéristiques de maladies, héréditaires ou non. Le directeur des systèmes d’information, Adam Molyneaux, évoque les défis techniques et éthiques qui se posent.

Comment votre technologie est-elle utilisée pour établir des diagnostics?
Un médecin envoie des échantillons sanguins de patients à un laboratoire local, qui va extraire l’ADN et le passer dans un séquenceur. Les séquences génétiques nous sont ensuite envoyées via un lien sécurisé. Nous assemblons ces séquences et comparons les génomes obtenus avec un génome de référence d’une personne saine. Chaque différence détectée est susceptible d’indiquer une mutation pathogène.

Pourquoi les hôpitaux ne font-ils pas ces analyses eux-mêmes?
Chaque étape du processus de séquençage multiplie les risques d’erreur pouvant conduire à détecter de «fausses» mutations. Nous utilisons des réseaux neuronaux pour analyser les séquences génétiques et séparer le bon grain de l’ivraie. Cela fait gagner du temps aux médecins, qui ont cependant toujours le dernier mot quant au diagnostic.

Qu’apporte la mise en relation de nombreux hôpitaux?
Plus nous avons de données, plus les prévisions du réseau neuronal seront précises. Dès qu’un médecin confirme qu’une caractéristique que nous avons signalée est pathogène, nous entrons cette donnée dans le réseau pour en améliorer les performances. Chaque diagnostic est donc bénéfique à tous nos clients même s’ils n’ont pas accès à ces données.

Comment assurez-vous la confidentialité des données?
Nous suivons les instructions des hôpitaux (par exemple conserver ou détruire les données). Nous ne pouvons ni les diffuser ni les vendre, et les hôpitaux anonymisent les données en remplaçant le nom des patients par un numéro.

Quels problèmes posent les découvertes fortuites?
En testant un patient pour le cancer du côlon, nous pouvons par exemple détecter une prédisposition à la maladie d’Alzheimer. Dans ce cas, le médecin devrait-il avoir accès à ces données? Si oui, le patient devrait-il en être informé? Les données génétiques peuvent aussi permettre d’identifier les parents biologiques d’un enfant.

Ces problématiques sont-elles d’ordre technologique ou éthique?
Nous collaborons actuellement avec un professeur de cryptographie afin de masquer certaines parties du génome pour éviter la fuite de découvertes fortuites. Mais le rôle de la technologie s’arrête là. Le cas de l’identification de parents biologiques doit par exemple être considéré d’un point de vue éthique. En Europe, la législation protège la confidentialité des données des patients.
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Une version de cet article est parue dans le magazine Technologist (no 10).

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