KAPITAL

Vendre via des sites comme Ricardo, une solution viable?

De nombreux commerçants utilisent les plateformes en ligne comme Ricardo ou Anibis pour doper leurs ventes. Mode d’emploi.

«Le nombre d’annonces publiées par des professionnels a augmenté de 40% depuis le début de l’année, constate Yves Mäder, directeur de Ricardo. Les annonces professionnelles ont aujourd’hui dépassé les annonces privées. Pourtant, notre plateforme était initialement destinée aux particuliers.» Ricardo, Anibis, Petitesannonces ou encore Tutti: les entrepreneurs sont toujours plus nombreux à commercialiser leurs produits via ces plateformes de petites annonces. Il s’agit même de l’une des tendances fortes observées actuellement dans le domaine du e-commerce.

Et le phénomène n’en serait qu’à ses débuts. «Le nombre d’annonceurs professionnels a augmenté de 27% en un an sur Anibis, note Olivier Rihs, son directeur. Nous sommes encore aux prémices de cette croissance. Les commerçants savent depuis longtemps que les clients se trouvent sur le net. Mais ils réalisent depuis peu où il convient d’aller les chercher.»

Quelle plateforme?

Que l’on décide de vendre ses produits uniquement via ces sites ou de les utiliser comme canaux supplémentaires, la démarche permet d’augmenter sa visibilité. Très connus, ils sont visités par des millions d’internautes chaque mois: 18 pour Ricardo, 7,5 pour Anibis et 1,2 pour Petitesannonces. «Les commerçants viennent sur notre plateforme dans le but d’attirer de nouveaux clients, explique Frédéric Monnard, fondateur de Petitesannonces. En outre, ils bénéficient de notre travail en matière de référencement et de maintenance, les coûts sont donc très faibles voire inexistant.»

Sur les sites de e-commerce et d’annonces en lignes, l’annonceur a le choix entre différentes formules. Sur Ricardo, les professionnels achètent des forfaits de publication qui vont de 15 francs par mois pour 50 annonces, à 360 francs par mois pour 3000. Les articles peuvent être mis en vente aux enchères ou à prix fixe et doivent coûter un minimum de 10 francs. Dans un second temps, l’annonceur peut choisir de placer sa publication de manière à optimiser sa visibilité sur le site: 40 francs pour la faire figurer en page d’accueil, et des options comprises entre 2 et 12 francs pour l’afficher sur les pages principales des différentes catégories de produits. Ricardo touche une commission de 5 à 9% sur chaque vente en fonction du type d’article.

«En plus d’être un site d’annonces, nous sommes une plateforme de commerce en ligne sur laquelle les transactions sont effectuées, précise Yves Mäder. Ce qui explique ces frais.» La stratégie de Ricardo consiste donc à garder un maximum de distance entre les vendeurs et les acheteurs. Objectif: éviter que ces derniers ne passent commande directement sur les sites des vendeurs. Cela explique que, sur une annonce, il n’y ait pas de lien renvoyant au site de l’annonceur. «Bien sûr, les clients voient d’où vient leur produit lorsqu’ils le reçoivent chez eux, relève le directeur. Vendeurs et acheteurs peuvent également discuter sur le «chat» de notre site. Néanmoins, de nombreux consommateurs continuent d’acheter via notre plateforme tout en devenant des clients fidèles pour les vendeurs car notre site a acquis une bonne réputation et les consommateurs s’y sentent en sécurité.»

Sur Anibis, Petitesannonces et Tutti, la publication des annonces est gratuite. Les publications prioritaires et plus visibles se paient à des tarifs compris entre 11 et 24 francs avec la possibilité d’insérer des liens, excepté sur Tutti. Sur ces portails, les transactions s’effectuent entre l’acheteur et le vendeur directement.

Multiplier les canaux

Entre son propre site internet et les plateformes d’annonces et de vente en ligne, il est important d’être présent sur un maximum de canaux. «Nous travaillons depuis le début avec des sites comme Petitesannonces, indique Olivier Nimis, fondateur de Remicom, une société spécialisée dans la transmission d’entreprises et la remise de commerces. Au total, nous publions 1800 annonces sur une quarantaine de portails web. Environ 30% de notre clientèle provient de ces sites, Petitesannonces étant le plus efficace pour nous.»

De son côté, la boutique en ligne de chaussures Koala.ch n’a pas hésité à s’inscrire sur Ricardoshops, le centre commercial virtuel de Ricardo. Cette plateforme, qui ne comprend pas d’annonces privées, rassemble une quarantaine de sociétés. Pour établir un magasin dans Ricardoshops, les commerçants doivent remplir certains critères. Les produits érotiques et alimentaires ne sont, par exemple, pas acceptés. Par ailleurs, les entreprises doivent installer un logiciel pour connecter leur site à cette plateforme et, comme avec le site principal, Ricardo touche une commission sur chaque vente.

