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Kudelski étend sa toile dans la cybersécurité

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Que de chemin parcouru depuis 1951! Cette année-là, Stefan Kudelski lançait le premier enregistreur audio portable, le Nagra I. Aujourd’hui, son entreprise compte plus de 3400 employés, dont presque 800 en Suisse. Son cœur de métier s’est déplacé vers la protection de contenus destinés à la télévision numérique et sur internet, d’une part, et les systèmes de contrôle d’accès physique, d’autre part. Après plusieurs années difficiles, le spécialiste romand en codages a serré les boulons et développé ses affaires hors Europe. Ce qui lui a permis, malgré le franc fort, de dégager un chiffre d’affaires de 425 millions de francs au premier semestre 2015, en hausse de 6,25% par rapport à l’année précédente.

Depuis 2012, une nouvelle initiative, appelée à prendre une place grandissante, est venue s’ajouter aux activités du groupe de Cheseaux-sur-Lausanne: la cybersécurité. Kudelski a une ambition mondiale pour la division dédiée. La filiale, qui emploie 150 personnes, dégage un chiffre d’affaires d’environ 10 millions de francs par an et vise un flux de revenus supérieur à 50 millions, selon une estimation du courtier Baader Helvea. Pour diriger la division, le groupe a fait appel à Rich Fennessy, qui affiche plus de 28 ans d’expérience dans la direction d’entreprises technologiques. Sa nomination vient d’être annoncée, en même temps que la création d’un site dédié à la cybersécurité à Phoenix (Arizona).

Menaces cybernétiques

Sur le site de Cheseaux, une quinzaine de spécialistes œuvrent déjà 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 au sein du Cyber Fusion Center. Une cellule bardée d’écrans chargée de veiller simultanément à la sécurité de plusieurs clients, parmi lesquels des gouvernements, des administrations cantonales, des grandes banques et des assureurs. Kudelski collabore par exemple avec Zurich et Allianz dans le domaine des assurances de cybersécurité.

«Nous ne sommes plus dans la sécurité informatique traditionnelle, lorsque de simples antivirus ou firewall pouvaient protéger le réseau d’une entreprise, note Christophe Nicolas, senior vice-président et fondateur de Kudelski Security. Il s’agit aujourd’hui de gérer la menace plus que de prévenir une attaque, nous devons la détecter sur différents supports, la contenir et y remédier le plus rapidement possible. On parle de gestion dynamique du risque.» Dans ce registre, l’avantage d’un groupe comme Kudelski réside dans sa longue expérience en matière de sécurité, mais aussi dans ses capacités à gérer des systèmes complexes et d’analyses big data ainsi que dans son accès aux données des menaces cybernétiques (threat intelligence sources).

Pour l’heure, la division est en phase d’investissement: elle n’est donc pas encore rentable. L’entreprise cherche à se faire une place dans ce secteur en plein boom, ce qui implique des efforts considérables, notamment en termes d’effectifs. A-t-elle pris le train de la cybersécurité suffisamment tôt? Oui, estime le CFO du groupe Mauro Saladini: «Nous avons constaté que les mêmes technologies, les mêmes outils et les mêmes connaissances applicables auprès de nos clients traditionnels pouvaient servir à proposer des services de cybersécurité à une clientèle nouvelle. Nous constatons aujourd’hui que la prise de conscience sur ces questions se généralise. Il y a encore cinq ans, le marché n’était pas encore prêt. Nous sommes donc en phase avec ses besoins.»

Un marché encombré

Pour Jérôme Schupp, responsable de la recherche de Syz Asset Management, Kudelski a un beau rôle à jouer dans la cybersécurité: «Il s’agit d’une opportunité qui permet de mettre en valeur les compétences du groupe, mais pour une application un peu différente et s’adressant à d’autres types de clients, soit des gouvernements, des médias ou des acteurs de la finance. Cela ouvre de nouvelles possibilités de croissance. Et Kudelski est un acteur tout à fait crédible technologiquement parlant.»

«Il existe clairement une demande pour des solutions de cybersécurité, renchérit Michael Foeth, analyste chez Vontobel. Cela dit, les acteurs présents sur ce marché sont déjà nombreux et il faut plusieurs années pour se construire une base de clientèle solide.»

Le groupe vaudois ne veut cependant pas délaisser ses domaines d’activités historiques, dans lesquels il est leader mondial. Bien au contraire. En ce qui concerne la télévision numérique, Kudelski, qui a déposé plus de 3500 brevets, multiplie les accords de licence et de coopération avec des grands groupes internationaux comme Cisco, Netflix, Disney, Google ou Bloomberg.

En outre, l’entreprise a acquis l’année dernière la société norvégienne Conax, active elle aussi dans la télévision numérique mais avec des produits d’entrée de gamme, ce qui permettra notamment de développer l’offre dans les pays émergents.
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ENCADRE

La Suisse, nouveau coffre-fort mondial des données

«En matière de cybersécurité, la confiance joue un rôle clé, note Christophe Nicolas, fondateur de Kudelski Security. De par sa réputation en termes de qualité, de stabilité, de respectabilité et de neutralité, la Suisse a largement de quoi se placer en pole position.» L’analyste Jérôme Schupp estime lui aussi que la Suisse a une belle carte à jouer «étant donné la qualité de ses écoles polytechniques et le savoir-faire de diverses sociétés comme Kudelski».

Au-delà du groupe vaudois, une multitude d’entreprises helvétiques, notamment romandes, se profilent en matière de cybersécurité. C’est le cas de la société genevoise T3 Risk Management, qui s’est spécialisée dans la sécurité financière en proposant à ses clients (particuliers, family offices, entrepreneurs, professionnels) des solutions pour protéger leur fortune. Elle offre un service de soutien technique de type conciergerie délivré par des spécialistes de la sécurité informatique et recourt à des outils comme les clouds privés, la communication cryptée, le partage de fichiers et l’hébergement de données sécurisées.Egalement basée à Genève, Silent Circle commercialise le téléphone sécurisé Blackphone. Quant à Protonmail, elle se spécialise dans la sécurisation des mails. Autre exemple: la société de-sécurité Wisekey, qui cherche à développer un pôle technologique à Genève.

Ailleurs en Suisse romande, on peut mentionner la société de sécurité informatique Seculabs à Montricher, SCRT à Préverenges, active notamment dans les tests d’intrusion, la société Netguardians à Yverdon, qui développe des solutions visant à réduire le risque opérationnel dans des institutions bancaires, ou Navixia, basée à Ecublens, spécialisée dans la sécurisation de systèmes d’information.
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CHIFFRES*

425 millions
Chiffre d’affaires

51,3 millions

Bénéfice d’exploitation avant dotation saux armortissements et provisions (OIBDA)

30,4 millions
Bénéfice d’exploitation

*Résultats au premier semestre 2015 (en francs suisses).
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Une version de cet article est parue dans le magazine Swissquote (no 6/2015).