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Stop au mal de dos

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Parmi les nombreuses condamnations infligées aux héros de la mythologie grecque, celle imposée au géant Atlas fait certainement partie des plus contraignantes: pour le punir de l’avoir affronté, Zeus l’oblige à porter, pour l’éternité, la Terre sur son dos. Maigre consolation pour le malheureux Titan: son histoire a inspiré les pères de l’anatomie, qui décident de baptiser «atlas» la première vertèbre cervicale, celle qui supporte le poids — et permet les mouvements — de la tête.

Ce petit os repose au sommet d’un empilement de 24 vertèbres, articulées les unes aux autres. Toutes forment la colonne vertébrale, une pièce capitale du squelette: cette structure, d’une extrême sophis­tication, sert de «mât central» à chaque corps humain. C’est sur elle que s’attachent tous les muscles dorsaux, permettant ainsi au tronc de se mouvoir et à l’ensemble du corps de se dresser.

«Le mécanisme de la colonne vertébrale et des structures qui l’entourent est aujourd’hui bien compris, explique Viktor Bartanusz, responsable de la nouvelle Unité de chirurgie spinale du CHUV. En revanche, de nombreux mystères persistent quant aux souffrances qu’elle provoque. Certaines anomalies de la colonne vertébrale provoquent de violentes douleurs chez certaines personnes, mais seront totalement asymptomatiques chez d’autres. Encore plus énigmatique: des patients se plaignent de mal de dos pendant des années, mais ne présentent aucune lésion organique. Cela vient-il des os? Des muscles? Des disques? Des ligaments? Diverses pistes sont étudiées pour soulager ces douleurs dites «non spécifiques», telles que la prédisposition génétique ou l’exposition aux vibrations sur le lieu de travail.»

Dans les pays industrialisés, 80% de la population consulte un médecin au moins une fois dans sa vie pour une douleur affectant le bas du dos (lombalgie), le centre du dos (dorsalgie) ou la nuque (cervicalgie). 85% de ces douleurs ne sont pas liées à une lésion spécifique ou à une maladie, selon la Ligue suisse contre le rhumatisme.

Les coûts engendrés reflètent l’ampleur du phénomène: en Suisse, selon l’Office fédéral de la statistique, les lombalgies seules représentent entre 1,6 et 2,3% du PIB helvétique, ce qui équivaut à 10 milliards de francs suisses environ pour l’année 2005. Cette somme inclut les coûts directs engendrés par les soins, et les coûts indirects, dus aux arrêts de travail.

«Ce sont les derniers chiffres officiels, précise Iohn Norberg, du Service de rhumatologie du CHUV. Mais le pourcentage reste le même aujourd’hui, on se rapproche donc des 14 milliards.» Les mesures se multiplient pour faire baisser ces chiffres. «Il nous faut aujourd’hui mettre en place des solutions, pour des raisons économiques bien sûr, mais aussi pour permettre à de nombreuses personnes de retrouver une vie active, sociale et professionnelle, estime le rhumatologue. Pour y parvenir, les patients doivent prendre soin de leur dos (voir point 1 ci-dessous) et les professionnels de la santé doivent adapter leur pratique en ne prodiguant que les soins réellement utiles et bénéfiques sur le long terme.»

1. BOUGER SOIGNE

L’importance d’un dos tonique

Depuis quelques années, un changement majeur a révolutionné la prise en charge des personnes souffrant de mal de dos chronique, sans lésion. Fini le repos forcé, l’activité physique est fortement conseillée. «Toutes les personnes ne manifestant pas de traumatisme évident, comme une fracture ou une tumeur, doivent absolument bouger et utiliser leur dos, insiste Iohn Norberg. En cas de douleur aiguë, l’immobilité ne doit pas excéder trois semaines.»

Pendant longtemps, les médecins ont fortement recommandé de ne pas faire de sport et de ne pas porter de charge. Conséquence de l’inactivité: les muscles se déconditionnent, s’affaiblissent. «De multiples études ont démontré l’efficacité de l’activité physique, poursuit le spécialiste. En renforçant les muscles dorsaux, la colonne vertébrale est beaucoup mieux soutenue.»

L’exercice est donc un excellent moyen de soulager une douleur dorsale, mais aussi de la prévenir, assure une étude publiée en janvier 2016 dans le Journal of The American Medical Association (JAMA). Quel sport choisir? «Chaque personne doit choisir l’activité qui lui plaît et lui convient, conseille Iohn Norberg. Avec Stéphane Genevay, un confrère rhumatologue des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), nous avons participé au développement du site ordinare cialis online. En quelques clics, l’internaute découvre plusieurs propositions adaptées à ses envies et capacités.»