«Les ventes que nous effectuons sur Ricardoshops représentent une infime partie de notre chiffre d’affaires, dit Matthias Fröhlicher, cofondateur de Koala.ch. La démarche vise à accroître notre visibilité sur la toile, et à prendre la place qu’un concurrent pourrait occuper.»
_______

PORTRAITS

«Très vite, je suis parvenu à vendre entre 10 et 20 bateaux par an»

Grâce à Anibis, Thierry Turuvani s’est lancé en solitaire dans la vente de bateaux. Cette année, il a racheté le Centre nautique du Landeron et dirige une équipe de dix collaborateurs.

Après une formation en microélectronique et un premier parcours professionnel dans l’horlogerie, le Neuchâtelois Thierry Turuvani décide de réorienter sa carrière et de créer sa propre entreprise. En 2000, il fonde Windspeed, une société qui met des avions à disposition de pilotes privés. Au fil des ans, il diversifie son activité en proposant aux entreprises des services de comptabilité et de consulting. En 2009, il se lance dans la vente de bateaux en publiant des annonces sur plusieurs sites, dont Anibis. «Très vite, je suis parvenu à vendre entre 10 et 20 bateaux par année grâce à cette plateforme. J’ai donc décidé de poursuivre dans cette voie.»

Cette année, l’entrepreneur a racheté le Centre nautique du Landeron, une société de vente de bateaux également active dans l’entretien et qui dispose de locaux pour l’hivernage. Un rachat rendu possible grâce aux bonnes ventes effectuées sur Anibis durant ces cinq dernières années; le prix des bateaux peut atteindre 50’000 francs. «Le Centre nautique m’intéressait car, avec ses infrastructures, il me permet d’étoffer mon offre en proposant des services de mécanique et de peinture par exemple.»

Aujourd’hui, Thierry Turuvani reste très actif sur Anibis, où il dispose en permanence d’une soixantaine d’annonces publiées. «Ce site a beaucoup contribué au développement de mes affaires. Même avec des sites d’annonces spécialisés dans le nautisme, je ne concrétise pas autant de ventes.»
_______

«Ricardo m’a permis d’attirer des clients»

Ludovic Decorges a fait connaître son entreprise de e-commerce grâce à Ricardo. Il vend maintenant des articles de sport automobile dans toute l’Europe.

En 2000, après avoir travaillé dans le secteur automobile, Ludovic Decorges décide de se mettre à son compte en vendant des accessoires pour voiture sur Ricardo. En 2008, il fonde Swissimex, une société de commerce en ligne basée à Gland (VD) qui propose du matériel de compétition destiné aux pilotes et de l’outillage pour les mécaniciens. Il exporte aujourd’hui ses produits en Espagne, au Portugal, en Italie, en Allemagne ainsi qu’en Angleterre.

«Dans un premier temps, pour me faire connaître et attirer un maximum de clients, j’ai été très présent sur Ricardo. Cela m’a notamment permis de toucher des acheteurs domiciliés en Suisse alémanique. Environ 30% des internautes qui commandaient via cette plateforme venaient ensuite directement sur mon site. Une fois ma clientèle acquise, j’ai quasiment quitté Ricardo.» De temps en temps, pour attirer de nouveaux consommateurs, Ludovic Decorges vend encore certains articles via la plateforme de commerce en ligne. «Être présent sur plusieurs canaux reste important. Sur mes 2500 articles, j’en propose occasionnellement une dizaine sur ce site.»

Disposant d’un dépôt de 220m2 et d’un bureau, le vendeur s’apprête à embaucher deux collaborateurs en 2015 pour suivre le rythme de ses ventes, qui progressent de 30% chaque année.
_______

«A mes débuts, je doublais mon chiffre d’affaires chaque année»

Il y a dix ans, Pierre-Alec Emery s’amusait à acheter et revendre des produits sur Ricardo. Aujourd’hui, il est à la tête de PEM Import et son chiffre d’affaires annuel dépasse les 700’000 francs.

«J’ai commencé à faire du commerce en ligne parallèlement à mon métier d’informaticien. J’achetais des produits sur Ricardo pour les revendre plus cher. J’y ai pris goût et le nombre de mes ventes a rapidement augmenté. Appareils photo, tire-bouchons ou encore paires de chaussettes, je vendais de tout. En 2000, j’ai officialisé cette activité en créant ma société et mon site de vente, PEM Import, parallèlement à Ricardo. A cette époque, j’ai également engagé une personne pour effectuer les envois et je stockais encore les produits dans mon garage! Huit ans plus tard, j’ai quitté mon travail d’informaticien pour me consacrer pleinement au e-commerce.»

Dans la foulée, Pierre-Alec Emery acquière un entrepôt de 800m2 à Marin (NE) pour stocker sa marchandise et devient le vendeur le mieux évalué par les internautes de Ricardo. «Lorsque j’ai décidé de me consacrer entièrement à la vente en ligne, vers 2008, je doublais régulièrement mon chiffre d’affaires qui a atteint 2,4 millions de francs dans ma meilleure année.»

Aujourd’hui le rythme des ventes s’est calmé. «Les consommateurs sont plus avertis qu’il y a six ans et le nombre de vendeurs présents sur le net a augmenté, ce qui explique cette baisse. Mais le marché reste intéressant.» Malgré la notoriété de son site internet, Pierre-Alec Emery effectue toujours la moitié de son chiffre d’affaires sur Ricardo.
_______

Une version de cet article est parue dans PME Magazine.