KAPITAL

L’ordinateur prend le volant

La voiture de demain sera autonome et ultra-connectée. Gros plan sur un marché qui ne tient plus de la science-fiction.

Aux côtés des écrans incurvés et autres montres connectées, les voitures sans conducteur ont joué les vedettes lors du Consumer Electronics Show 2015, qui s’est tenu au début janvier à Las Vegas.

Le célèbre «strip» de la ville aux 75 casinos accueillait notamment en première mondiale le nouveau concept-car de Mercedes-Benz. Intitulé F015 Luxury in Motion, ce véhicule au design épuré préfigure la voiture de demain. Car si elle embarque un système de conduite autonome, la F015 est avant tout pensée pour offrir une expérience nouvelle au passager grâce à ses sièges modulables et à ses larges écrans tactiles intégrés aux portières.

Audi a annoncé pour sa part que «Jack», surnom de son dernier prototype en date, avait parcouru de lui-même les 900 km séparant San Francisco de Las Vegas. S’il ne peut pas encore naviguer au centre d’une ville, le concept-car du constructeur allemand, équipé d’un ensemble de capteurs radars, de scanners lasers et de caméras 3D, est déjà autonome sur autoroute, prévenant tout de même le conducteur lorsqu’il s’apprête à changer de voie ou à dépasser une autre voiture. Aux côtés des grands constructeurs automobiles traditionnels, de nouveaux venus lorgnent sur ce marché prometteur, qui devrait représenter 9% du parc automobile d’ici à 2035, selon le cabinet IHS. A commencer par les géants informatiques Apple, Baidu ou encore Google, qui vient lui aussi de présenter son modèle de véhicule sans conducteur.

Smartphones sur quatre roues

Le prototype de la firme californienne pourrait d’ailleurs n’être qu’un outil marketing pour habituer le public aux véhicules autonomes, estime l’analyste Mike Hudson de la société d’études eMarketer. «Google a énormément à gagner de l’adoption de la conduite autonome, parce que cela permettrait de transformer les conducteurs en consommateurs de contenu web.»

Et du coup, c’est un segment publicitaire inédit qui s’ouvre, et qui pourrait prendre une importance considérable ces prochaines années, le cabinet Oliver Wyman estimant qu’il y aura près de 200 millions de véhicules branchés à internet d’ici trois ou quatre ans. «Les voitures pourraient un jour rivaliser avec les téléphones portables en termes de débouchés publicitaires», relève Mike Hudson.

Cette nouvelle donne semble désormais assimilée par les constructeurs automobiles traditionnels. «Il y a deux ou trois ans, les grands constructeurs ont réalisé que les smartphones avaient conquis le monde et qu’il ne serait tout simplement pas possible de lutter avec leurs propres armes contre les systèmes Android et iOS.»

Plus de 40 compagnies, parmi lesquelles General Motors, Renault, Bentley, mais aussi le fabricant de cartes graphiques et de processeurs Nvidia ou les spécialistes de l’électronique LG, Pioneer et Panasonic, font aujourd’hui partie de l’Open Automotive Alliance, un consortium dont l’objectif est d’intégrer le système Android dans les voitures. Dans le même temps, Apple a multiplié les partenariats pour équiper les véhicules de quantité de constructeurs, dont Ferrari, BMW, Ford, Honda, Nissan, PSA Peugeot et Toyota.

Challenges techniques et légaux

Si une partie des écueils techniques semble être en voie de résolution, il reste encore du chemin à faire pour convaincre les consommateurs d’adopter ces nouveaux véhicules.

Dans cette optique, le Royaume-Uni vient d’autoriser depuis le 1er janvier dernier une série d’essais grandeur nature dans quatre villes du pays (Greenwich, Bristol, Coventry et Milton Keyes). Des tests sont également en cours en Californie, au Japon et en Suède. Le pays scandinave devrait accueillir près 1000 voitures autonomes sur ses routes d’ici à 2017 d’après le fabricant Volvo, qui vient d’investir 70 millions de francs dans un circuit d’essai situé près de Gothenburg.

S’ajoutent à cela les nombreuses questions légales qui restent en suspens. «Qui détiendra les données de navigation? Est-ce que les constructeurs auront le droit de vous vendre de la publicité? Est-ce que vous pourrez payer votre voiture en consommant plus de publicité?» résume Mike Hudson. De nouvelles lois pourraient rapidement faire leur apparition au vu des enjeux, notamment sécuritaires. Car si le développement de ces nouveaux véhicules pourrait contribuer à diminuer le nombre de décès sur les routes, la responsabilité en cas d’accidents entre véhicules autonomes est un aspect qui n’est pas encore résolu.

«Il est fort probable que les voitures autonomes soient équipées à terme d’une boîte noire qui enregistre les données de navigation, à la manière de ce qui se fait dans le domaine de l’aviation, relève Hugh Boyes, spécialiste de la cyber-sécurité à l’Institution of Engineering and Technology. Cela faciliterait l’enquête en cas d’accident, et éviterait que les constructeurs ne cherchent à se dédouaner.»
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Une version de cet article est parue dans Swissquote Magazine.