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Du modèle monosexuel à nos jours, «NZZ Folio» raconte

Chaque semaine, Isabelle Guisan épluche les journaux d’ici et d’ailleurs. Elle vient de refermer le dernier supplément hebdomadaire du quotidien zurichois NZZ consacré à la «grande petite différence entre homme et femme».

Je l’attends chaque premier lundi du mois avec impatience, ce magazine thématique que la NZZ publie avec succès depuis quelques années. Les thèmes sont parfois larges, – ce mois-ci, la «grande petite différence entre homme et femme» -, parfois plus étroits: à venir en août, «Las Vegas, capitale des illusions». Ils sont toujours traités par des journalistes écrivains et/ou des spécialistes dans leur domaine qui savent vulgariser.

Dans le numéro de juillet, des articles légers comme le récit d’un week-end pour couples, organisé par John Gray, l’auteur du bestseller «Les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus» qui semble même avoir enregistré sur une cassette pédagogique les sons à émettre pendant l’orgasme! Le papier peut-être le plus informatif est celui d’un professeur d’histoire de Californie, Thomas Laqueur, qui nous tend sa grille d’analyse pour nous rappeler – ou nous apprendre – comment la perception des sexes a évolué au cours des siècles, passant du modèle monosexuel au modèle actuel qui observe deux sexes bien distincts.

De l’Antiquité au 18e siècle, nos aïeux n’auraient vu chez l’être humain qu’un seul sexe revêtant deux formes différentes. L’une parfaite et l’autre moins, l’une «chaude» et l’autre «froide», l’une mâle et l’autre femelle. Ils considéraient les organes sexuels comme identiques, simplement placés différemment (à l’intérieur du corps chez la femme). L’écoulement du sang prenait lui aussi des formes différentes, rarement mensuel chez les femmes qui ne cessaient d’être enceintes, souvent nasal ou anal (pour cause d’hémorroïdes) chez les hommes. Thomas Laqueur tente ensuite de démontrer comment la science n’a pas été seule à faire prévaloir la différenciation des sexes. Les changements politiques et sociaux induits par la Révolution française ont été déterminants pour permettre aux femmes de ne plus se considérer seulement comme une forme mineure du sexe mâle. L’histoire nous enseigne, conclut-il, que notre approche de notre corps dépend avant tout de l’utilisation sociale et politique des développements de la science.

Voilà pour le corps du magazine… Mais j’avoue que ma préférence va d’habitude à deux chroniques d’une page qui distillent très finement un peu de notre époque, dans chaque édition de ce NZZ Folio. La première, tenue par la rédactrice en chef adjointe Lilli Binzegger, fait parler quelqu’un à partir de son lieu, que ce soit un artiste dans son atelier ou un homme d’affaires dans son salon. Cette semaine, elle raconte l’édifiant quotidien rythmé par la religion d’un très sage garçon de 16 ans dans un internat catholique de Disentis, aux Grisons. Une grande photo couleur complète le portrait.

L’autre chronique, c’est celle que tient chaque mois l’écrivain Martin Suter, celui-là même qui a quitté la Suisse pour le soleil espagnol, l’auteur de «Small World», un rom pol mêlé d’Alzheimer traduit par les éditions Christian Bourgois en 1997. Dans le NZZ Folio, Martin Suter s’intéresse aux états d’âme de Geri, un brave garçon évidemment célibataire qui fréquente les lieux branchés de Zurich – souvent évoqués nommément -, qui tente de s’y sentir à la hauteur et qui, mais rarement, s’en trouve bien. Cette semaine, Geri se retrouve seul en fin de soirée dans un bar avec Aira, la jolie fille qui sert les boissons et qui, soudain, installe posément deux bières grenadine dans un coin confortable.

Geri se montre évidemment totalement plouc, incapable de comprendre ce qui se passe entre la fille et lui, et le dialogue Geri-Aira proposé par Martin Suter est aussi hilarant que malheureusement réaliste. Martin Suter a plus de 40 ans, son Geri fait donc peut-être un peu fin des années 80 mais le désarroi imperturbable de ce Narcisse en quête dans la ville a son petit côté éternel humain.