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Une Suisse sans burqas ni mendiants

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Pour un parti qui n’a à la bouche que les beaux mots d’indépendance et de liberté, il est tout de même curieux de passer son temps à distribuer interdictions et fatwas. Libre bien sûr à l’UDC de n’aimer ni les mendiants ni les femmes voilées. De multiplier les initiatives populaires ou parlementaires visant à faire disparaître de nos rues sébiles et burqas.

Qu’importe après tout si ces fameuses burqas se comptent en Suisse sur les doigts de pied d’un serpent. C’est d’ailleurs à peu près le seul argument crédible — la rareté — que les adversaires de l’interdiction ont pu mettre en avant lors du débat qui s’est déroulé au Conseil national.

On peut néanmoins s’interroger sur la tactique de l’UDC: déposer une initiative parlementaire doublant l’initiative populaire en cours de récolte de signatures. La seule explication que l’on peut voir derrière ce déploiement d’alerte à la burqa, c’est que brandir le chiffon de l’islam est une des recettes électorales les plus prometteuses par les drôles de temps qui courent, ou plutôt qui rampent.

L’UDC donc soutient qu’interdire la burqa serait une question d’ordre public et de civilisation. Que le visage découvert serait la marque de notre infinie supériorité sur le reste de peuplades forcément barbares. Bref, des arguments à peu près aussi fantasmagoriques que ceux invoqués pour défendre cette même burqa — le respect de la diversité et de l’altérité, et des traditions qui vont avec, même quand on pourrait les trouver un peu puantes.

On voit ainsi que la burqa et plus largement, l’islam sont en train de devenir de simples marqueurs idéologiques, permettant d’éviter les vraies questions — la prévention du terrorisme, l’intégration d’une population étrangère appelée à devenir chaque année plus importante. Islamophobes et islamophiles ont visiblement des surplus de salive à expectorer. Grand bien leur fasse.

S’agissant des mendiants, désormais interdits d’exercice dans le canton de Vaud après une initiative parlementaire au Grand-Conseil, signée évidemment UDC, on comprend encore moins. Sauf, comme le député radical Cachin, à brandir des justifications à ras le trottoir: «Marre d’être harcelés par de nombreux mendiants». C’est vrai ça, ils sont insupportables ces gugusses assis par terre et qui vous disent sans arrêt bonjour. Les citoyens non mendiants n’en peuvent plus: la moindre des choses est de respecter leurs nerfs qu’ils ont semble-t-il plutôt fragiles.

Ouste donc les mendiants. Le député socialiste et pasteur Schwab peut bien citer la Bible — «Tu ouvriras ta main à ton frère, au pauvre et à l’indigent». Les tartuffes UDC et radicaux invoquent alors les réseaux mafieux, les clans qui seraient derrière la mendicité, notamment lausannoise.

A ce compte-là, on peut aussi bien interdire tout alcool parce qu’il existe des ivrognes, tous les établissements bancaires parce qu’il y a des banquiers véreux. C’est encore le pasteur Schwab qui remet l’église où elle doit être, avec cette évidence: «La mendicité est congénitale de l’humanité. Depuis qu’il y a des hommes, il y a des mendiants. Le droit à la mendicité est le corollaire du droit à la propriété individuelle.» Aussi simple que ça.

La mauvaise foi sur ce coup des UDC et radicaux est d’ailleurs démontrée par leur indifférence au contre-projet du conseil d’État. Lequel ne prônait aucune interdiction mais entendait encadrer la mendicité, punissant justement le recours aux enfants et les pratiques en réseau.

Il est tout de même assez confondant que l’on puisse sans rire et surtout sans honte proposer que les policiers soient autorisés à puiser directement dans les sébiles une avance sur les amendes pour mendicité. Difficile de faire pire, de mettre autant de mépris dans le traitement de la misère, d’étaler avec autant de grossièreté sa morgue de nantis.