Une vraie phobie

Mais il ne s’agit pas que d’une histoire de muscles. Guillaume Finti, physiothérapeute-répondant au sein de l’Unité de réhabilitation du rachis du CHUV, reçoit quotidiennement des patients atteints de «kinésiophobie» (la peur du mouvement). «Certaines personnes s’empêchent de bouger trop longtemps à la suite d’une douleur aiguë. Elles finissent même par avoir peur de bouger. C’est malheureusement ainsi qu’une douleur aiguë risque de devenir chronique. Notre mission aujourd’hui est d’aider toutes ces personnes à dépasser leur crainte.»

Au sein d’une équipe composée d’ergothérapeutes, de psychologues et de rhumatologues, le physiothérapeute aide les «kinésiophobes» à surmonter leur peur. «Nous proposons une prise en charge sur trois semaines, explique-t-il. Pendant 35 heures hebdomadaires, les patients font des activités physiques en groupe et individuellement; ils reçoivent soins et conseils des spécialistes qui les entourent. Dans la grande majorité des cas, nous parvenons à leur redonner confiance en leurs capacités, ce qui leur permettra progressivement de bouger à nouveau, de ressentir la douleur différemment, et de reprendre une activité professionnelle.»

«Ce type de prise en charge est proposé depuis plusieurs années, précise Iohn Norberg. Il faudrait à présent que le modèle se généralise et que tous les médecins, aussi bien dans le public que le privé, encouragent les patients à bouger dans leur quotidien. C’est certes bien moins rentable que des infiltrations ou autres soins à répétition, mais l’activité physique reste sans aucun doute le meilleur remède sur le long terme.

2. LES PROGRÈS DE LA CHIRURGIE

Moins, mais mieux

Un nouvel état d’esprit émerge également vis-à-vis de la chirurgie du dos: il faut opérer uniquement si la cause anatomique de la douleur est précisément identifiée et curable par un acte chirurgical. La Société suisse de médecine interne conseille d’ailleurs, dans sa campagne «Smarter medicine» lancée en 2014 et qui vise à limiter les interventions inutiles, de ne plus effectuer de bilan radiologique chez les patients souffrant de douleurs lombaires depuis moins de six semaines, en l’absence d’autres signes alarmants (lire notre dossier sur le mouvement «Less is more» sur orange colored cialis).

«Toute imagerie d’une structure si complexe peut mettre en évidence une petite anomalie bénigne, constate Iohn Norberg. Est-elle la cause de la douleur? Souvent, on n’en sait rien! Le patient risque de se focaliser sur celle-ci, alors qu’avec un peu de patience et d’activité physique, la douleur partira d’elle-même.»

«Des gens souffrent tellement qu’ils nous demandent de les opérer, même s’ils ne présentent aucune pathologie sérieuse, ajoute le neurochirurgien Viktor Bartanusz. En tant que spécialistes, il nous faut juger, en évaluant les examens préalablement effectués, si l’opération sera bénéfique ou pas. Si l’intervention chirurgicale n’apporte rien, ou risque d’amplifier la douleur, nous devons être capables de dire non. Parmi les personnes souffrant de douleurs dorsales, seules 10% ont réellement besoin d’être opérées.»

Cette approche n’est toutefois pas encore systématiquement appliquée sur le terrain par les professionnels, ni suffisamment considérée par les chercheurs. Viktor Bartanusz cite une étude réalisée par le Département de neurochirurgie de l’Université du Texas, publiée en 2013 dans The Spine Journal, une revue américaine consacrée à la colonne vertébrale. «Elle démontre que, entre 1993 et 2012, le nombre de recherches portant sur le choix du matériel chirurgical est beaucoup plus élevé que le nombre d’études questionnant la justesse de l’indication opératoire pour le mal de dos», regrette le spécialiste.

Plus fine, plus fiable

Face à certaines lésions organiques évidentes, telles qu’une tumeur ou une fracture, une intervention chirurgicale a toutefois de fortes chances d’améliorer l’état de santé du patient. «Les progrès techniques réalisés ces dernières années sont énormes, se réjouit Viktor Bartanusz. Grâce à la miniaturisation des instruments et à l’évolution de l’imagerie, toujours plus précise, nous pouvons pratiquer une chirurgie beaucoup plus fine et optimale. Statistiquement parlant, il est actuellement bien plus fiable de se faire opérer d’une hernie discale que de conduire sur l’autoroute.»

