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Trio infernal

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Rösti, Gössi, Pfister: tout pour faire envie. Du moins de ce côté-ci de la Sarine. Albert, Petra et Gerhard sont donc les seuls candidats encore en lice pour briguer la présidence, respectivement, de l’UDC, du PLR et du PDC. La perspective de voir ces trois-là diriger sous peu les trois principales formations politiques de droite, semblent avoir donné bien plus que des boutons tant aux médias qu’aux politiciens romands. Les voilà tous trois promptement et sérieusement habillés pour l’hiver et chargés de toutes les tares de la terre.

C’est encore Rösti qui s’en sort le mieux. UDC certes, c’est-à-dire du parti du diable, mais occupant, ouf, l’aile gauche. Comme si l’enfer avait des recoins moins brûlants que les autres. Bon, avec un nom aussi rigolo, impossible d’être foncièrement mauvais, n’est-ce pas? Pour les deux autres en revanche, gare aux torpilles: Pfister, selon le rating des votes au parlement est clairement le plus à droite du PDC, tandis que Gössi est la troisième la plus à droite des radicaux.

Le quotidien vaudois «24 heures» imagine déjà ce triumvirat naviguer, comme c’est étrange, dans le sens du vent qu’ont dégagé les dernières élections fédérales: à tribord toute. Pour une Suisse en somme livrée à des sans-cœur assoiffés de chaire fraîche: «contre un congé parental, contre la sortie programmée du nucléaire, contre une adhésion à l’UE, contre un droit de vote facilité pour les étrangers». Bref «moins d’État, moins d’écologie, pas trop d’ouverture au monde».

La sénatrice socialiste Géraldine Savary partage cette horrifiante sidération: constater que les prochains présidents des partis de droite, eh bien, comment dire, seront de droite. Avec cet épouvantable trio, se morfond-elle, c’est la suprématie qui s’annonce «du libéralisme fiscal et financier». Horreur donc et des années de malheurs, étant entendu que ces gens-là «n’ont jamais manifesté un sens de l’État dans leur parcours politique».

Tellement que Géraldine Savary n’arrive pas à se souvenir que ces tristes individu(e)s aient jamais «fait preuve d’une certaine indépendance d’esprit face au dogme libéral». Tandis que chacun se souvient des incessantes preuves, quasi journalières, données par les amis de madame Savary, d’une profonde indépendance vis à vis du dogme socialiste.

Veut-on avoir une idée de la cote de popularité des futurs présidents au moins chez leurs camarades francophones? Ecoutons par exemple le cacique PDC vaudois Jacques Neirynck tailler un double costard au pauvre Pfister. Ce n’est seulement que l’homme soit de droite — «Sur des sujets très importants, il était le seul allié PDC de l’UDC. C’est quand même difficile d’être président d’un parti quand on ne vote pas selon les consignes du parti». Non, le mal est bien plus profond chez Gerhard Pfister et le professeur Neirynck se charge de nous le rappeler: «Au point de vue humain, c’est un personnage cassant, hautain et autiste». Rien que ça. Nous voilà su moins prévenus.

A propos de Petra Gössi, c’est la Radio Romande qui s’énerve. D’abord la dame «ne parle pas français et donne ses interviews uniquement en allemand.» Faute, très grande faute, et bien sûr «un handicap pour une présidente de parti, qui est amenée à débattre partout en Suisse, et un signal négatif pour la cohésion nationale». Surtout qu’en ce domaine, Petra ne fait qu’aggraver son cas, elle qui est «contre l’apprentissage obligatoire d’une deuxième langue nationale à l’école primaire».

Mais surtout, péché d’entre tous les péchés, Petra Gössi, si l’on en croit son smartvote «ne trouve pas justifié que les décisions de la Cour européenne des droits de l’Homme soient contraignantes pour la Suisse». Au secours, un agent double UDC. Encore.

Heureusement, elle peut compter sur des soutiens internes, vous savez ce genre de bonnes copines dont on dit qu’avec elles, on n’a pas besoin d’ennemis. Ainsi voilà Isabelle Moret, tout de même vice-présidente du PLR, qui déclare à propos de sa probable future présidente: «Petra Gössi a une grande marge de progression». Comme vient de le dire l’ancienne secrétaire d’Etat américaine Madeleine Albright, après la déculottée d’Hillary Clinton dans le New-Hampshire, due en partie à la désaffection de l’électorat féminin: «Il y a une place spéciale en enfer pour les femmes qui ne s’entraident pas.»

Conclusion? Tous les présidents de parti, et tant pis s’il faut le regretter, ne peuvent pas être romands et de gauche. Un Levrat ça va, plusieurs, bonjour qui vous savez.