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Geak, la smartwatch made in China

La société shanghaienne veut s’imposer sur le marché international de la montre connectée. Rencontre avec Gu Xiaobin, son ambitieux CEO.

Il a le look d’un adolescent: baskets à l’effigie des personnages «Angry Birds», jeans beige et pull à capuche. L’attitude du quadragénaire Gu Xiaobin est pourtant bien celle d’un homme d’affaires déterminé. Avec assurance, il décrit les produits fabriqués par Geak, l’entreprise qu’il dirige depuis sa création, en juin 2010. «Nos smartwatches allient technicité et design, ce qui n’est pas le cas des autres ‹montres intelligentes› que l’on trouve aujourd’hui sur le marché.»

Ces atouts revendiqués — et les 300’000 unités vendues en quelques mois après le lancement du produit en juin 2013 — lui donnent la confiance nécessaire pour imaginer un développement à l’international. «Nos montres sont proposées uniquement chez des détaillants en Chine pour l’instant, mais nous souhaitons attaquer le marché américain d’ici à la fin 2015. Nous y ouvrirons des magasins, mais nous testerons d’abord notre concept à Shanghai, en inaugurant un ‹experience shop›, comme ceux déjà lancés par Apple.»

Alors que la firme californienne a présenté sa première smartwatch, les géants Samsung, Google, Sony, LG, ainsi que des start-ups prometteuses comme Pebble, veulent aussi imposer leurs montres intelligentes. Mais pour Gu Xiaobin, à l’heure actuelle, «Google est le seul réel concurrent de Geak.»…

Atout domestique

Trop optimiste, l’ambitieux CEO? Selon Cindy Zhao, du cabinet de conseil shanghaien MassThinker, Geak a toutes les chances de s’imposer en Chine. «Les marques étrangères ne sont pas toujours celles qui réussissent le mieux sur le marché domestique. D’ailleurs, un nombre important de consommateurs chinois qui utilisaient des téléphones Apple ou Samsung choisissent à présent d’acquérir des portables fabriqués par Xiaomi ou ZTE, des marques locales.»

Cette spécialiste du marché des «wearable devices» (technologies portables) émet en revanche quelques réserves quant à l’expansion vers l’Occident. «Chaque marché a ses propres attentes: un produit qui plaît en Chine ne séduira pas forcément les consommateurs d’un autre pays. Les montres Geak devront être adaptées aux besoins et aux envies des clients étrangers.»

Dans les bureaux de l’entreprise, Gu Xiaobin nous présente la deuxième génération de smartwatches de Geak. Les nouveautés: une batterie plus efficace, des cadrans ronds et une esthétique générale proche de celle d’une montre traditionnelle. «Notre premier et unique modèle, proposé à 2’000 yuans (environ 300 francs suisses), a surtout séduit les jeunes âgés de 20 à 30 ans. Par leur look, nos trois nouvelles créations plairont tant à des hommes d’âge mûr qu’à des adolescents. L’une d’entre elles coûte 300 yuans (environ 45 francs suisses), et sera ainsi davantage accessible aux plus jeunes.»

Le directeur explique que sa marque ne vise pour l’instant que la clientèle masculine. Mais ne veut pas en rester là: «L’un de nos défis consistera à développer une montre au design féminin, qui comporte des applications spécifiquement destinées aux femmes.»

Ce qui distingue vraiment une montre Geak des autres smartwatches, estime Gu Xiaobin, réside dans son «fonctionnement autonome». «Il s’agit d’un objet indépendant, qui permet d’être en tout temps connecté, sans recours obligatoire à un smartphone.» Sur la plateforme de la firme, l’utilisateur peut télécharger gratuitement toutes sortes d’applications qui lui permettent de relever des informations sur sa santé ou de se divertir (l’appareil est compatible avec des jeux Android comme Angry Birds). «Certaines applications permettent même d’activer son four ou d’allumer sa télévision à distance.»

Geak mise aussi sur une stratégie marketing basée sur la proximité. «Je communique moi-même sur Weibo (le twitter chinois, ndlr) avec nos followers, qui sont plus d’un million. Nous garantissons une solution à tout problème technique dans les 24 heures», assure Gu Xiaobin. Pour fidéliser les adeptes, il va jusqu’à offrir son produit. «Toute personne qui a acheté une Geak de première génération peut, dans les trois ans, recevoir un nouveau modèle gratuitement.»

Culture basée sur le jeu

Les montres de l’entreprise sont développées dans les locaux de la société, situés dans un parc technologique du quartier de Pudong, au septième étage du bâtiment abritant le siège de Shanda, l’un des principaux leaders chinois du jeu en ligne. Geak en est une filiale.

«Notre gestion est totalement indépendante de celle de Shanda, précise Gu Xiaobin. Nous sommes financés par des investissements privés. Mais cette affiliation a tout de même une influence sur notre culture d’entreprise: nous sommes une entreprise évoluant dans l’univers du jeu! Et je tiens à ce que mes employés aient cet état d’esprit et s’amusent dans leur activité.»

Régulièrement, le vendredi, un jeu est d’ailleurs proposé aux collaborateurs: «Je leur demande de réfléchir à une solution à différents types de problèmes durant le week-end. Celui ou celle qui arrive avec la meilleure idée le lundi matin, se voit récompensé de 10’000 yuans (1’500 francs suisses environ).»

Effectivement, l’ambiance est détendue – tout en étant studieuse – dans l’open space aux tables bien chargées. Chaque employé (160 au total) a personnalisé son espace à l’aide de peluches, de photos, mugs, et autres gadgets bigarrés. Des chaises longues reposent contre les parois. «Nous faisons des siestes à l’heure du déjeuner», explique l’assistante du patron. Pour autant, Gu Xiaobin n’acquiesce pas lorsque la gestion peu «traditionnelle» de son entreprise est comparée à celle qu’affiche fièrement le géant Google depuis des années. «Le management de Geak est unique, affirme-t-il. Je le qualifierais de simple et de direct.»

Le bureau du CEO est d’ailleurs situé dans l’open space pour «favoriser la communication et l’échange d’idées avec ses employés». Par la fenêtre, on aperçoit l’Université Fudan, l’une des meilleures hautes écoles de Chine. «Nous entretenons de bonnes relations avec elle. Je pense d’ailleurs que c’est à Shanghai que se trouvent les meilleurs jeunes talents dans le domaine de la recherche et du développement. Leur excellence permettra à Geak d’atteindre ses objectifs.»

A ce sujet, Gu Xiaobin livre une dernier souhait: «Mon rêve a toujours été celui de diriger une entreprise cotée. Dans quelques années, j’entreprendrai les démarches nécessaires pour faire entrer Geak en Bourse.»
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Une version de cet article est parue dans Swissquote Magazine (no 4 / 2014).