D’ici à une dizaine d’années, Viktor Bartanusz prévoit une nouvelle évolution: «Les chirurgiens orthopédiques travailleront conjointement avec les neurochirurgiens sur les pathologies de la colonne vertébrale. A l’avenir, ces deux spécialités fusionneront. Cela permettra certainement d’améliorer encore la qualité de nos interventions.»

L’arrivée de la robotique

Les chirurgiens du dos bénéficieront à l’avenir de plus en plus de l’aide de robots. En décembre 2015, au Centre universitaire d’Amiens-Picardie (France), une hernie discale a été opérée pour la première fois en utilisant une plateforme technologique développée par l’entreprise française Medtech. Baptisée «Rosa Spine», la machine, équipée d’un bras articulé, vise à sécuriser et stabiliser l’acte du chirurgien.

L’entreprise lausannoise KB Medical prépare aussi la commercialisation de son robot AQrate, spécialisé dans la chirurgie du rachis. «Nous négocions actuellement avec de grands groupes de distribution, notamment en Allemagne et aux Etats-Unis, explique Jean-Marc Wismer, le CEO. La chirurgie mini-invasive réalisée grâce à un système robotisé permet d’effectuer des incisions plus petites et plus précises. Elle offre ainsi au patient une convalescence plus rapide. Globalement, les risques pouvant apparaître durant la chirurgie sont réduits.»

3. DES INNOVATIONS HIGH-TECH

T-shirts intelligents et pacemakers dorsaux

Le «marché du mal de dos», dont les potentiels clients sont donc nombreux, éveille aussi l’innovation du côté des start-up, qui se lancent dans le développement de dispositifs qui promettent de soulager les souffrances. Parmi elles, cialis prescription canada, basée à Paris, a beaucoup fait parler d’elle en développant un t-shirt composé de capteurs qui corrige les mauvaises positions. Telle une seconde peau en fibres légères, le vêtement stimule son porteur lorsqu’il se tient mal et l’invite à corriger sa posture grâce à un système de tenseurs intégrés dans le tissu, le long de la colonne vertébrale, au niveau des épaules et du thorax. «Nous souhaitons écouler 10’000 pièces en 2016 pour un chiffre d’affaires d’environ 1 million d’euros», détaillent Quentin Perraudeau et Alexis Ucko, les deux jeunes ingénieurs à l’origine du projet.

L’objectif semble réalisable tant l’intérêt pour le t-shirt de Percko, vendu 129 euros pièce sur internet et divers points de vente, a été immédiat: fin 2015, la start-up a levé plus de 385’000 euros sur la plateforme de crowdfunding Kickstarter auprès de 3’325 contributeurs. Parmi eux se trouvent une dizaine d’entreprises qui voient le produit comme un accessoire utile au bien-être de leurs salariés.

La posture des employés, immobiles pendant de longues heures face à un écran, est souvent désignée comme l’une des causes principales des maux de dos. «En position assise, la tension augmente dans les muscles profonds de la colonne vertébrale et charge notamment les disques intervertébraux», confirme le posturologue Olivier Girard, chef du pôle des services et ergonome à l’Institut universitaire romand de santé au travail (IST), à Epalinges. Pour le spécialiste, adopter une position confortable et ergonomique est donc primordial. «Ce n’est pas suffisant pour protéger son dos, ajoute-t-il. Après 30 à 40 minutes, il est nécessaire de changer de posture. Cela n’exige pas de s’arrêter de travailler: pensez à téléphoner debout, à imprimer un document sur une machine située à quelques mètres de votre bureau, ou allez voir vos collègues proches plutôt que de leur écrire un e-mail ou de leur téléphoner.»

Un autre dispositif, développé par la société cotée irlandaise Mainstay Medical, est aussi supposé pouvoir soulager les douleurs. Il s’appelle ReActiv8 et fonctionne comme une sorte de pacemaker: deux électrodes sont posées de chaque côté de la colonne vertébrale d’une personne souffrant de lombalgie chronique, et sont reliées à un implant qui génère de petites impulsions électriques pour stimuler les nerfs responsables de la contraction des principaux muscles stabilisateurs du bas du dos. En février 2016, l’entreprise a annoncé des résultats positifs de ses essais cliniques et prévoit d’initier prochainement la phase de commercialisation.

