Toujours plus fermés, parfois payants et souvent suivis par des étudiants déjà hautement diplômés… Les «cours en ligne ouverts et massifs» sont accusés d’avoir échoué à démocratiser l’enseignement.
Le chiffre impressionne: entre 2011 et 2015, 35 millions de personnes ont suivi des Moocs proposés par plus de 500 universités dans le monde, selon la plateforme d’éducation numérique Class Central. De quoi justifier leur appellation de «Massive Open Online Courses» («cours en ligne ouverts et massifs» en français), qui étaient censés démocratiser l’enseignement supérieur?
Certains considèrent que les Moocs ont failli à leur mission. «Plusieurs études montrent que ces cours sont principalement fréquentés par des personnes éduquées et de niveau Bac+5 environ», relève Marc Trestini, enseignant-chercheur à l’Université de Strasbourg et spécialiste des environnements numériques d’apprentissage.
Le constat se vérifie à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), pionnière européenne du Mooc avec une offre remontant à 2012 déjà: 72% des participants à la cinquantaine d’enseignements numériques que l’institution propose détiennent un titre universitaire. «Les cours fournis par des universités comme la nôtre sont difficiles pour celui qui ne possède pas les prérequis», justifie Pierre Dillenbourg, responsable du projet «Mooc» à l’EPFL.
Les prérequis ne se limitent pas à des connaissances théoriques, à entendre Marc Trestini: «Pour suivre un Mooc, il faut déjà savoir de quoi il s’agit et disposer du temps nécessaire. Il faut aussi avoir acquis des stratégies d’apprentissage et être à même de les mobiliser.» La formation reste donc un privilège que les cours en ligne ne sont pas en mesure d’abolir complètement. Etait-il alors utopique de parler de démocratisation de l’enseignement? Pas selon Pierre Dillenbourg: «La démocratisation suppose un accès généralisé, pas une garantie de réussite.»
Modèles toujours à trouver
Les modèles économiques imaginés par les grands fournisseurs de cours en ligne, tels que Coursera ou edX, tentent de faire perdurer l’accès généralisé aux Moocs: les modules restent gratuits, mais les certifications deviennent payantes. Un concept qui convainc l’EPFL: «Nous offrons des enseignements qui fournissent des compétences utiles sur le marché de l’emploi et pour lesquelles les étudiants sont d’accord de payer un certificat. Nous devons miser sur ce qu’ils rapportent pour continuer à proposer le reste gratuitement», explique Pierre Dillenbourg.
Depuis peu, l’Open University et l’Université de Leeds, au Royaume-Uni, permettent aux étudiants d’obtenir une partie de leur diplôme en effectuant des Moocs. Les écoles partenaires de la plateforme allemande Iversity ont aussi l’opportunité de délivrer des crédits. Mais là encore, il faut mettre la main au porte-monnaie pour obtenir une validation.
Parallèlement au modèle économique, c’est aussi le modèle pédagogique qui se cherche. On distinguait surtout jusqu’à présent le xMooc, avec un professeur qui enseigne une matière à des élèves, et le cMooc, qui consiste en une co-construction du savoir entre internautes. On parle désormais beaucoup de Spocs, pour «Small Private Online Courses» («petits cours privés en ligne»), réservés à une sélection restreinte d’utilisateurs bénéficiant d’un meilleur encadrement.
Diversification
Pour Marc Trestini, les cours en ligne adopteront des approches plus dirigées à l’avenir, «car les internautes ont besoin de structure». Mais l’enseignant-chercheur strasbourgeois a une crainte: «A force de trop vouloir contraindre le Mooc, on risque de le dénaturer. Les Spocs sont des Moocs dont on a réduit l’effectif: ils retournent aux formes classiques de l’éducation à distance, alors que les Moocs promettaient quelque chose de différent.»
L’EPFL, de son côté, mise sur la diversification. En plus des Moocs très académiques ou de ceux tournés spécifiquement vers les universités africaines, l’institution lausannoise a récemment mis en place un programme dédié à la formation continue.
Les Moocs «n’ont pas changé le monde», concède Pierre Dillenbourg. Mais le responsable insiste sur les aspects positifs: «Des apprenants de 186 pays ont pu suivre des enseignements de l’EPFL. Les Moocs permettent aussi aux professeurs d’explorer d’autres approches pédagogiques et de trouver des exemples utiles à leurs cours.»
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Une version de cet article est parue dans le magazine Technologist (no 10).
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