«Si ces innovations soulagent les patients, tant mieux, note le rhumatologe Iohn Norberg. Mais il ne faut pas se reposer sur ces dispositifs et oublier le conseil de prévention et de guérison le plus naturel et le plus efficace: bougez!»
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REPÈRES

80%
Le pourcentage de la population suisse qui souffre entre une fois par an et plusieurs fois par semaine de douleurs du dos.
1,4
En million, le nombre de Suisses incapables de travailler pendant plusieurs jours ou semaines, à cause de douleurs lombaires, sur une année.
10
En millions, le nombre de jours d’incapacité de travail, sur un an, dus aux douleurs dorsales, parmi la population suisse.
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TEMOIGNAGE

«J’ai fait la paix avec mon dos»
Chloé Buchmann Sanroma a décidé de se remettre au sport: pendant 25 ans, elle ne s’était autorisée qu’un peu de danse, pensant ainsi épargner son dos, atteint d’une scoliose depuis l’adolescence.

Le quotidien de Chloé Buchmann Sanroma a drastiquement changé ces derniers temps: «Je me suis mise à la course à pied, au fitness et j’ai même repris le ski, raconte cette mère de famille de presque 40 ans. Jamais je n’aurais pensé pouvoir en faire autant.» A l’adolescence, les médecins sont formels: la jeune femme, atteinte d’une scoliose (malformation de la colonne vertébrale), doit éviter toute activité physique intense. «J’ai porté un corset pendant deux ans, ce qui a permis à ma scoliose de ne pas s’aggraver, se souvient-elle. Malgré tout, seule la natation m’était recommandée… Tout au long de mes études secondaires supérieures, un certificat médical m’interdisait d’assister au cours de gym avec mes camarades.» Pendant plus d’une vingtaine d’années, la jeune femme vit ainsi, accordant une place importante à son mal de dos dans son quotidien. «J’ai pris cela comme une fatalité avec laquelle je devais vivre. Il n’y a pas un jour où je ne me répétais pas que j’avais mal au dos. Comme une sorte de routine, que j’avais inscrite dans mon esprit.»

Chloé Buchmann Sanroma tente plusieurs méthodes pour soulager sa lombalgie chronique. «J’ai suivi les conseils d’un grand nombre d’écoles du dos, multiplié les exercices de physiothérapie, entraîné les bonnes postures d’ergothérapie et enchaîné les séances d’ostéopathie. Je n’ai jamais arrêté de consulter mon médecin orthopédiste, qui me prescrivait chaque année des anti-inflammatoires. Rien n’a vraiment changé.»

Jusqu’en 2013. «J’en avais marre! Je ne me voyais pas vivre avec cette douleur toute ma vie! J’ai dit à mon nouveau médecin que je souhaitais être opérée. C’est à ce moment-là que j’ai découvert un tout nouveau discours, qui remettait en question les certitudes avec lesquelles j’avais vécu pendant des années: je devais réactiver mes muscles, arrêter d’épargner mon dos et ne plus craindre d’avoir mal.»

C’est ainsi qu’en 2015, elle suit trois semaines de rééducation au sein de l’Unité de réhabilitation du rachis au CHUV. «La prise en charge est très intense, explique Chloé Buchmann Sanroma. A hauteur de 35 heures hebdomadaires, j’ai fait du renforcement, de l’aqua gym, du cardio-vasculaire et de la musculation à un rythme soutenu! Ce fut une révélation, un véritable électrochoc: j’étais absolument capable de faire tout cela!» Sa douleur a-t-elle totalement disparu? «Je l’appréhende de manière complètement différente, explique-t-elle. Aujourd’hui dès que je souffre, j’enfile ma tenue de sport et je vais courir! Cela chauffe mes muscles, et je ressens moins d’inconfort. Je suis extrêmement motivée à poursuivre ces efforts et ravie d’avoir finalement réussi à faire la paix avec mon dos.»
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INTERVIEW

«Il y a beaucoup de fausses croyances»
Liliana Belgrand insiste sur l’importance d’une approche bio-psycho-sociale.
Pendant vingt ans, la spécialiste a suivi des patients souffrant de douleurs lombaires chroniques.

Quelles sont les causes du mal de dos?
Outre l’usure des structures anatomiques due à l’âge ou à l’apparition d’une lésion à la suite d’un accident par exemple, plusieurs facteurs peuvent créer des douleurs. Une mauvaise position maintenue trop longtemps ou un faux mouvement peut créer l’inflammation d’un muscle, qui devient douloureux. On parle alors de «douleur aiguë» qui, avec un peu de repos et des anti-inflam­matoires, se résorbe en quelques jours. Il faut surtout éviter que celle-ci ne se transformeen douleur chronique.

Comment cela peut-il donc se produire?
Toutes les douleurs affectent le fonctionnement physique et mental; elles peuvent y laisser des traces, certaines plus profondément que d’autres. Lorsqu’un patient se trouve dans une situation familiale compliquée, il peut se laisser envahir par cette douleur et lui accorder progressivement une place importante dans ses pensées. S’il en perd le contrôle, il risque de modifier sa perception et de rendre celle-ci chronique. Il y a beaucoup de fausses croyances autour du mal de dos, notamment le fait que toute douleur correspond à une lésion et que la douleur est proportionnelle à celle-ci. Et aussi, qu’une douleur persistante signale quelque chose de grave.

S’agit-il donc de «douleurs imaginaires»?
Non, les souffrances sont bien présentes. Le traitement ne doit simplement pas se limiter à la lésion organique que l’on soigne à l’aide de médicaments ou d’une chirurgie. Aujourd’hui, on prône une approche «bio-psycho-sociale», c’est-à-dire que l’on considère aussi le psychique ainsi que le contexte social dans lequel vit le patient. Une personne qui souffre depuis des années se sent très souvent déprimée, dort mal… Son état de santé en pâtit, ce qui peut finir par l’isoler tant socialement que professionnellement. Avant même la prescription d’une radiologie, il est important de questionner un patient sur sa vie familiale et sociale. D’où la nécessité d’une prise en charge multidisciplinaire pour optimiser les résultats face à une douleur si complexe.
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Les ennemis du dos

Le temps
Dès l’adolescence, les structures de la colonne vertébrale commencent progressivement à s’user. On parle de «dégénérescence discale» lorsque les disques intervertébraux manifestent des signes d’usure évidents. Ces fines structures cartilagineuses jouent un rôle capital: elles permettent l’amortissement des chocs. Avec le temps, les disques se déshydratent, perdent leur élasticité et leur résistance à la pression. Ils deviennent naturellement moins souples et plus cassants. En cas de rupture, un disque peut compresser une racine nerveuse. Il s’agit alors d’une hernie discale, qui, si elle s’enflamme, peut devenir douloureuse.

Le stress
Une étude de l’Institut de sécurité et santé au travail (IRSST) au Canada établit un lien direct entre mal de dos et stress professionnel. Sous pression constante, les muscles, notamment ceux des épaules et de la nuque, ne parviennent pas à se décontracter, accumulent les toxines et deviennent douloureux. D’autres émotions négatives, telles que l’anxiété et la tension nerveuse, sont aussi responsables de la chronicisation d’une douleur. L’expression française «En avoir plein le dos», qui remonte au début du XIXe siècle, fait allusion au grand nombre de responsabilités ou de tâches qui repose sur le dos d’une personne et qui s’exclame donc «en avoir marre».
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Le syndrome des accros du sms
Près de deux heures et 30 minutes par jour: c’est le temps que passe en moyenne chaque individu sur son smartphone, selon la société d’études américaine Millward Brown. Si, pendant ce laps de temps, l’usager prend du plaisir à écrire des SMS ou à surfer sur son blog préféré, la nuque, elle, souffre en silence. Une étude récemment publiée dans la revue spécialisée «Surgical Technology International» explique en effet que lorsqu’un individu penche la tête en avant — la position habituelle pour consulter un téléphone portable — la pression exercée sur ses cervicales augmente. L’auteur de l’étude, le chirurgien du dos américain Kenneth Hansraj précise que plus l’inclinaison est importante, plus la charge est lourde.

«La tête d’un adulte pèse en moyenne 4,5 à 5,5 kg, écrit-il. En position droite, ce poids est naturellement réparti et supporté par la colonne vertébrale. Mais une légère inclinaison de la tête de 15° vers l’avant suffit à faire plus que doubler la masse qui pèse sur les cervicales, soit plus de 12 kg. Penchée à 30°, la tête pèsera l’équivalent de 18 kg; à 45°, elle pèsera 22 kg et à 60°, près de 30 kg sont atteints…» A cause de cette surcharge, de nombreux accros du smartphone se plaignent de douleurs dans la nuque. Ce phénomène, qui prend de l’ampleur, a été baptisé «le syndrome du text-neck». Les médecins sont formels: il faut éviter d’incliner la tête pendant de longues minutes, et faire en sorte d’avoir les oreilles alignées avec les épaules, lorsque l’on utilise un smartphone.
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Une version de cet article est parue dans In Vivo magazine (no 8).

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